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Économie - Focus

Audit de la BDL : quid d’Oliver Wyman et de KPMG ?

Aucune autre entreprise n’acceptera de remplacer Alvarez & Marsal sans engagement sur l’accès aux documents de la BDL, estiment plusieurs sources interrogées.


Audit de la BDL : quid d’Oliver Wyman et de KPMG ?

Les audits d’Oliver Wyman et de KPMG serviront tout au plus à décrire les pratiques comptables, financières et de gouvernance de la BDL, selon une source contactée. Anwar Amro/AFP

L’avenir de l’audit de la Banque du Liban (BDL) est incertain depuis que, la semaine dernière, le cabinet d’audit international américain, Alvarez & Marsal, s’est désisté de sa mission visant à mener le volet juricomptable ( « forensic audit » en anglais), qui devait passer aux cribles les transactions passant par la Banque centrale pour y détecter des fraudes éventuelles. Cœur du triumvirat choisi par le ministère des Finances l’été dernier pour effectuer cet audit, Alvarez & Marsal laisse sur le carreau le réseau néerlandais de cabinets d’audit KPMG, devant s’occuper de l’aspect comptable, et le cabinet de conseil américain en stratégie Oliver Wyman, spécialiste des banques centrales.

Signés le 1er septembre dernier par le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, les contrats devaient être mis à exécution dès après réception des documents nécessaires à la mise en place de cet audit. Des documents devant être fournis, entre autres, par le gouvernement et la BDL. Cette dernière, refusant de s’y conformer sous prétexte de la loi sur le secret bancaire, argument contesté par plusieurs observateurs, a précipité la résiliation contractuelle d’Alvarez & Marsal, malgré le prolongement, le 5 novembre, de trois mois de la date butoir pour la réception de ces documents. Ce cabinet devait revoir les comptes de la BDL depuis 2016, au début des ingénieries financières, à savoir des échanges de titres de dette visant à doper ses réserves de devises en attirant des dépôts de l’étranger. Oliver Wyman doit, lui aussi, se focaliser sur cette période, en étudiant les effets de ces opérations sur l’état des réserves de la BDL et sur son bilan, alors que KPMG se concentrera sur les bilans passés, afin de fournir ceux de 2019 et de 2020.

Une source proche du dossier indique à L’Orient-Le Jour que les principaux acteurs attendent à présent une réunion, initialement prévue mardi mais annulée lundi soir, entre le président Michel Aoun, qui doit reprendre le flambeau, et le représentant d’Alvarez & Marsal, James Daniell, qui a quitté le Liban cette semaine. Cette réunion devrait bientôt avoir lieu, selon une source gouvernementale qui pense que la société va revenir sur sa décision de retrait pour accepter la suspension de trois mois. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a, lui, convoqué une séance plénière demain à ce sujet, suite à une missive lui ayant été adressée mardi par le président Aoun. Ce dernier a, de surcroît, rappelé hier que « sans un règlement de l’audit juricomptable, il ne peut y avoir d’accord, ni avec les pays désireux d’aider le Liban ni avec le Fonds monétaire international (FMI, à qui le Liban a adressé début mai une demande d’assistance financière, NDLR) », ce que confirment plusieurs observateurs. Or, le pays a urgemment besoin de financement externe, vu qu’il se débat depuis plus d’un an contre une crise économique et financière grave, à laquelle sont venues s’ajouter la pandémie de la Covid-19 et la double explosion au port de Beyrouth du 4 août dernier. Avec le retrait d’Alvarez & Marsal, les cabinets Oliver Wyman et KPMG semblent, en outre, désormais engagés dans des missions impossibles.

Utilité de l’audit

Le but des deux audits entrepris par KPMG et Oliver Wyman est d’évaluer, d’une part, la position financière de la BDL et de comprendre les fondements de ses politiques comptables et financières pour éventuellement évaluer ses pertes, accumulées pendant plusieurs années, et, d’autre part, de comprendre les motifs de déséquilibres dans ses livres de comptes eu égard aux normes et standards internationaux ; le tout dans une perspective visant à terme à réformer et relancer l’économie, indique une autre source proche du dossier.Cela pourrait, dans une certaine mesure, confirmer ou infirmer les estimations de 44 milliards de dollars de pertes avancées par le gouvernement de Hassane Diab dans son plan de redressement voté fin avril et qualifiées de « proches de la réalité » par le FMI. Sans oublier les pertes mensuelles de « 500 à 600 millions de dollars ».

