
La nouvelle ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo. Marc Fayad/an-Nahar
Testée positive au Covid-19, Anne Grillo est désormais complètement guérie. Dans son bureau de l’ambassade, elle dégage tout de suite une personnalité chaleureuse et dynamique. L’ambassadrice se présente comme une « diplomate d’action », déterminée à « ancrer la relation franco-libanaise dans de nouveaux projets de coopération extrêmement concrets et à ne pas seulement raisonner en termes de big bang ». Telle est sa « signature diplomatique » et c’est ce qu’il lui a certainement valu sa nomination.
« Quand un président de la République nomme un ambassadeur de France au Liban, il ne laisse rien au hasard », dit-elle, avant d’ajouter : « J’arrive d’un pays, le Mexique, où j’ai été témoin d’un bouleversement historique par une population qui était usée par la corruption abyssale qui y règne et un niveau de violence inouï. La mission qui m’avait été confiée à ce moment-là n’était pas moins que de réajuster toute la relation bilatérale à ce changement historique. » Au Liban, si la situation politique ne se débloque pas, le cœur de la mission de la nouvelle ambassadrice sera de sauver tout ce qui peut encore l’être, notamment dans des secteurs-clés comme l’éducation et la santé. « On ne va pas tout arrêter en attendant que les choses se débloquent », dit-elle. Née et élevée à Marseille, Anne Grillo assume une « identité profondément méditerranéenne qui marque (s)a pratique diplomatique ». « Je suis rompue à des environnements complexes et la question de la coexistence des communautés, ça me parle », explique-t-elle, assumant d’avoir été « nommée à un moment exceptionnel, inédit, historique, où le pays s’effondre ».
La nouvelle ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo. Marc Fayad/an-Nahar
« Paris a parlé plus que jamais à tous ses partenaires »
Quand on entre dans le vif du sujet, l’ambassadrice nous fait toutefois comprendre qu’elle ne veut pas trop en dire. L’ancien Premier ministre Saad Hariri a été désigné jeudi dernier pour former un nouveau gouvernement. La France a-t-elle encouragé cette nomination ? « Le président de la République a parlé à tout le monde, il a fait passer ses messages et a mis chaque acteur face à ses responsabilités. » L’initiative française a suscité de nombreuses critiques, notamment de la part de la société civile, qui y voit une occasion pour la classe politique traditionnelle de se remettre en selle. La nomination de Saad Hariri est perçue par de nombreux Libanais comme un retour à la case départ, compte tenu du fait qu’il avait démissionné il y a un an sous la pression de la rue. « La nomination de M. Saad Hariri est le début d’une dynamique que nous soutenons, ce qui ne vaut pas caution immédiate », dit Anne Grillo. Est-il en mesure de former un gouvernement capable d’entreprendre les réformes attendues par la communauté internationale, alors qu’il a échoué à le faire par le passé ? « Nous jugerons sur les actes », répond la diplomate. Alors que la presse locale a fait état d’un double feu vert américain et saoudien qui aurait permis de rendre possible le retour de l’ex-Premier ministre, Anne Grillo reconnaît que la France a parlé « plus que jamais à tous ses partenaires » au cours de ces dernières semaines.
