On attend qu’ils meurent, me dit un jeune ami de ma fille. De tous les espoirs suscités par le grand soulèvement du 17 octobre 2019 et ces derniers mois de manifestations auxquelles la violence policière, le Covid et la monstrueuse explosion du 4 août ont porté le coup de grâce, le seul qu’il reste à cette génération d’entrevoir un soupçon d’avenir est « qu’ils meurent ». À l’évidence, tant que les mêmes figures présideront aux destinées de ce pays entre ignorance et arrogance, avec la même rigidité, la même mentalité irresponsable, avec le même niveau de corruption et la même cupidité ne serait-ce que pour des miettes et des fonds de tiroir, quelles réformes et quels changements en escompter ? Rarement aurons-nous accordé aussi peu d’intérêt à la formation d’un gouvernement où l’on flaire déjà la répartition du fromage entre technocrates de Halloween. Les plus optimistes diront : « Ce sera toujours mieux que rien. » C’est presque drôle, ce rien qui serait mieux que rien.
Aujourd’hui, nous sommes en présence d’une classe politique vieillie, usée, incapable de se réinventer et dont les procédés ont littéralement conduit le Liban à sa perte. Face à ce pays perdu, avec sa capitale balayée par un désastre résultant de la négligence et du dangereux opportunisme des mêmes, on voit aussi une cour de jeunes coqs impatients de prolonger, de gré ou de force, les politiques foireuses de leurs prédécesseurs. Sans doute alléchés par la promesse des hydrocarbures offshore dont l’exemple vénézuélien, entre autres, prouve pourtant qu’elle garantit davantage de problèmes et de guerres que de richesses, ils sont déjà sur leurs ergots, prêts à hypothéquer l’avenir à leur tour. Ce qu’ils ignorent, c’est que la révolution dont ils ont cru triompher avec leur caste n’était pas la kermesse qu’ils ont cru voir.
Plus que dénoncer les pratiques criminelles des gens du pouvoir, plus que les vouer aux gémonies, plus que les insulter et littéralement les interdire de cité en les harcelant dans les lieux publics, les manifestants ont vécu dans les rues des villes un moment fondateur de citoyenneté. Ils ont partagé des idées, écouté dans les agoras spontanées toutes les versions possibles de l’histoire escamotée de leurs livres d’histoire, et toutes les visions possibles d’un système de gouvernance politique, économique et social en phase avec son époque. Ils se sont instruits, ils se sont exprimés, ils se sont mélangés, donné la main, nourris les uns les autres, et ils ont veillé les uns sur les autres. Entre joie et colère, subissant la violente indignation des pauvres hères qui mangent encore dans la main du chef – désormais obligé de la mettre à la poche, cette main, à défaut de pouvoir entretenir sa clientèle avec les caisses de l’État –,
les Libanais indépendants ont découvert l’étendue de leur propre générosité et la force de leur disposition à coexister en toute fraternité. Par-delà une répartition confessionnelle artificielle et obsolète, le peuple des places a découvert son propre courage de se battre pour des idées neuves et sa ferme volonté d’arracher le Liban aux charognards qui n’en finissent pas de le dépecer (au point d’avoir eu plus tard l’indécence de qualifier l’explosion de Beyrouth d’« opportunité »).
Ces moments, nul de ceux qui les ont vécus ne pourra les oublier. Aussi grande que soit la déception de voir ce mouvement enterré par des conditions de vie de plus en plus difficiles, aussi profond le désespoir de voir les jeunes partir en masse, aussi accablante la certitude de voir, aux prochaines élections si elles ont lieu, la foule des inféodés remplir les urnes pour quelques sous sans lendemain, aucun retour en arrière n’est possible. Car, derrière nous, il n’y a plus rien. Par-dessus tout, la pandémie a achevé de dégriser ceux qui dissipaient encore leur angoisse dans la fête. Les ponts sont coupés. On ne peut plus qu’avancer. Le pays qui nous attend ne sera pas le même, et avec un peu d’espoir, les épreuves vécues en cette terrible et inoubliable année 2020 permettront de le poser sur des bases plus saines.
commentaires (7)
avec le même niveau de corruption et la même cupidité ne serait-ce que pour des miettes et des fonds de tiroir, NON MADAME , NOUS PENSONS QU'ILS VEULENT SE MAINTENIR AU POUVOIR POUR CONTROLER LA JUSTICE ET RETARDER LEURS ARRESTATIONS CAR OUI UN JOUR VIENDRA OU CES POURRIS SERONT MIS EN PRISON POUR CE QU'ILS ONT FAIT SUBIR AU PEUPLE aussi accablante la certitude de voir, aux prochaines élections si elles ont lieu, la foule des inféodés remplir les urnes pour quelques sous sans lendemain, NON MADAME ENCORE UNE FOIS LA REVOLUTION A COMPRIS AUJOURDH'UI QUE LES EMEUTES SEULS DANS LA RUE NE VONT PAS ACHEVER LEUR BUT MAIS PLUTOT LA FORMATION DE GROUPES REPRESENTANT LA REVOLUTION ET LES NOUVELLES ELECTIONS VERRONT UN DEFERLEMENT DE NOUVEAUX NOMS AU PARLEMENT COMME CELA S'EST VU A L'UNIVERSITE ET A L'ELECTION DES AVOCATS SURTOUT LA VERITE CEUX QUI CROIENT QUE LA REVOLUTION EST FINIE SE TROMPENT : EXAMPLE : VOYEZ VOUS ENCORE DES POLITICIENS OU MEME LES MEMBRES DE LEURS FAMILLES SE PROMENER DANS LES RUES DU LIBAN ENTIER? AVEZ VOUS VU UN POLITICIEN POUVOIR ALLER A UN ENTERREMENT AUJOURDH'UI ALORS QUE C'ETAIT DE TOUJOURS LEURS OBLIGATIONS PUIS JE RAPPELER QUE DURANT LA CRISE DES ORDURES CEUX QUI MANIFESTAIENT CONTRE BERRY OU NASRALLAH ETAIENT ROUES DE COUPS PAR LES PARTISANS DE AMAL ET HB POUR JUSTE CLAMER LEURS NOMS. AUJOURDH'UI LEURS NOMS SONT CONSPUES ET TRAINER DANS LA BOUE LE PEUPLE VAINCRA C'EST UNE CERTITUDE
LA VERITE
03 h 48, le 30 octobre 2020