
Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï. Photo Ani
Le patriarche maronite Béchara Raï s'en est pris dimanche implicitement au tandem chiite, formé par le Hezbollah et le mouvement Amal, dont l'attachement au ministère des Finances "entrave" selon lui la formation du gouvernement.
Conformément à l'engagement pris par les différentes formations politiques lors de la visite du président français Emmanuel Macron à Beyrouth, le Premier ministre désigné Moustapha Adib était censé former dans un délai de quinze jours un cabinet "de mission" composé de spécialistes indépendants, en respectant le principe de la rotation des portefeuilles. Cette mission bute toutefois sur les revendications du mouvement Amal et du Hezbollah qui réclament notamment le ministère des Finances et la possibilité de nommer eux-mêmes les ministres chiites dans le futur cabinet. Alors qu'une percée semblait avoir été enregistrée dans les tractations, le Premier ministre désigné avait annoncé jeudi qu'il allait s'accorder un peu plus de temps pour mener à bien sa mission.
"A quel titre une communauté réclame-t-elle un ministère, comme s'il lui appartenait, et entrave la formation du gouvernement jusqu'à obtenir ce qu'elle veut, provoquant ainsi une paralysie politique ? Où la Constitution permet-elle un monopole sur un portefeuille ministériel ?", s'est interrogé Mgr Raï dans son homélie dominicale prononcée au cours d'une messe célébrée en l’église Notre-Dame d’Élige. "Nous refusons pour des raisons constitutionnelles et non communautaires l'exclusivité et le monopole", a-t-il ajouté.
Dans la tradition des tractations gouvernementales libanaises, les quatre ministères dits "régaliens", à savoir les Affaires étrangères, la Défense, les Finances et l'Intérieur - le ministère de la Justice n'a pas ce statut - sont équitablement répartis entre chrétiens (un maronite et un grec-orthodoxe) et musulmans (un sunnite et un chiite).
"Partenariat national"
Dans un communiqué publié l'après-midi, le Conseil supérieur chiite a "dénoncé les propos d'une grande autorité religieuse contre la communauté chiite". "Si nous demandons que la communauté chiite conserve le ministère des Finances, c'est en partant de la logique de veiller sur le partenariat national", se défend le Conseil. "La politique d'exclusion et d'isolement, contre laquelle l'imam Moussa Sadr a longtemps mis en garde, ne construit pas une nation, ne fait pas un État, mais contribue plutôt à frapper notre tissu national et à saper notre unité nationale", souligne le texte.
"Nous avons toujours appelé à l'abolition du communautarisme politique et à l'adoption de la citoyenneté comme critère dans le travail politique au sein d'un État juste, fondé sur l'égalité des droits et des devoirs, libre des privilèges communautaires", ajoute le Conseil supérieur chiite.
"Nous considérons que cette classe (politique) est responsable de l'effondrement économique du pays. Elle essaie une fois de plus d'imposer ses conditions à la formation du gouvernement alors qu'elle a provoqué l'effondrement à la suite d'une politique de quotas, de marchés, de gaspillage de fonds publics, de violation de la Constitution, et aujourd'hui elle essaie de s'imposer comme un sauveur pour la patrie", conclut le Conseil.
"Marchands politiques"
Le patriarche s'est aussi adressé à Moustapha Adib. "Vous n'êtes pas seul. Nous ne sommes pas prêts à accepter des concessions sur le dos des particularités libanaises et de la démocratie. Nous ne sommes pas prêts à examiner un changement de système avant que toutes les composantes du pays n'entrent dans le giron de la légitimité. Pas de changement au sein de l'État en présence de mini-États", a ajouté le chef de l'Église maronite.
Béchara Raï s'en est pris en outre aux "marchands politiques" dont "l'argent accumulé sur le dos du peuple sera enterré avec eux".
Le patriarche a également réagi à la convocation devant la justice de l'uléma chiite Ali el-Amine, connu pour être un opposant au Hezbollah, pour "incitations interconfessionnelles, machinations à des fins de discorde entre les communautés, et atteinte aux symboles religieux". Son audience a été reportée au 15 décembre prochain. "Est-ce aussi facilement que l'on est convoqué devant la justice, suite à une simple dénonciation dont la source et les objectifs sont évidents ? Est-ce aussi facilement que la justice s'active alors que pour d'autres affaires, elle est plus lente ?", s'est interrogé le dignitaire maronite, en référence à l'enquête sur la double explosion du 4 août dernier dans le port de Beyrouth qui a dévasté plusieurs quartiers de la capitale, et fait 190 morts et plus de 6.500 blessés.
"Nous n'accepterons pas qu'une communauté soit éliminée", a de son côté déclaré le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, "ni au bénéfice du bâton américain, ni à celui de la carotte française", en référence aux sanctions américaines imposées ces derniers jours contre le Hezbollah et ses alliés, dont le dignitaire chiite est proche.
Le patriarche maronite Béchara Raï s'en est pris dimanche implicitement au tandem chiite, formé par le Hezbollah et le mouvement Amal, dont l'attachement au ministère des Finances "entrave" selon lui la formation du gouvernement.Conformément à l'engagement pris par les différentes formations politiques lors de la visite du président français Emmanuel Macron à Beyrouth, le Premier...
commentaires (18)
Le patriarche et Michel Aoun, légitime président du Liban, ne devraient être des obstacles à la formation du gouvernement. Ils devraient faciliter un compromis acceptable par par toutes les parties, certes divisées, mais membres d'une ébauche d'Etat jusqu'à présent légitime. La constitution ne permet de démission forcée du président de la République et la situation de crise n'implique pas de passer d'abord par une situation révolutionnaire !
dintilhac bernard
07 h 15, le 21 septembre 2020