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Société - Rapport

Pour HRW, « en cinq ans, le Liban n’a pas fait grand-chose contre la discrimination des femmes »

Une féministe salue « un bilan objectif et sans concessions qui ôte toute légitimité au discours officiel trompeur ».

Pour HRW, « en cinq ans, le Liban n’a pas fait grand-chose contre la discrimination des femmes »

Un groupe de Libanaises lors d’une manifestation devant le palais présidentiel de Baabda, le 18 octobre 2019. Photo d’archives Anwar Amro/AFP

L’organisation internationale Human Rights Watch a épinglé hier les autorités libanaises sur le plan de la protection des femmes et des filles. L’ONG affirme que le pays du Cèdre n’assume pas ses « obligations en vertu des lois internationales » en termes de protection des femmes contre la violence et la lutte contre la discrimination dont elles sont victimes. Ces « promesses non tenues » incluent la création d’un code de statut personnel unifié et le renforcement des lois sur la violence sexiste, rappelle l’ONG.

Sur son site, HRW indique avoir soumis un rapport au Comité des Nations unies visant à examiner le respect par le Liban de la Convention de l’ONU sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), qui est provisoirement prévue pour juin 2021. « Le Liban n’a pas fait de progrès dans la réalisation d’un certain nombre de recommandations formulées dans son examen précédent en 2015 », a affirmé l’ONG. Elle a souligné que le pays du Cèdre n’a pas « créé un code de statut personnel unifié qui garantirait l’égalité de traitement pour tous les citoyens, ni modifié la loi discriminatoire sur la nationalité pour garantir que les femmes libanaises mariées à des hommes non libanais puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants ».

Définition restrictive

« Cinq années se sont écoulées, et le Liban n’a pas fait grand-chose pour mettre fin à la discrimination à l’égard des femmes et des filles en vertu de ses obligations internationales », a déclaré Aya Majzoub, chercheuse sur le Liban à Human Rights Watch. « Les autorités libanaises doivent montrer qu’elles prennent au sérieux les droits des femmes en mettant en œuvre des réformes attendues depuis longtemps avant d’avoir à répondre de nouveau aux Nations unies pour leurs échecs », a-t-elle poursuivi.

L’ONG précise que « le Liban n’a pris aucune mesure pour publier un code civil facultatif ou pour réformer ses 15 lois du statut personnel fondées sur la religion, ainsi que pour les tribunaux religieux qui les appliquent. Ces tribunaux discriminent les femmes de toutes confessions et ne garantissent pas leurs droits fondamentaux, en particulier dans des domaines tels que le divorce, les droits de propriété et la responsabilité des enfants après le divorce ».

« Les protections juridiques contre la violence domestique, les agressions sexuelles et le harcèlement restent insuffisantes », regrette l’ONG, soulignant une « faille en ce qui concerne les relations sexuelles avec des enfants de 15 à 17 ans, ainsi qu’avec des filles vierges avec promesse de mariage ». « La loi actuelle sur la violence domestique définit celle-ci de manière restrictive et ne criminalise pas spécifiquement le viol conjugal (...) » déplore HRW, ajoutant que « le manque de coordination dans la réponse du gouvernement au trafic sexuel continue de mettre en danger les femmes et les filles, en particulier les Syriennes vivant au Liban ».

Changement systémique

« Durant l’année écoulée, des femmes de tous les milieux sont descendues dans la rue afin de réclamer l’égalité et la fin de toute forme de discrimination », rappelle Aya Majzoub. « Les autorités ont pris certaines mesures, mais elles doivent répondre aux appels de changement systémique en faveur de l’égalité », estime-t-elle.

Lundi, les députés libanais ont discuté d’un projet de loi qui criminaliserait le harcèlement sexuel, lors d’une réunion de la commission de l’Administration et de la Justice, mais aucune version finalisée n’a été envoyée au Parlement. Dans la version actuelle du projet, la peine va de six mois à deux ans de prison avec une amende et des peines augmentées dans les cas jugés extrêmes.

Dernièrement, Human Rights Watch et Amnesty International avaient critiqué la décision du Conseil d’État de « suspendre la mise en œuvre d’un nouveau contrat unifié » pour les quelque 250 000 employés de maison étrangers au Liban, dénonçant un « coup dur porté aux droits de ces personnes qui sont souvent victimes d’abus dans le pays » et appelant l’État à réhabiliter ce contrat.

« Au cœur de la démocratie »

Pour Lina Abou Habib, militante et chercheuse féministe à l’Institut Asfari de l’AUB, « ce rapport revêt une grande importance du fait du bilan objectif et de l’état des lieux sans concessions qu’il apporte ». « Le plus significatif, c’est qu’un tel rapport ôte toute légitimité au discours trompeur de la classe politique qui nous serine des réalisations imaginaires, des réunions et du verbiage, poursuit-elle dans un entretien téléphonique avec L’Orient-Le Jour. Ce texte est là pour certifier que rien n’a effectivement changé sur le terrain, les lois confessionnelles demeurent les mêmes, les Libanaises ne peuvent toujours pas octroyer leur nationalité à leurs enfants nés d’un père étranger… Dans tous les cas, il n’y a aucun développement effectif depuis le vote de la loi sur la violence domestique, elle-même controversée par certains aspects. »

La chercheuse affirme que « les droits des femmes sont au cœur de la démocratie », ce qui explique que « dans un système miné par le népotisme et la corruption, ces droits restent ignorés ». « Un régime ne peut arrêter arbitrairement des manifestants et convoquer des internautes devant les tribunaux pour des opinions exprimées sur internet, tout en disant vouloir accorder leurs droits aux femmes, ça ne va pas de pair », insiste-t-elle.

Sur l’incidence d’un pareil rapport sur le contexte libanais, Lina Abou Habib souligne qu’ « un tel texte a un effet certain sur la scène locale parce que, d’une part, il ôte toute couverture au discours officiel biaisé et, d’autre part, il devient un outil de travail précieux pour le mouvement féministe, faisant écho à ses revendications ».

L’organisation internationale Human Rights Watch a épinglé hier les autorités libanaises sur le plan de la protection des femmes et des filles. L’ONG affirme que le pays du Cèdre n’assume pas ses « obligations en vertu des lois internationales » en termes de protection des femmes contre la violence et la lutte contre la discrimination dont elles sont victimes. Ces...

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Pourtant le président s’est doté d’une conseillère, en l’occurrence sa propre fille, chargée du dossier de la promotion des femmes.

Marionet

08 h 13, le 05 novembre 2020

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Commentaires (1)

  • Pourtant le président s’est doté d’une conseillère, en l’occurrence sa propre fille, chargée du dossier de la promotion des femmes.

    Marionet

    08 h 13, le 05 novembre 2020

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