Rechercher
Rechercher

Politique - Éclairage

Gouvernement : les trois raisons de l’impasse

Tout le monde anticipe la bataille d’après, ce qui favorise l’immobilisme.


Gouvernement : les trois raisons de l’impasse

Le président de la Chambre, Nabih Berry, le président Michel Aoun et Saad Hariri, alors Premier ministre, en 2018 au palais de Baabda. Photo d’archives ANI

Pourquoi le Liban n’a-t-il toujours pas de gouvernement ? La presse locale essaye de répondre quotidiennement à cette question depuis des mois, alors que les responsables politiques s’étaient engagés auprès d’Emmanuel Macron, le 1er septembre dernier, à le former dans un délai de quinze jours. « C’est la faute des États-Unis et par extension de Hariri », avancent les médias proches du Hezbollah. « C’est Bassil qui bloque toute l’opération », répondent en chœur les journaux favorables à ce qui fut autrefois appelé le 14 Mars.

Tout cela n’est pas tout à fait faux. Mais un peu réducteur, les obstacles s’ajoutant les uns aux autres pour créer une impasse de laquelle le Liban ne parvient pas à sortir depuis la démission de Saad Hariri le 29 octobre 2019. Faute de pouvoir se réinventer, la planète politique libanaise tourne en rond depuis maintenant un peu plus d’un an. Trois grandes raisons expliquent cette situation : la nature de la gouvernance libanaise, les considérations géopolitiques et les anticipations de la bataille d’après.

Le gouvernement pré-thaoura reposait sur l’idée d’un consensualisme sur le plus petit dénominateur commun entre toutes les parties. Les différentes composantes qui formaient le gouvernement avaient beau privilégier des options parfois diamétralement différentes, y compris sur des sujets de premier plan, tous convenaient que le compromis était le seul moyen d’éviter le vide institutionnel, à moins de changer les règles du jeu, ce qui supposait que toutes les parties s’entendent là-dessus. C’est ce même « plus petit dénominateur commun » qu’ils ne parviennent aujourd’hui plus à trouver. Et pour cause : chaque partie a une exigence qui rend le compromis global impossible. Le tandem chiite veut un remake du gouvernement Diab mais avec à sa tête, cette fois-ci, Saad Hariri. Le Courant patriotique libre défend la même option, mais sans Saad Hariri. Si ce dernier doit tout de même être de la partie, le CPL veut être certain de conserver un contrôle sur le gouvernement. En somme, un retour à la situation pré-thaoura où Saad Hariri disposait d’une marge de manœuvre limitée dans son propre gouvernement. Inacceptable pour le Premier ministre désigné qui n’est pas prêt à répéter l’expérience passée. Mais qui ne peut pas non plus défendre l’idée d’un gouvernement de technocrates, nommé par ses soins, alors qu’il a déjà accordé aux chiites le ministère des Finances et la capacité de nommer leur propre ministre. S’il étend l’exception aux autres formations politiques et accorde ainsi les mêmes prérogatives au CPL, il se trouverait en position de faiblesse, les chrétiens pesant, contrairement aux chiites, pour la moitié du gouvernement. La situation ne peut se débloquer à ce niveau-là que par un compromis à la libanaise entre Saad Hariri et Gebran Bassil.

Décryptage

Baabda : des mesures de rapiéçage... en attendant Saad Hariri

Mais deux difficultés viennent s’ajouter à ce casse-tête. Un : les relations sont exécrables entre les deux hommes qui s’accusent l’un l’autre d’être à l’origine de la crise que traverse le pays. Deux : chacun est encouragé pour ses propres raisons à défendre une position maximaliste. Saad Hariri parce qu’il veut revenir en position de force sur le devant de la scène ; Gebran Bassil parce qu’il ne veut pas être le seul à payer le prix de la révolution, d’autant plus après avoir été sanctionné par les États-Unis.

