Faisant suite à la visioconférence internationale de mercredi en « soutien à la population libanaise », coprésidée par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et le président français, Emmanuel Macron, la Banque mondiale (BM), l’Union européenne (UE) et les Nations unies ont présenté hier, lors d’une conférence de presse virtuelle, leur plan d’action intitulé « 3RF – réforme, relèvement, reconstruction ».
Ciblant les besoins urgents des Libanais affectés par l’explosion du port de Beyrouth le 4 août, ce plan apporte un cadre pour des actions-clés, dont les coûts et l’ordre de priorité seront posés, visant à soutenir le rétablissement et la reconstruction de Beyrouth. Le 3RF couvre plusieurs secteurs et implique un large éventail de partenaires, du gouvernement à la société civile en passant par les donateurs, et insiste, en outre, et bien sûr, sur la nécessité de lancer un programme de réformes.
Ce dernier point est au cœur des appels de la communauté internationale depuis des mois maintenant. Ainsi, en début de semaine, la BM avait publié un rapport affligeant intitulé « La dépression délibérée », au sein duquel l’institution dénonçait l’irresponsabilité de la classe politique libanaise, incapable d’implémenter les réformes exigées par la population et la communauté internationale. Un point martelé par les participants à la visioconférence de mercredi, Emmanuel Macron en tête.
Des réformes donc également réclamées par les représentants des trois institutions pour la mise en place de certains pans du 3RF. L’ambassadeur de l’UE au Liban, Ralph Tarraf, a ainsi souligné la nécessité pour le pays du Cèdre « de se doter d’un nouveau modèle de gouvernance garantissant que les institutions étatiques servent effectivement les habitants et s’attellent aux innombrables crises qui touchent le pays », alors que ce dernier poursuit sa chute économique et financière, accélérée par la pandémie du Covid-19 et la tragédie du 4 août.
« Après cette tragédie humaine, des solutions sont possibles, mais sans, le pays tombera tout simplement dans une crise humanitaire aiguë », a poursuivi Najat Rochdi, coordinatrice spéciale adjointe pour le Liban et coordinatrice résidente et humanitaire des Nations unies pour le Liban. Enfin, avec Saroj Kumar Jha, directeur régional de la BM pour le Moyen-Orient, tous trois ont appelé à la formation rapide d’un gouvernement, un processus qui n’a toujours pas abouti alors que Saad Hariri a été désigné fin octobre. Faute de gouvernement et de lancement des réformes requises, ont averti les porteurs du plan, le champ d’action du 3RF se verrait sérieusement limité. Même si l’aide humanitaire d’urgence sera, elle, fournie sans conditions.
Un plan global
L’« Évaluation rapide des dommages et des besoins » (RDNA) de la première phase d’action immédiate, publiée fin août par la Banque mondiale en coopération avec l’ONU et l’Union européenne, avait, entre autres, évalué le coût de la réhabilitation des infrastructures publiques, excluant le port, d’ici à 2021 entre 1,8 et 2,2 milliards de dollars. Lui succédant, le cadre 3RF initie la seconde phase du processus d’aide humanitaire et de reconstruction de Beyrouth et revoit ce chiffre à la hausse, l’estimant dorénavant à 2,5 milliards de dollars nécessaires sur les 18 prochains mois. Un coût et une durée révisables.
Le directeur régional de la BM pour le Moyen-Orient a souligné ne pas encore avoir les chiffres des fonds qui pourront être levés dans le cadre de cette seconde phase, le 3RF venant à peine d’être lancé. Il a également précisé que « la reconstruction du port de Beyrouth n’y est pas incluse, car elle doit faire l’objet d’un partenariat public-privé ». Par ailleurs, un prêt d’aide d’urgence pour la crise libanaise et un filet de protection sociale contre le Covid-19 de 246 millions de dollars, prévu pour janvier, fait déjà l’objet de négociations entre le Liban et la BM, comme l’a annoncé le président Michel Aoun mercredi lors de la visioconférence.
