
Les étudiantes libanaises participant à la proclamation du prix Le Choix Goncourt de l’Orient réunies à la médiathèque de l’Institut français de Beyrouth pour le tournage d’un numéro de l’émission « Destination francophonie » pour TV5 Monde. Photo extraite de la page Twitter de la Direction Moyen-Orient de l’AUF.
Si le quotidien des étudiants a changé radicalement en quelques mois, le plaisir de lire reste, chez eux, intact. Cette année encore, ils ont été nombreux à vouloir découvrir et classer les romans de la sélection sélection de l’Académie Goncourt en prenant part à ce prix littéraire annuel organisé par la Direction régionale Moyen-Orient de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) en partenariat avec l’Institut français du Liban. 34 étudiants en provenance de 29 universités situées dans 10 pays de la région Moyen-Orient, dont le Liban, se sont donc préparés, pendant des semaines, pour participer à la délibération à huis clos à l’issue de laquelle a été désignée la lauréate de cette 9e édition du prix. L’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal a été récompensée par 19 voix sur 34 pour son roman Les impatientes (éditions Emmanuelle Colas), qui fait découvrir aux lecteurs la condition féminine au Cameroun. Sous le parrainage de l’Académie Goncourt, la proclamation du prix, animée par la présidente du jury, Salma Kojok, s’est tenue le mardi 8 décembre à l’Institut français de Beyrouth (IF) et en visioconférence, en présence de Paule Constant, membre de l’Académie Goncourt, d’Anne Grillo, ambassadrice de France au Liban, de Slim Khalbous, recteur de l’AUF, et de Jean-Noël Baléo, directeur régional de l’AUF au Moyen-Orient. Les internautes ont pu suivre la cérémonie diffusée sur les réseaux sociaux et écouter les témoignages des étudiants ayant participé en présentiel et en visioconférence à la proclamation du prix Le Choix Goncourt de l’Orient.
Nour Obeid. Crédit photo Jana Sayah
Aiguiser son esprit critique
Cette manifestation littéraire annuelle permet incontestablement aux participants de découvrir les meilleures œuvres publiées au cours de l’année ainsi que des auteurs qu’ils n’avaient pas forcément lus avant. « Les romans de la 2de sélection de l’Académie Goncourt sont assez intéressants et les thèmes qui y sont abordés trouvent un écho chez chacun de nous. Le fait que nous ayons eu l’occasion de faire une lecture approfondie d’œuvres contemporaines de la littérature française et francophone est enrichissant, autant sur le plan personnel qu’académique », indique Nour Obeid, étudiante en 2e année de lettres françaises à l’Université Saint-Joseph, campus Liban-Nord (CLN). « J’ai pris part à cet événement pour le plaisir de lire à la fois ces œuvres et les chroniques littéraires qui ont été publiées, ce qui m’a permis, en même temps, de développer ma culture littéraire. La lecture fait partie intégrante de l’apprentissage académique, surtout pour les étudiants de littérature qui ne doivent pas se limiter aux œuvres suggérées par les enseignants, mais plutôt avoir la curiosité de s’intéresser aux publications récentes », souligne Mayssa Abdallah, étudiante en 2e année de littérature française à l’Université libanaise (section 1).
