Le président libanais Michel Aoun a demandé samedi à obtenir les "preuves et documents" qui ont poussé Washington à sanctionner la veille son gendre, le chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, pour corruption, abus de pouvoir et soutien au Hezbollah, une lourde mesure qui intervient en fin de mandat du président américain Donald Trump, après des mois de rumeurs sur de telles sanctions.
Le communiqué du palais
"Le président de la République, Michel Aoun, a demandé au ministre (sortant) des Affaires étrangères, Charbel Wehbé, d'effectuer les contacts nécessaires avec l'ambassade des États-Unis à Beyrouth et l'ambassade du Liban à Washington afin d'obtenir les preuves et les documents qui ont poussé le Trésor américain à formuler des accusations et imposer des sanctions contre le chef du Courant patriotique libre, l'ancien ministre et député Gebran Bassil", écrit le palais de Baabda dans un communiqué publié samedi matin. Le chef de l'État a ensuite "insisté pour que ces documents soient fournis à la justice libanaise afin qu'elle prenne les mesures légales nécessaires en la matière", ajoute le communiqué de Baabda. Le président a également fait savoir qu'il allait "suivre cette affaire de manière directe afin que les jugements convenables soient rendus au cas où des données sont collectées concernant ces accusations".
Le chef du Courant patriotique libre, considéré comme l’un des principaux alliés chrétiens du Hezbollah, a été frappé par de lourdes sanctions imposées par le département américain du Trésor. Ces sanctions ont été prises sur la base du Magnitsky Act, qui vise tout responsable portant atteinte aux droits humains et ayant trempé dans des affaires de corruption. Conformément à ce texte de loi, les actifs de M. Bassil seront pour l'essentiel gelés aux États-Unis. Dans un communiqué distinct, le département d’État a annoncé que Gebran Bassil fait également l’objet de sanctions dans le cadre de la loi sur les opérations étrangères du département d’État (2020), qui cible les responsables de gouvernements étrangers impliqués dans des actes de corruption. Dans ce cadre, le chef du CPL est désormais interdit d’entrée aux États-Unis.
Le département d'État a encore précisé que les actions prises contre Gebran Bassil s'inscrivent dans la continuité des sanctions lancées précédemment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme contre les anciens ministres libanais Youssef Fenianos et Ali Hassan Khalil. Dans ce cas aussi, le président Aoun avait demandé au chef de la diplomatie libanaise d'entrer en contact avec les autorités américaines afin d'obtenir les preuves et documents qui ont motivé leur décision. Les suites de cette requête ne sont toujours pas connues à ce jour.
"Briser une volonté libanaise libre"
Vendredi, Gebran Bassil avait vite réagi à l'annonce des sanctions, affirmant que celles-ci ne "l'effraient pas". Et samedi, le bureau politique du CPL a condamné les sanctions US qui visent son chef. Dans un communiqué, la formation a exprimé son "rejet total des sanctions américaines contre Gebran Bassil", estimant qu'elles constituent "une diffamation claire et une instrumentalisation de la justice américaine pour se venger d'un leader politique". Le bureau politique du CPL a également dit "regretter que l'administration américaine, en fin de mandat présidentiel, utilise son pouvoir afin de briser une volonté libanaise libre, en violation des valeurs de liberté démocratique qui ont toujours uni les Libanais et les Américains". La formation aouniste a ensuite appelé Washington à "revenir sur sa décision injuste", soulignant qu'elle "ne prend des directives de personne, ni sur le plan local, ni sur le plan international". Un peu plus tard, elle a appelé ses partisans à ne pas manifester près de l'ambassade américaine, à Awkar.
Par ailleurs, alors que quelques partisans de M. Bassil s'étaient réunis au bas de son domicile en signe de solidarité, il leur a affirmé devoir "se battre contre l'injustice", mais qu'il en sortirait "plus fort". Il a également mis en garde ses partisans, selon une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, contre toute tentative de "subversion" de ce mouvement de soutien à son égard, les appelant à ne pas manifester devant l'ambassade américaine.
C'est la première fois qu'un chef de parti chrétien libanais est la cible de sanctions américaines. Ces mesures interviennent à onze semaines de la fin du mandat du président Trump, qui risque de ne pas être réélu face au candidat démocrate Joe Biden, selon les derniers résultats. Elles interviennent alors que, trois mois après la démission de Hassane Diab, les tractations pour la formation du gouvernement libanais semblaient s'embourber, en raison notamment d'un bras de fer entre Gebran Bassil et le Premier ministre désigné, Saad Hariri.
Gebran Bassil est l'une des figures les plus conspuées dans la rue, depuis la révolte populaire du 17 octobre 2019, qui fustige toute la classe politique accusée de corruption et d'incompétence. Cette hostilité envers sa personne s'est accrue, de même que contre toute la classe dirigeante, après la double explosion du 4 août au port de Beyrouth, qui a tué 204 personnes, blessé 6.500 autres et ravagé des quartiers entiers de la capitale. La déflagration était due, selon la version officielle, à un incendie qui avait déclenché l'explosion de près de 3.000 tonnes de nitrate d'ammonium stockés sans mesures de sécurité dans le port depuis 2014.
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Devant ce brouhaha provoqué par les accusations de l'Administration Américaine accusant Gebran Bassil de corruptions et de détournements de fonds publics, je suggère que le Procureur Général M. Oueidate convoque Gebran Bassil selon la loi Raymond Eddé (d'où avez-vous ça ? "Min äin laka haza ?"). Le peuple libanais est en droit de connaître l'évolution de la fortune de Gebran Bassil depuis son entrée au Gouvernement jusqu'à aujourd'hui.
Un Libanais
17 h 40, le 08 novembre 2020