Sacrifices conséquents

À cela s’ajoutent des considérations géopolitiques, directement liées à la formation du gouvernement, même si elles ont tendance à être toujours exagérées par les commentateurs locaux. Si le gouvernement voit le jour, la première chose – la seule, diront certains – que vont regarder les États-Unis et les pétromonarchies du Golfe, c’est à quel point celui-ci a le visage du Hezbollah. Pas question pour eux de venir en aide à un gouvernement qui serait dominé par la formation chiite et ses alliés. Or ce sont les principaux (potentiels) donateurs d’une aide financière internationale pour le Liban. Saad Hariri est contraint de prendre en compte cette donnée, ce qui complique nécessairement encore un peu plus l’équation. Le Hezbollah refuse de se mettre en retrait dans un contexte où il est l’objet d’une forte pression internationale. C’est pourquoi il y a de grandes chances que rien ne bouge avant l’investiture de Joe Biden le 20 janvier prochain. Les partis font le pari d’un réchauffement des relations irano-américaines qui faciliteront les choses au Liban.

Lire aussi

L’extension des affaires courantes, une menace que pourrait agiter Aoun face à Hariri

Mais c’est un pari hasardeux, là encore, pour au moins deux raisons. Un : si le nouveau président américain va favoriser une approche diplomatique avec l’Iran, celle-ci pourrait tarder à donner des résultats, voire même n’en donner aucun compte tenu de la complexité du dossier. Le Liban va-t-il encore attendre pendant tout ce temps alors qu’il s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise ? Deux : même un accord entre l’Iran et les États-Unis serait loin de faire sauter tous les nœuds qui expliquent l’impasse actuelle. La France est le seul pays à ne pas faire de la question de la marginalisation du Hezbollah une condition sine qua non pour son aide au Liban. Mais Paris demande que le gouvernement soit formé de personnalités compétentes et crédibles, capables de mettre en œuvre des réformes structurelles dans les plus brefs délais. Parce qu’elle doit également être prise en compte, cette dimension ajoute une dose de complexité à la formation du gouvernement, aucune des parties n’étant prête à céder sans se battre pour ses « avantages » acquis au cours de ses années au pouvoir. La mise en œuvre des réformes implique des sacrifices conséquents pour la classe politique. Non seulement personne ne veut assumer ses responsabilités dans la crise, mais surtout nul ne le fera s’il a l’impression que les autres peuvent en tirer avantage. La bataille autour de l’audit juricomptable de la Banque du Liban en est le dernier exemple. « Pourquoi se limiter à l’audit de la BDL ? » avancent tous ceux qui craignent que celui-ci leur soit dommageable. L’audit devrait probablement mettre en avant les détournements de fonds passés et engager la responsabilité pénale de ceux qui en sont à l’origine. On peut douter du fait qu’une seule des formations politiques en question soit réellement prête à aller au bout de l’opération, compte tenu des conséquences probables de celle-ci. Tout le monde bluffe pour gagner du terrain ou ne pas en perdre par rapport aux autres. La bataille de l’après est déjà dans tous les esprits, particulièrement dans ceux des leaders du Hezbollah. Qui résistera à la tempête? Qui sera sacrifié ? Quel sera demain le rapport de force ? Le dilemme est le suivant : les partis doivent se réinventer, couper la branche sur laquelle ils sont assis depuis des décennies, sans pour autant disparaître et sans pour autant que certains en sortent en position de force par rapport à d’autres. Autrement dit : entreprendre les réformes à condition que cela permette de préserver le système et que tout le monde fasse des concessions en même temps. Une logique qui conduit finalement à ne rien faire.

Pourquoi le Liban n’a-t-il toujours pas de gouvernement ? La presse locale essaye de répondre quotidiennement à cette question depuis des mois, alors que les responsables politiques s’étaient engagés auprès d’Emmanuel Macron, le 1er septembre dernier, à le former dans un délai de quinze jours. « C’est la faute des États-Unis et par extension de Hariri », avancent les...

commentaires (21)

Dites moi Berry et HN sont des libanais ou des perses?

Eleni Caridopoulou

17 h 30, le 09 décembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (21)

  • Dites moi Berry et HN sont des libanais ou des perses?

