Le chef du Courant patriotique libre, le député libanais Gebran Bassil, lourdement sanctionné vendredi par Washington qui l'accuse de corruption, abus de pouvoir et soutien au Hezbollah, a vivement réagi à cette décision dimanche, se défendant des accusations américaines, et répétant qu'il ne coupera pas les liens avec le parti chiite. "Je ne suis pas votre agent, je veux être votre ami", a-t-il ainsi martelé, en s'adressant à l'administration du président sortant Donald Trump, lors d'un discours-fleuve prononcé dimanche à midi au siège principal du CPL dans le centre Mirna Chalouhi à Sin el-Fil, devant lequel des dizaines de partisans s'étaient rassemblés pour soutenir M. Bassil.
Le chef du Courant patriotique libre, considéré comme l’un des principaux alliés chrétiens du Hezbollah, a été frappé par de lourdes sanctions imposées par le département américain du Trésor. Ces sanctions ont été prises sur la base du Magnitsky Act, qui vise tout responsable portant atteinte aux droits humains et ayant trempé dans des affaires de corruption. Conformément à ce texte de loi, les actifs de M. Bassil seront pour l'essentiel gelés aux États-Unis. Dans un communiqué distinct, le département d’État a annoncé que Gebran Bassil fait également l’objet de sanctions dans le cadre de la loi sur les opérations étrangères du département d’État (2020), qui cible les responsables de gouvernements étrangers impliqués dans des actes de corruption. Dans ce cadre, le chef du CPL est désormais interdit d’entrée aux États-Unis. Le département d'État a encore précisé que les actions prises contre Gebran Bassil s'inscrivent dans la continuité des sanctions lancées précédemment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme contre les anciens ministres libanais Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil.
"J’ai choisi la protection du Liban"
"On ne veut pas perdre notre relation avec Bassil"
"Plus tard, on est entré en contact avec moi afin de me convaincre que le but des Américains n'était pas de m'imposer des sanctions, mais de m'attirer en tant qu'ami et partenaire. Les autres (responsables politique sanctionnés) n'ont d'ailleurs pas été prévenus à l'avance, alors que moi, on a voulu me donner une chance de me sauver car ils veulent de moi", a poursuivi le chef du CPL. "J'ai entendu dire à plusieurs reprises "on ne veut pas perdre notre relation avec Bassil", a encore martelé le leader chrétien. "Ils m’ont présenté des offres qu’ils considèrent alléchantes : devenir une star au Liban et aux Etats-Unis, des gains politiques pour ma personne et pour le CPL... Mais cela n'a pas fonctionné. (...) Je n’ai rien fait en ce sens, et vendredi, les sanctions ont été annoncées, en pleine présidentielle américaine. Ils se préoccupaient de moi en plein scrutin !".
"Ces sanctions se réfèrent à la loi Magnitsky, et font à peine référence au Hezbollah alors que (les Américains, ndlr) n'ont cessé de me parler du Hezbollah", a encore lancé Gebran Bassil. "J'ai informé le CPL de cela, ainsi que le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Il m’a dit qu’il était prêt à apporte toute aide que nous réclamerions, mais naturellement, je n'ai rien demandé lors de cet entretien". "Si j’avais accepté de couper les ponts avec le Hezbollah, aurait-on cessé de m’accuser de corruption ? Et puis, la loi Magnitsky concerne les violations des droits de l’Homme. Alors que les accusations de corruption portées contre moi sont risibles", s'est encore insurgé Gebran Bassil.
"Je ne possède aucun compte ou bien en dehors du Liban. Mais ces sanctions touchent mes biens au Liban, et je vais engager un cabinet d’avocats, probablement américain, pour contester ces sanctions", a encore fait savoir M. Bassil. Lors de la conférence de presse tenue vendredi par des responsables américains pour annoncer les sanctions, il a été précisé que le Trésor américain a demandé aux banques libanaises de geler les avoirs du chef du CPL.