Malgré les deux visites d’Emmanuel Macron, le Liban ne semble pas en mesure de sortir pour le moment de l’impasse politique et encore moins d’entreprendre les réformes attendues. La situation économique continue de se dégrader et de nombreux experts s’attendent à ce qu’elle empire encore avec la baisse continue des réserves de la Banque du Liban, qui permettent de subventionner plusieurs produits essentiels tels que les carburants ou les médicaments. Anne Grillo refuse pour autant de parler d’un « échec de l’initiative française », considérant que celle-ci est toujours d’actualité. Saad Hariri désigné, il s’agit désormais de mettre en place un « gouvernement de mission » capable de lancer les réformes prévues par la feuille de route proposée par la France et acceptée par l’ensemble des acteurs politiques libanais. L’expérience Moustapha Adib, qui s’est récusé après avoir constaté son incapacité à former un gouvernement, a mis en évidence la capacité des acteurs locaux à faire dérailler le processus en jouant sur les zones d’ombre de la feuille de route française. L’expression « gouvernement de mission » peut en effet être sujette à interprétation dans un pays où le terme « technocrate » fait polémique. Est-ce un gouvernement d’experts, à l’abri des influences politiques ? Quid de la question des ministères, alors que la monopolisation de certains maroquins par des formations politiques peut être perçue comme un mauvais signal dans une perspective de réforme ? « Le président a été clair. Vous mettrez qui vous voudrez, mais il faut des gens qui pensent collectif, qui pensent dans l’intérêt du pays, des personnes compétentes qui soient capables de définir un programme d’action pour mettre en œuvre les réformes », répond Anne Grillo. « C’est l’action politique qui compte à la fin. Il y a des choses qui peuvent se faire très rapidement. »
« C’est maintenant ou jamais »
La France appelle à un début de dynamique, « le Liban n’ayant pas le luxe de pouvoir continuer à attendre, sinon c’est la mort assurée ». Insistant, à plusieurs reprises, sur la conviction d’Emmanuel Macron que le Liban n’est pas encore condamné, l’ambassadrice reconnaît toutefois qu’à « un moment donné, il ne sera plus possible de le sauver ». Dans quel délai ? « Je ne commence pas ma mission en me disant que je vais m’arrêter. Le président m’a dit “tenez-bon, on doit enclencher la dynamique”, et c’est ma priorité. »
Alors qu’Emmanuel Macron est entouré par plusieurs fins connaisseurs du Liban, dont les anciens ambassadeurs Emmanuel Bonne et Bernard Émié, Anne Grillo soutient que, contrairement à ce qui a pu être dit, « il n’y a pas de cellule en France dédiée au dossier libanais, mais plusieurs personnes qui travaillent sur ce sujet en étroite coopération ». « Emmanuel Bonne est un très bon ami et nous avons tous l’habitude de travailler ensemble depuis des années. Vous ne bénéficierez pas tout le temps de cet alignement des astres. C’est maintenant ou jamais », assure-t-elle.
Emmanuel Macron devait se rendre une nouvelle fois au Liban au mois de décembre, mais cette visite paraît conditionnée à des avancées concrètes d’ici là, alors que le pays du Cèdre fait du surplace depuis le début de l’initiative française. « Le président garde toutes les options ouvertes pour le moment. » « Le Liban peut compter sur un président qui ne baisse pas les bras, qui est déterminé parce qu’il y croit. C’est ce que j’ai dit à votre président en lui remettant mes lettres de créance : “Vous avez une responsabilité historique ; vous pouvez faire l’histoire.” » A-t-il compris le message ? « Je l’espère. »
L’annonce, le 30 juillet dernier, de la nomination de la nouvelle ambassadrice de France au Liban Anne Grillo – première femme à occuper cette fonction – avait suscité des interrogations, son parcours ne témoignant pas d’une grande expérience dans la région. Cinq jours plus tard, le Liban était meurtri par une double explosion qui allait enclencher, avec la visite du président...
commentaires (8)
Il fallait un Karcher depuis le début et M. Macron continue à utiliser un arrosoir. Ça les fait grandir et s’épanouir sur le dos des libanais qui eux n’ont même plus une goutte d’eau qu’on utilise pour réveiller les évanouis. Il a manqué à ses promesses lorsqu’ils n’ont pas respecté le premier délai accordé par la France pour former un gouvernement et n’a pas mis ses menaces à exécution dès leur première entourloupe.C’eatait pour le tester et il est tombé dans leur piège. Il ne le prennent plus au sérieux et continueront leur manège jusqu’à arriver à leur but final qui est d’humilier le président français et détruire complètement notre pays. Ils leur faut du temps et vous jouez leur jeu en le leur accordant. Bravo on aurait pu trouvé mieux comme solution au problème.
Sissi zayyat
12 h 07, le 26 octobre 2020