Le patriarche maronite Béchara Raï, a critiqué dimanche la lenteur de l'enquête locale sur la double explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth, estimant que plus celle-ci tarde à donner des résultats, plus les suspicions augmenteront. Le chef de l'Église maronite a en outre appelé le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri à former "un gouvernement de sauvetage exceptionnel", alors que le Liban est confronté à une grave crise économique depuis plus d'un an.
L'explosion du 4 août a fait 204 morts et plus de 6.500 blessés, en raison du stockage de 2.750 tonnes de nitrates d'ammonium sans mesures de sécurité depuis sept ans, de l'aveu même des autorités libanaises. Celles-ci ont refusé une enquête internationale. Entre-temps, l'investigation locale n'a toujours pas abouti à des résultats concrets quatre mois après le drame, en dépit d'une vingtaine d'arrestations dans les rangs d'officiers et de responsables de sécurité de second rang.
Assassinats suspects
"Que fait la Justice pour faire la lumière sur l'explosion du port de Beyrouth, quatre mois plus tard, et quelle justice a-t-elle été rendue aux familles des victimes et aux sinistrés ? Quatre mois se sont écoulés et les Libanais ne savent rien des résultats de l'enquête", a regretté le prélat, lors de son homélie dominicale. "Plus la vérité tarde à éclater, plus les questions et les suspicions augmenteront, d'autant plus que ce retard s'accompagne d'assassinats de personnes chargées de la sécurité dans des circonstances suspectes, dont le plus récent a eu lieu à Kartaba il y a trois jours", a poursuivi Béchara Raï. Le corps d'un colonel à la retraite des Douanes libanaises, Mounir Abourjeily, tué dans des circonstances suspectes, a en effet été retrouvé mercredi à son domicile à Kartaba, sur les hauteurs de Jbeil. Certains ont fait un rapprochement avec la mort suspecte en 2017 d’un autre officier des Douanes du port, le colonel Joseph Nicolas Skaff.
"D'autre part, Il y a des problèmes autour des prérogatives judiciaires, comme si les personnes impliquées dans l'enquête se rejetaient la responsabilité les unes les autres", a encore fustigé le patriarche maronite. "Les Libanais ont le droit de savoir qui a fait exploser le port de leur pays et détruit une partie de leur capitale. Le silence est parfois synonyme de suspicion, et le retard est synonyme de silence" a-t-il conclu.
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a pour sa part affirmé que sa formation envisageait un recours devant la Cour pénale internationale si l'enquête locale n'aboutit pas.
Peuple en détresse
Sur le plan politique, Mgr Raï a "regretté l'absence de "toute mention de l'État libanais" à la visioconférence de soutien humanitaire au Liban, coprésidée par la France et les Nations Unies mercredi. "La chose la plus inquiétante à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui est que le monde ne traite plus avec le Liban en tant qu'État mais avec le peuple libanais comme un peuple en détresse, à qui des secours sont distribués", a alerté le dignitaire religieux maronite. "Où est le Liban de prospérité et de gloire ? Comme il est aussi triste de constater que la déclaration finale de la conférence de Paris a évité de mentionner le mot "État libanais" en s'adressant uniquement au peuple libanais. Les responsables libanais n'ont-ils pas honte?" s'est-il indigné.
La conférence de soutien au Liban vise à fournir une aide humanitaire d'urgence à la population libanaise, notamment après l'explosion au port de Beyrouth, alors que l'aide économique promise par la communauté internationale est quant à elle conditionnée par la mise en place d'un gouvernement de mission composé d'experts non partisans et capable de mettre en œuvre les réformes demandées.
Le retard gouvernemental
Le patriarche est par la suite revenu sur le retard dans la formation du gouvernement censé être mis sur pied par le Premier ministre Saad Hariri, désigné en octobre. "Y a-t-il une justification pour ne pas former un nouveau gouvernement qui redresserait le Liban, arrivé à son niveau le plus bas sur le plan économique, financier, social et sécuritaire, et le ramènerait au rang des nations ? Où est leur conscience individuelle et où est leur conscience nationale ?" s'est-il interrogé, en allusion aux responsables politiques. (...) Quelles que soient les véritables raisons qui retardent l’annonce d’un nouveau cabinet, nous appelons le président de la République et le Premier ministre désigné à faire fi de toutes ces raisons et à former une équipe de sauvetage exceptionnel, en dehors du système de partage des quotes-parts".
En l'absence de gouvernement, le cabinet du Premier ministre démissionnaire, Hassane Diab, est chargé de la gestion des affaires courantes, depuis le 10 août dernier. Les responsables politiques ne parviennent pas à s'entendre pour former un gouvernement qui soit conforme aux exigences de la communauté internationale d'une part, et puisse satisfaire toutes les parties politiques libanaises d'autre part, en raison du traditionnel partage du gâteau. "N'attendez pas que les politiciens soient d'accord, car ils ne seront jamais d'accord, et n'attendez pas la fin des conflits régionaux, car ils ne finiront pas" a ajouté Béchara Raï.
Enfin, le patriarche maronite a renouvelé la proposition de Bkerké d’adopter une "carte sociale électronique" permettant d'avoir accès aux produits de première nécessité subventionnés. La Banque du Liban (BDL) subventionne des produits de base au taux de 1.515 LL le dollar ou dans certains cas 3.900 LL le dollar, mais ses réserves en devises ne cessent de s'amenuiser, et selon son gouverneur celles-ci ne devraient suffire que deux mois désormais, alors que le dollar sur le marché noir s'échange contre environ 8.000 LL.
"Fragments de patrie"
"Les dirigeants de notre pays ont appauvri l'ensemble de la population et l'ont fait souffrir", a déploré de son côté le métropolite de Beyrouth, Mgr Elias Audi. "Le monde a perdu confiance dans le Liban à cause de la corruption qui y a été érigée en loi et à cause de l'absence de reddition des comptes". Et le prélat de poursuivre : "Combien de temps allez vous poignarder votre pays ? Il ne reste que des fragments de patrie. Nous devons libérer ce qui reste de la nation de l'emprise des politiques et de leur manque de responsabilité", a-t-il souligné.
commentaires (10)
JOSEPH AOUN A LE DEVOIR DE FAIRE UN COUP D'ETAT , DISSOUDRE LA CHAMBRE ET ARRETTER LES RESPONSABLES OU IL SERA LE PREMIER RESPONSABLE D'AVOIR LAISSE FAIRE CES CRAPULES AU POUVOIR LES PREMIERES ACCUSATIONS CONTRE SON PREDECESSEURS SONT UN AVERTISSEMENT POUR LUI QUI POURRAIT AVOIR DES DOSSIERS ENTERRES ENCORE
LA VERITE
17 h 09, le 07 décembre 2020