
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Photo d'archives AFP
Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a dénoncé dimanche "les parties locales et étrangères" qui essayent de faire échouer l'initiative du président français Emmanuel Macron basé sur la formation d'un gouvernement de "mission" chargé de conduire les réformes essentielles. L'occasion pour lui de délivrer des messages au tandem chiite sur la rotation des portefeuilles et le spectre du partage du pouvoir basé sur la formule des trois tiers.
Lundi, le Premier ministre désigné Moustapha Adib va se rendre à 11 heures à Baabda pour présenter une mouture de son cabinet.
"Nous sommes attachés à la réussite de l'initiative du président français Emmanuel Macron avec lequel nous sommes d'accord sur les grandes lignes, sur la formation d'un gouvernement de mission composé de ministres capables d'agir et sur la mise en place d'un programme de réformes sous trois mois", a déclaré le leader du CPL, conspué par le mouvement de contestation contre la classe dirigeante. Il a rappelé que les députés aounistes ont planché sur des lois portant sur "le contrôle des capitaux, les marchés publics, l'indépendance de la justice, la lutte contre la corruption, le rapatriement des fonds transférés à l'étranger et la levée du secret bancaire".
"D'ici à trois mois, le Liban doit mener à bien les réformes que réclame le peuple libanais (...) Je comprends que des parties étrangères veuillent faire échouer l'initiative française car elles ont des agendas politiques pour créer le chaos...mais je ne comprends pas les parties locales qui veulent faire échouer pour différentes raisons une initiative réformatrice que les Libanais réclament, alors qu'il y va de l'intérêt du Liban", a affirmé M. Bassil, dénonçant notamment ceux qui "au nom de la France, veulent imposer un gouvernement et un projet global pour le pays, et qui veulent casser la Constitution et les équilibres" communautaires.
Les grandes formations libanaises s'étaient engagées envers Emmanuel Macron à faciliter la mise sur pied du cabinet afin que le travail puisse être rapidement lancé sur un certain nombre de réformes attendues par la communauté internationale et la rue et qui devraient permettre de débloquer des aides internationales. Toutefois, le délai de deux semaines qui avait été annoncé lors de la visite de M. Macron à Beyrouth le 1er septembre semble de plus en plus difficile à respecter.
Messages à Amal et au Hezbollah
Samedi, M. Macron a contacté en fin de soirée le chef du Parlement libanais, Nabih Berry, alors que la question de l'attribution du portefeuille des Finances constitue un obstacle pour la mise sur pied du cabinet, M. Berry réclamant que ce ministère revienne à une personnalité chiite alors que le Premier ministre désigné, Moustapha Adib, prône une rotation des portefeuilles entre les formations politiques. M. Berry campe sur ses positions et souhaite nommer lui-même le futur ministre des Finances. Selon des informations de la chaîne locale LBCI, le président français aurait indiqué au leader du mouvement Amal qu'un gouvernement pouvait être formé sans le président de la Chambre et ainsi, sans le tandem chiite. M. Berry aurait alors répondu : "Si vous pouvez former le cabinet sans nous, alors faites-le". Sollicité par la chaîne NBN, proche d'Amal, le président de la Chambre a répondu : "Sans commentaire".
Mais dans la journée, M. Berry a indiqué par l'intermédiaire de son bureau de presse qu'il ne participera pas au prochain gouvernement dont il conteste certaines des spécificités.
L’obstination du mouvement Amal, dirigé par le président de la Chambre, soutenu par le Hezbollah, à obtenir ce portefeuille stratégique s’est encore plus renforcée depuis que l’ancien ministre des Finances Ali Hassan Khalil, issu de ses rangs, fait l’objet de sanctions américaines mettant à mal cette formation chiite et son allié.
"Pourquoi refuser la rotation des portefeuilles, pour laquelle nous sommes d'accord sur le principe ?", s'est interrogé M. Bassil, soulignant à nouveau la volonté du CPL de faciliter la formation du gouvernement et de ne pas y participer. "Pourquoi cette obstination à ne parler qu'avec un seul camp ? Nous ne sommes pas concernés par le processus, mais nous avons perdu 12 jours, sans qu'aucune concertation n'ait été menée. Certains veulent obtenir gain de cause, quitte à menacer de faire échouer l'initiative de la France", a-t-il ajouté, mettant en garde contre les surenchères autour du Pacte national et la nécessité d’avoir une signature chiite au côté de celles du chef de l’État chrétien et du président du Conseil sunnite.
"Pourquoi vouloir donner plusieurs portefeuilles à un seul ministre ?", a poursuivi M. Bassil, en référence à la volonté de Moustapha Adib de former un gouvernement restreint alors que le chef de l'Etat, Michel Aoun, préférerait un gouvernement élargi. "On l'a vu dans le gouvernement précédent de Hassane Diab. L'expérience n'a pas été concluante", a-t-il tranché.
Sur un autre plan, M. Bassil a déclaré que le Liban "ne peut pas assumer" ce qui a été dit au moment de la visite du chef du Hamas Ismaïl Haniyé à Beyrouth et plus particulièrement ses propos lors de son passage au camp de réfugiés palestiniens de Aïn el-Héloué sur l’amélioration des capacités militaires de sa formation contre Israël. Ces propos ont suscité de vives réactions de la part de plusieurs personnalités libanaises, qui y ont vu une mise en danger du Liban.
Par ailleurs, le chef du CPL a dit soutenir une décision d'un départ du Hezbollah de Syrie, où le parti chiite intervient depuis 2013 aux côtés du régime syrien, "auquel le parti réfléchit".
Enquête sur l'explosion du 4 août
Concernant l'enquête sur la double explosion meurtrière dans le port de Beyrouth, Gebran Bassil a appelé la justice à accélérer les investigations et à être équitable "afin qu'elle ne fasse pas l'objet de pressions au niveau du populisme et des réseaux sociaux". "Dans le cas contraire, les gens auront alors le droit de réclamer une enquête internationale", a-t-il ajouté.
Par ailleurs, le chef du CPL a affirmé que la neutralité du Liban, pour laquelle plaide le patriarche maronite Mgr Béchara Raï depuis plusieurs semaines, serait "positive (...) mais cela exige une entente interne parrainée par la communauté internationale". Dans ce contexte, il a insisté sur l'importance de la délimitation des frontières maritimes avec Israël "pour que le Liban puisse profiter des ressources de pétrole et de gaz offshore".
Samedi, des partisans du chef de l'État Michel Aoun s'étaient rassemblés sur la route menant au palais présidentiel de Baabda à quelques mètres d'une manifestation antipouvoir, organisée à l'occasion du quarantième de la double explosion du port de Beyrouth, afin de demander justice pour les 200 victimes et les milliers de blessés. Les deux groupes étaient séparés par l'armée libanaise.
La rue fait assumer aux dirigeants actuels la responsabilité de la double explosion du 4 août, qui avait fait 192 morts, plus de 6.500 blessés et dévasté des quartiers entiers de la ville. De l'aveu même des responsables, la déflagration est due au stockage, sans mesures de précaution, de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium dans un hangar du port.
"Tant que le CPL sera là, le président Michel Aoun ne tombera pas", a affirmé M. Bassil et d'ajouter : "l'héroïsme ne consiste pas à bloquer les routes ou à détruire l'Etat, mais à l'édifier".
Oui en effet, vous Mr le Gendre!
22 h 57, le 13 septembre 2020