    Eleni Caridopoulou

    17 h 30, le 09 décembre 2020

  • Entre l'Espoir et le Futur, le Courant ne passe pas. On sera tôt ou tard débarrassés de deux d'entre eux. Le troisième déguerpira tour seul.

    B Malek

    00 h 37, le 07 décembre 2020

  • Si on fait un petit raisonnement devant la photo des 3,on se rend compte que chacun d'eux ne partage aucune chimie d'entente avec les 2 autres, pour ne pas dire qu'il déteste les 2 autres . Ils doivent déguerpir tous les 3 à la fois. Un Etat ne peut se fier à ce trio consommé de longue date.

    Esber

    05 h 36, le 06 décembre 2020

  • le navire coule et rien ne peut l'arrêter, tout ce que ces criminel font c’est jeter des gens par-dessus bord en espérant que le navire cessera de couler ,,pauvres fous,,,leur intelligence est inversement proportionnelle à leur égo

    Liban Libre

    19 h 47, le 05 décembre 2020

  • Tant que la fonction ministérielle permet l'accès de son titulaire à la Trésorerie Nationale, il y aura toujours des difficultés à former un gouvernement. C'est pourquoi nous assistons à la ruée derrière le Ministère des Finances. On dit que le ministre qui détient le Ministère des Finances détient la clé de l'Etat. La politique est ainsi faite, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Depuis un certain temps est venue s'ajouter la politique des assassinats. Jadis on ne tuait que les assassins. Désormais on tue pour camoufler son crime. Adieu au Général Abou Rjaïly.

    Un Libanais

    19 h 09, le 05 décembre 2020

  • Quel trio !!!! Sans commentaire

    Elias

    18 h 30, le 05 décembre 2020

  • ON DIRAIT QUE LE CORONAVIRUS EST L,ANGE GARDIEN DE NOS ABRUTIS/CORROMPUS/VOLEURS ET INCOMPETENTS, INCLUS LES MERCENAIRES IRANIENS, ET QU,IL FUT CREE ET REPANDU POUR LES SERVIR. LE DIABLE AU SERVICE DES DIABLES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 10, le 05 décembre 2020

  • Tous les fâcheux événements étaient planifiés avec ou sans sawra . Mais depuis lle 17 octobre 2019 le pays dégringole à une vitesse vertigineuse . Et dans vos colonnes vous continuez à louer et encenser lcette contestation de mauvais augure .

    Hitti arlette

    16 h 27, le 05 décembre 2020

  • ON DIRAIT DEUX MOUS...QUE...TERRES AVEC DARTA-GNAN.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 16, le 05 décembre 2020

  • 95 POUR CENT DES JUGES SONT CORROMPUS, C'EST CE QU'ON DIT. MAIS LES 5 POUR CENT QUI RESTE, ILS SONT OÙ ????? LE 1 UN POUR ENT, OÙ IL EST ? OÙ IL SE TROUVE ? COMMENT S'APPELLE-IL ? IL N'A PAS VU CETTE PHOTO DE CES TROIS LÀ QUE SAMRANI NOUS L'EXPOSE EN PERMANENT. ON SE RÉVEILLE ET ON VOIT LA GUEULE DE CES TROIS.

    Gebran Eid

    13 h 43, le 05 décembre 2020

  • Cette situation fait partie du complot des pourris qui refusent de sauver le pays. Ils laissent pourrir la situation jusqu’à la putréfaction pour que le peuple finisse par accepter la situation d’avant sans broncher pour avoir quelques heures d’électricité et des miettes pour survivre plutôt que de mourir de faim de soif et dans le noir. Voilà leur projet pour le Liban nouveau. Le même en pire avec la bénédiction du peuple inexistant.. Si Hariri ou Aoun avait la volonté de sauver la nation et le peuple, ils n’auraient pas sacrifié la constitution pour plaire à HB et co, fossoyeurs de ce pays en accédant à ses conditions sans broncher pour garantir leurs parts dans le partage de bouse couverte de mouches à merde qui ne veulent pas la quitter. Ils prétextent des enjeux géopolitiques alors que le Liban et les libanais leur demande de prendre une position de neutralité pour pouvoir garantir la sécurité et la stabilité du pays et des citoyens. Chose qu’ils ne veulent pas faire puisque ça mettra fin à leur autocratie qui tire sa force des armes de ces vendus.