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Selon la source, ces deux audits serviront tout au plus à décrire les pratiques comptables, financières et de gouvernance de la BDL. Autrement dit, rien de bien différent de ce qu’avaient fait les deux cabinets Ernst & Young (EY) et Deloitte pour l’audit 2018 de la Banque centrale, alors qu’ils n’avaient pas pu procéder à l’inventaire physique des réserves d’or et avaient démontré des pratiques comptables non conventionnelles, telles que « le seigneuriage sur la stabilité monétaire (un concept inexistant selon les normes en vigueur, NDLR) ».

Toujours selon la source précitée, l’audit juricomptable doit, pour sa part et contrairement aux deux autres, « déterminer ce qui se cache derrière ces transactions douteuses et s’il existe des délits ou infractions de nature criminelle caractérisée ». C’est-à-dire analyser si ces pertes ont été générées par le biais d’actes dolosifs et illégaux et déterminer qui en sont les responsables. Cette procédure doit également déterminer s’il y a eu des irrégularités, telles que de la corruption, des pots-de-vin, de l’évasion fiscale…

Sans ce volet juricomptable, les deux autres audits ne seraient dès lors pas d’une grande utilité pour déterminer l’étendue des responsabilités et des éventuels abus, sachant également que les contrats des trois sociétés mandatées sont en quelque sorte liés. En effet, Oliver Wyman prévoit dans son contrat que certaines tâches et résultats sont conditionnés par ceux de l’audit juricomptable et les informations qui y sont relatives. Poursuivant son propos, la source estime en outre qu’aucun autre cabinet ne tentera sa chance sans avoir obtenu des garanties d’accès aux documents requis.

Lors d’une émission télévisée sur la LBCI, le financier Mike Azar était allé encore plus loin, lundi, en déclarant que l’État libanais « humilie (les cabinets d’audits) et ne les laisse pas travailler », et que de surcroît, il ne « les paie pas convenablement ». Deux mois après la signature des deux contrats, l’État libanais n’a toujours pas « déboursé un seul centime » pour ces cabinets, confirme la première source susmentionnée.

Cet état de fait forcerait donc l’abandon pur et simple de tout audit, ce que rechercheraient, à leur profit, les classes politique et financière du pays, selon la source précitée. Selon l’autre source susmentionnée, une des personnes influentes, dans ce dossier, va devoir finir par tomber. Ce pourrait être « la moins influente politiquement, comme (le gouverneur de la BDL) Riad Salamé, mais uniquement si c’est sur la base de ces deux audits pour mauvaise gestion et non pour délits », poursuit-elle. La classe politique au pouvoir et la classe financière complice obtiendraient pour leur part un blanc-seing. « Cela reviendrait à faire table rase du passé comme ce fut le cas pour les chefs de guerre à la fin de la guerre civile (1975 à 1990), qui sont à présent les dirigeants du pays », ajoute-t-elle.

Contrats d’Oliver Wyman et KPMG

Bien que la BDL ait annoncé le 28 octobre avoir envoyé « tous les documents et informations requis par Oliver Wyman et KPMG, étant donné que ceux-ci ne sont pas en conflit avec les lois libanaises applicables (le secret bancaire, NDLR) », une source proche du dossier révèle que « l’on n’est pas sûrs que la Banque centrale ait effectivement envoyé tous les documents demandés ». Pour étayer son propos, elle pointe du doigt le fait qu’aucun des deux cabinets n’a commenté, de quelque manière que ce soit, la réception des réponses.

De plus, endiguée par le refus de la BDL de collaborer avec Alvarez & Marsal, la procédure d’audit est également compromise par les ressources dont Oliver Wyman et KPMG ont besoin pour mener à bien leur mission.

Divisé en deux phases, trois semaines pour une mise au point de la situation actuelle sur base des documents fournis par les différents protagonistes libanais, suivies d’une estimation de six semaines pour le rapport d’audit en lui-même, Oliver Wyman précise que cette deuxième et dernière phase pourra être prolongée selon l’évolution du travail de ses deux partenaires d’audit, quitte à être mise sur pause le temps que ses deux collaborateurs avancent dans leurs tâches sur base des documents requis.

Pour mémoire, dans Le Commerce du Levant

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Le cabinet américain, basé en Suisse, assure également que ces délais potentiels n’auront aucun impact sur le coût de la mission, établi à 200 000 francs suisses (220 200 dollars américains) pour la première phase et 750 000 CHF (825 759 dollars) pour la seconde, hors taxes et charges supplémentaires, et avec un plafond de 10 % pour les honoraires professionnels. Avec des factures bimensuelles, le cabinet Oliver Wyman n’a pas indiqué, dans son contrat, de pécule de départ en cas de résiliation de contrat. Il peut toutefois y mettre fin à tout moment sans engagement, notamment dans le cas où « pour l’une ou l’autre raison, les documents requis ne sont pas fournis et nous empêchent de mener à bien notre mission ». Alvarez & Marsal demandait, lui, 2,1 millions de dollars, répartis en trois paiements, et ne devait obtenir que 150 000 dollars en cas de rupture du contrat. C’est le montant que l’État, qui n’a encore rien déboursé, devra payer si le cabinet ne revient pas sur sa décision.