Qualifié d’« inédit » par les trois institutions à sa tête, de par son ampleur et le nombre d’acteurs impliqués, ce plan n’est toutefois pas une réponse à l’ensemble des crises auxquelles fait face le pays, telles la crise économique et financière ou celle des réfugiés syriens. De fait, si les réformes proposées englobent nombre de défis institutionnels à relever par le gouvernement, il demeure que le 3RF ne cible que celles liées à la reconstruction et à l’aide humanitaire post-explosion. Le lancement des réformes prônées bénéficierait toutefois au Liban dans son intégralité, relèvent toutefois les porteurs du plan.
Trois principes
Poursuivant trois objectifs principaux, que sont « le relèvement axé sur les populations, la reconstruction des actifs, services et infrastructures essentiels, et la mise en œuvre des réformes indispensables », le plan d’action du 3RF « propose une vision pour “reconstruire au mieux” » basée sur trois principes : l’inclusion, la réforme et la souveraineté.
Le premier principe signifie une approche participative de toutes les parties prenantes « depuis la planification jusqu’à la mise en œuvre », ce plan étant avant tout « conçu pour le peuple, pour répondre à ses besoins essentiels, sauvegarder ses droits élémentaires et lui permettre de faire entendre sa voix dans le processus décisionnel », a expliqué Najat Rochdi.
Soulignant la nécessité absolue de restaurer la confiance du peuple libanais dans les institutions publiques pour réussir le relèvement et la reconstruction, Ralph Tarraf a aussi appelé le gouvernement libanais à assumer ses responsabilités en adoptant urgemment des réformes structurelles crédibles, ciblant particulièrement la justice, le Parlement et l’État. Ce qui entre donc dans le cadre du deuxième principe.
Cela sans pour autant entraver le dernier principe sur lequel se base le 3RF qu’est la souveraineté. En effet, si « les hommes politiques libanais ont abandonné la population au cours des dernières décennies, nous nous devons de respecter la souveraineté du Liban », a indiqué l’ambassadeur de l’UE au Liban. Pour ce faire, le 3RF propose de renforcer les institutions gouvernementales, justifiant cette démarche par le fait qu’il ne s’agit pas d’une affaire de « confiance mais de présence » sur la voie des réformes.
Un outil transparent
Autre mesure sur laquelle les porteurs de ce plan ont insisté hier : la transparence. Un point primordial dans un pays en attente de donateurs et d’investisseurs étrangers, freinés par un système libanais gangrené par la corruption.
« Chaque dollar arrivant au Liban sera minutieusement examiné », a martelé Saroj Kumar Jha lors de la conférence de presse. Un mécanisme de financement pour le Liban (LFF) sera en outre « mis en place afin de recueillir les fonds des donateurs », incluant « un suivi fiduciaire et une supervision indépendante de l’utilisation des fonds alloués » qui iront à la fois aux ONG, aux organisations liées aux Nations unies, aux associations professionnelles et à l’assistance technique.
Insistant sur ce point, le directeur régional de la BM pour le Moyen-Orient a ainsi clairement expliqué que chacune des parties prenantes sera sélectionnée selon des critères prédéfinis, évitant tout conflit d’intérêts entre les organisations, et qu’elles feront à la fois l’objet d’un audit social et d’un audit technique tout au long du processus. Cet audit sera réalisé par l’organe de supervision indépendant, permettant ainsi d’assurer la plus haute transparence dans le processus de financement.
commentaires (3)
insiste, en outre, et bien sûr, sur la nécessité de lancer un programme de réformes. JE NE REVE PAS j ai 71 ans je ne connais pas un seul responsable libanais qui connait ce mot : reforme, tant que ces gens restent au pouvoir rien ne changera, il faut commencer par les chasser mais comment ? comme ils disent les libanais inchalla .
youssef barada
16 h 00, le 05 décembre 2020