Gebran Bassil s'est aussi adressé à ses partisans, les mettant en garde contre les divisions au sein de son parti. "Je suis au courant des tentatives de certains services de renseignement de retourner certains de nos membres contre nous. Je reconnais ceux qui trahissent en les regardant dans les yeux. L’un de nos membres, qui se trouve à l’étranger, l’a déjà fait, et je sais de qui il s’agit. Je vais porter plainte contre cette personne devant le conseil d'arbitrage du parti et des sanctions seront prises", a-t-il annoncé.
Qualifiant les sanctions américaines de "crime", il a affirmé que ces mesures doivent "faire l'objet d'une enquête". Accusant sans les nommer les Etats-Unis d'être derrière son "assassinat politique", le chef de la formation aouniste a également affirmé que la révolte populaire du 17 octobre 2019, qui fustige la classe dirigeante libanaise et particulièrement M. Bassil, était financée par Washington et des puissances étrangers.
Ouverture en direction de Biden
Le chef du CPL a toutefois fait un geste d'ouverture envers la nouvelle administration américaine qui va se mettre en place, en saluant l'élection du candidat démocrate Joe Biden à la présidence, et Kamala Harris à la vice-présidence.
Il a également tenté de prouver que les sanctions contre sa personne n'auront pas l'effet recherché. "Affaiblir le CPL pour affaiblir le Hezbollah ne donnera pas le résultat escompté et poussera le Hezbollah à se défendre, et les chrétiens à l’exode. Ce projet de chaos ne doit pas se répéter au Liban. Il s’agit de tous les ingrédients d’une guerre au Liban. Nous ne poignarderons aucun Libanais dans le dos pour servir des intérêts étrangers", a-t-il affirmé, en référence au Hezbollah. "Nous ne serons pas en faveur de l’isolement d’une quelconque composante libanaise. Je l’ai déjà dit et je le répète. Nous n’avons trahi ni le Courant du Futur, ni les Forces libanaises. Il est donc impossible que nous trahissions le Hezbollah. Si nous voulons couper les ponts avec lui, nous le ferons sur la base de motivations nationales. Nous avons convenu avec le chef du Hezbollah d’améliorer le document d’entente avec le parti car les gens ont des attentes".
Gebran Bassil a enfin réitéré son appel à ses partisans à ne pas manifester près de l'ambassade américaine à Awkar.
Vendredi, Gebran Bassil avait déjà déclaré que les sanctions ne "l'effrayaient pas". Samedi, le bureau politique du CPL a lui aussi condamné ces sanctions. Et quelques heures plus tard, une poignée de partisans de M. Bassil s'étaient réunis au bas de son domicile en signe de solidarité.
C'est la première fois qu'un chef de parti chrétien libanais est la cible de sanctions américaines. Elles interviennent alors que, trois mois après la démission de Hassane Diab, les tractations pour la formation du gouvernement libanais semblaient s'embourber, en raison notamment d'un bras de fer entre Gebran Bassil et le Premier ministre désigné, Saad Hariri. A ce sujet, M. Bassil a estimé que les sanctions américaines contre sa personne "devraient hâter la mise sur pied du gouvernement".
Gebran Bassil est l'une des figures les plus conspuées dans la rue, depuis la révolte populaire du 17 octobre 2019, qui fustige toute la classe politique accusée de corruption et d'incompétence. Cette hostilité envers sa personne s'est accrue, de même que contre toute la classe dirigeante, après la double explosion du 4 août au port de Beyrouth, qui a tué 204 personnes, blessé 6.500 autres et ravagé des quartiers entiers de la capitale. La déflagration était due, selon la version officielle, à un incendie qui avait déclenché l'explosion de près de 3.000 tonnes de nitrate d'ammonium stockés sans mesures de sécurité dans le port depuis 2014.
commentaires (24)
Saint Gebran Bassil...Vous êtes vraiment risible. Croyez-vous que le Trésor Américain lance de telles accusations sans preuves? Croyez-vous vraiment qu'ils s’intéressent à votre personne, vous qui êtes tellement conspué par les Libanais???
mokpo
23 h 16, le 08 novembre 2020