KPMG, elle, n’a pas fixé aussi clairement le coût de l’opération, qui dépendra du nombre d’heures passées sur le projet et de la rémunération de chacun des partenaires, basée sur l’ancienneté. Les rémunérations par heure varient entre 550 euros (650 dollars) pour un « partner » et 180 euros (212 dollars) pour une personne de niveau junior basée aux Pays-Bas, sans compter « l’argent de poche (comme les frais de transport ou de logement), 2,5 % (du montant de la facture correspondant) aux technologies et la TVA ». Les collaborateurs au Liban seront payés 210 dollars pour l’assistant du manager et 160 dollars pour les membres du groupe junior.

L’audit entrepris par la firme néerlandaise se divisera en quatre phases, dont les périodes ne sont pas spécifiées. Durant les deux premières phases, d’évaluation et non d’audit, KPMG partagera ses informations avec Oliver Wyman. Puis, en se basant sur l’audit des phases 3 et 4, KPMG fera un rapport qui explicitera le contrôle interne de la BDL, tout en rédigeant un audit des comptes de 2019, qui n’a toujours pas été publié alors que celui de la Banque centrale américaine a été publié le 6 mars 2020 – également auditée par KPMG –, pour enfin s’attaquer à l’audit 2020. Chaque phase sera divisée en sous-phases et, dépendamment des informations obtenues, le cabinet adressera une estimation du budget. La première sous-phase a été estimée à 100 000 euros (118 000 dollars) en l’absence des documents de la BDL.

KPMG se prémunit du risque d’erreur, précisant bien que c’est à la BDL de fournir les documents requis, celle-ci ayant accepté les standards internationaux de comptabilité, même si c’est le ministère des Finances qui doit vérifier que le cabinet a accès à tous les documents nécessaires. Le cabinet précise toutefois qu’il ne jouera pas le rôle du commissaire des comptes (statutory auditor), autrement dit qu’il ne pourra pas être considéré comme un second audit de la BDL, après EY et Deloitte. Toutefois, aucune information ne pourra être communiquée, ni au public ni aux médias.

L’avenir de l’audit de la Banque du Liban (BDL) est incertain depuis que, la semaine dernière, le cabinet d’audit international américain, Alvarez & Marsal, s’est désisté de sa mission visant à mener le volet juricomptable ( « forensic audit » en anglais), qui devait passer aux cribles les transactions passant par la Banque centrale pour y détecter des fraudes...

commentaires (5)

nouveau dans leurs principes a KELLON : faire ouvertement du mauvais esprit, de la mauvaise foi et de la mauvaise volonte, toutes reunies aboutissant a quoi alors ? A RUINER TOUT UN PEUPLE qui lui reste, tristement, stupidement accroche a ses maitres voleurs de sous et de sa dignite

Gaby SIOUFI

14 h 29, le 26 novembre 2020

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Commentaires (5)

  • nouveau dans leurs principes a KELLON : faire ouvertement du mauvais esprit, de la mauvaise foi et de la mauvaise volonte, toutes reunies aboutissant a quoi alors ? A RUINER TOUT UN PEUPLE qui lui reste, tristement, stupidement accroche a ses maitres voleurs de sous et de sa dignite

    Gaby SIOUFI

    14 h 29, le 26 novembre 2020

  • LE SHIFTING ET LE GAGNE TEMPS NE CONVAINQUENT PERSONNE. AU CONTRAIRE ON DEVIENT PLUS EXIGEANTS. LE GALA GALA NE MARCHE PLUS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 54, le 26 novembre 2020

  • ON FAIT APPELLE À CES BOITES POUR DANS LE BUT DE DÉCOUVRIR LES FRAUDES. HOOOP, SECRET BANCAIRE. POURQUOI ON LES A APPELÉ ? ON GANE DU TEMPS POUR EN FABRIQUER DES FAUX DOCUMENTS....SACRÉ FAUX SALAMÉ

    Gebran Eid

    12 h 08, le 26 novembre 2020

  • Dans l'histoire, Ali Baba c'est le gentil

    M.E

    10 h 41, le 26 novembre 2020

  • Les auditeurs sont entrés dans la caverne d’Ali baba.. Nul doute qu’Ali baba va collaborer, bien connu pour ouvrir toute les portes de l’hospitalité, pour ensuite savamment poser des mines sur le parcours de ses visiteurs.. Et ils n’ont pas encore frappé à la porte des ministères, finances en premier..pour rencontrer les frères et cousins d’Ali baba....

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 41, le 26 novembre 2020

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