Chloé Hayek. Crédit photo Élena Elias
Mobilisées pour désigner l’œuvre lauréate, les étudiantes interrogées révèlent qu’en participant à cette 9e édition du prix, elles ont appris à rédiger des fiches de lecture et des chroniques littéraires, et à argumenter et confronter leurs idées de manière constructive. « Mon parcours universitaire m’incite à découvrir, analyser et critiquer les œuvres que j’ai en main. C’est notamment grâce aux débats avec mes collègues que j’ai pu développer ma pratique de l’argumentation et participer, avec assurance, aux délibérations », explique Joy Khallouf, inscrite en 2e année de lettres françaises à l’Université Saint-Esprit de Kaslik. Pour Nour Obeid, la lecture est d’une aide précieuse pour apprendre à s’exprimer et à penser librement. « Mener des débats et rédiger des chroniques littéraires nous ont permis d’aiguiser notre esprit critique en confrontant nos idées et nos points de vue », remarque-t-elle. Chloé Hayek, en 3e année de lettres françaises à l’USJ, campus Liban-Sud (CLS), acquiesce et relève : « La lecture de ces romans qui sont assez différents les uns des autres m’a permis, en plus d’enrichir ma culture, de développer mon esprit critique. Je peux comparer plus facilement les œuvres et, surtout, j’ai appris à affirmer mes goûts littéraires. »
Joy Khallouf. Photo DR
Créer un dialogue autour de la littérature
Le fait de pouvoir échanger avec les autres jurés en provenance d’une trentaine d’universités situées dans différents pays de la région Moyen-Orient constitue la particularité de cet événement culturel, et c’est ce qui intéresse le plus les participantes. Chloé Hayek reconnaît : « Puisque le rayonnement de la langue française dépasse les frontières de l’Europe et de l’Occident, je trouve qu’il est nécessaire de donner aux jeunes du Moyen-Orient la chance de faire entendre leur voix en récompensant l’œuvre qui les a le plus passionnés. Cet évènement réunit des étudiants autour d’une passion commune et leur offre l’opportunité d’instaurer un dialogue constructif. »
« N’oublions pas que la lauréate Djaïli Amadou Amal bénéficiera de la traduction de son œuvre en arabe, ce qui va permettre aux lecteurs arabophones de découvrir son livre engagé qui fait entendre la voix des femmes », remarque Joy Khallouf.
Les étudiantes en littérature ne sont pas les seuls à vouloir débattre et à défendre une œuvre qui les a marqués. Aya Muhieddine, en 4e année de pharmacie à l’Université arabe de Beyrouth, se réjouit que l’événement Le Choix Goncourt de l’Orient, auquel elle a pris part pour la première fois, ait été maintenu et qu’il se soit déroulé au Liban. « La lecture occupe une place de choix dans ma vie pour diverses raisons : elle est source de plaisir et elle me permet de m’évader d’un quotidien triste et monotone en me laissant emporter par des histoires. Pour moi, une personne qui lit apprend à s’émanciper tout en développant ses connaissances », confie l’étudiante. Et d’assurer : « Comme je ne suis pas d’études littéraires, cette aventure m’a permis de m’intéresser à nouveau à l’analyse du récit et des personnages, et de développer mes compétences linguistiques. Cela me motive à poursuivre mes lectures en français et à m’intéresser de plus près à cet événement les années suivantes. »
Aya Muhieddine. Crédit: DR
Se former en lisant
Isabelle Ghanem, enseignante à l’USJ, prépare ses étudiants, depuis 2018, à prendre part à cet événement littéraire annuel. Elle confirme que la participation de ces derniers au Choix Goncourt de l’Orient leur permet de se former en lisant et en se documentant. « Les jeunes sont enthousiastes à l’idée de découvrir de nouvelles œuvres sur lesquelles peu de choses ont été écrites. Ils sont informés de l’actualité littéraire et apprennent à développer leur esprit critique. De même, ils se sentent investis de la responsabilité de partager avec les autres leurs lectures récentes », précise-t-elle.
La participation des étudiants à cet événement, initié en 2012, contribue au renforcement de la langue et favorise les échanges entre les étudiants d’une même classe et avec les participants d’autres universités. « Ils apprennent tous à présenter une argumentation rigoureuse quand il s’agit de défendre tel ou tel autre roman et à débattre lors de l’événement public », ajoute Mme Ghanem. Cela ne fait aucun doute que cet événement, qui encourage la liberté de pensée et d’expression, continuera de passionner les étudiants du Moyen-Orient tout en suscitant une réflexion sur la littérature, la culture et le monde.
Si le quotidien des étudiants a changé radicalement en quelques mois, le plaisir de lire reste, chez eux, intact. Cette année encore, ils ont été nombreux à vouloir découvrir et classer les romans de la sélection sélection de l’Académie Goncourt en prenant part à ce prix littéraire annuel organisé par la Direction régionale Moyen-Orient de l’Agence universitaire de la...
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