    Sissi zayyat

    11 h 55, le 05 décembre 2020

  • Nous voulons vraiment sauver notre Liban ? Commençons par renvoyer chez eux ceux qui ont dépassé leur date-limite depuis longtemps ! En plus, ils contaminent leur entourage de leur j'menfoutisme envers le peuple et ses besoins de base...et d'une absence totale de patriotisme et de la notion d'honneur national...qui engendrent la corruption...- Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 01, le 05 décembre 2020

  • Tous mais alors tous, des guignols qui ne font même pas rire ...

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 12, le 05 décembre 2020

  • La photo illustre très bien le titre de l’article :-D

    Gros Gnon

    09 h 46, le 05 décembre 2020

  • il est requis de s hariri , exigence toute naturelle, de s'expliquer quant aux raison/au but qui lui a fait sauter sur le 1er wagon disponible et se resoudre a former ce gouv qu'il savait impossible a former comme - lui le dit- selon des normes inedites, saines et salvatrices, surtout apres avoir concede ce truc idiot aux binome chiite ? POURQUOI DONC? QUELLE EXPLICATION?CELA NE VOUS TARABUSTE PAS ? MOI SI, BEAUCOUP CAR C'EST VRAIMENT TRES TRES BIZARRE.

    Gaby SIOUFI

    09 h 29, le 05 décembre 2020

  • LE FESTIVAL DES ALIBABAS OU CHAQUE VOLEUR EXHIBE LES VOLS DE L,AUTRE ET NE VEUT PAS QU,ON PARLE DES SIENS. SANS UN DEGAGEMENT TOTAL DE TOUTES CES CLIQUES MAFIEUSES DU SOMMET A LA BASE DE L,ECHELLE LE PAYS VA DISPARAITRE COMME TEL. MEME PAS UNE REPUBLIQUE BANANIERE. LA SEULE SOLUTION C,EST QU,UN TRIUMVIRAT MILITAIRE UNI BOUCLE TOUS LES MAFIEUX ET DIRIGE LE PAYS POUR QUELQUES ANNEES QUITTE AU PEUPLE LIBANAIS A SOUFFRIR POUR SON SALUT ET SON DEVENIR UNE AUTORITE DESPOTIQUE MOMENTANEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 57, le 05 décembre 2020

  • En fait, on peut dire qu'il n'y a qu'une seule raison au blocage: le refus pour la classe politique, et ce, au plus hait niveau de l'Etat, d'un gouvernement de spécialistes INDEPENFANTS . Dès lors que l'on entre dans la logique du partage du gâteau, chacun réclame sa part et les discussions s'éternisent, chacun ayant sa propre conception de "ses droits" Ce refus d'un gouvernement formé de personnes compétentes et intègres est évidemment motivé par la crainte d'avoir à rendre des comptes.

    Yves Prevost

    08 h 02, le 05 décembre 2020

  • Qu'ils soient tous tranquilles, il n'y aurait pas de bataille d'après. Quand le peuple n'arrive plus à se nourrir, il n épargnera aucune alternative, et ils regretteront beaucoup ce qu'ils ont fait actuellement.

    Esber

    06 h 55, le 05 décembre 2020

  • République de Bananes

    Robert Moumdjian

    05 h 57, le 05 décembre 2020

  • TOUS À LA POUBELLE. A QUAND UN SOULÈVEMENT POPULAIRE MASSIF CONTRE CETTE CLASSE POLITIQUE INQUALIFIABLE ???

    Nadim Emile Melki

    01 h 29, le 05 décembre 2020

  • "... Gouvernement : les trois raisons de l’impasse ..." (1) Aoun, (2) Berry, et (3) Hariri...

    Gros Gnon

    00 h 47, le 05 décembre 2020

Retour en haut