
Des manifestants antipouvoir sur l'autoroute de Baabda, le 12 septembre 2020. Photo AFP / ANWAR AMRO
Une manifestation antipouvoir, organisée à l'occasion du Quarantième de la double explosion du port de Beyrouth, afin de demander justice pour les près de 200 victimes et milliers de blessés, a fait face samedi dans un contexte de tensions palpables à un rassemblement de partisans du chef de l'État Michel Aoun, sur la route menant au palais présidentiel de Baabda. Quelques milliers de personnes se sont rassemblées sur l'autoroute de la localité. Les deux groupes de manifestants ont été séparés par l'armée libanaise, qui a fermé la route au moyen de véhicules, laissant plusieurs centaines de mètres vides entre eux.
D'un côté, les partisans du président Aoun ont scandé les slogans en son honneur et brandissaient son portrait, rejetant toute atteinte à la personne du chef de l'État. De l'autre côté, les manifestants anti-pouvoir ont réclamé justice pour les victimes, faisant porter la responsabilité des explosions au port aux dirigeants, et notamment au chef de l'Etat.
Tirs en l'air et échauffourées
A leur arrivée au niveau de l'autoroute, des jeunes participant au rassemblement antipouvoir ont essayé de forcer la barrière militaire et lancé des pierres en direction de la troupe, provoquant des tirs en l'air de la part des soldats déployés dont les rangs ont rapidement grossi. Dans un communiqué, l'armée a indiqué avoir été "obligée" de tirer en l'air pour séparer les deux mouvements et empêcher les contestataires d'atteindre le palais présidentiel.
Une fois la situation revenue au calme, des femmes ont formé une ligne de séparation entre les forces armées et les autres protestataires, afin d'éviter toute tension.
Des manifestants anti-pouvoir sur l'autoroute menant vers le palais de Baabda, le 12 septembre 2020. Photo Samir Moukheiber
Dans les rangs des manifestants, Nicolas Sassine, 21 ans, a affirmé à notre correspondant sur place Samir Moukheiber que "la capitale a explosé il y a un mois et tout ce que le président Aoun a fait, c'est de rejeter la responsabilité de cet événement et d'accuser d'autres personnes, alors que dans tout pays, le chef de l'État devrait être tenu pour responsable de toute catastrophe". Il a déploré que le Liban soit "devenu un état policier", estimant que l'état d'urgence militaire imposé après le 4 août "n'a pas pu empêcher l'incendie" qui a eu lieu jeudi dans le port de Beyrouth.
Sur un des panneaux routiers traversant l'autoroute, des jeunes ont accroché des nœuds coulants tandis que d'autres ont peint, sur des murs le long de la route, des graffiti "Son Excellence, le Meurtrier", en référence au chef de l'État, qui a avait reconnu avoir été tenu au courant de la présence au port de Beyrouth des matières explosives qui ont provoqué la double explosion du 4 août dernier.
Que le peuple rende justice
La procession était partie vers 16h du Palais de Justice de Beyrouth. "Que le peuple rende justice", pouvait-on notamment lire sur une pancarte brandie par certains, selon notre correspondant sur place. "Il savait", était-il inscrit sur le panneau d'un protestataire, en référence au président Aoun. D'autres appelaient encore à la démission du président Aoun et du chef du Législatif Nabih Berry. Prenant la parole devant le Palais de Justice avant le départ des manifestants, une porte-parole du mouvement de contestation a appelé les juges à se libérer de toutes les ingérences politiques. "Le peuple sera derrières vous", a-t-elle lancé. Le dossier des explosions au port ne peut pas "se limiter au jugement de quelques fonctionnaires", a-t-elle ajouté, appelant à traduire en justice "les présidents et ministres". Lors du cortège, qui est passé par la rue principale du quartier de Furn el-Chebbak, les contestataires ont scandé des slogans révolutionnaires, déplorant notamment qu'au Liban, "pays de miliciens", il y a "tous les jours des catastrophes".
Des manifestants antipouvoir devant le Palais de Justice de Beyrouth, le 12 septembre 2020. Photo Samir Moukheiber
Les partisans aounistes étaient, eux, partis de la localité de Hadath en direction de Baabda. Leur procession avait été marquée par des échauffourées limitées avec des agents de la force anti-émeute. Des personnes présentes à Hadath s'en sont en outre pris à un automobiliste, brisant à son passage dans la localité le pare-brise à coups de bâtons.
Vers 19h30, l’armée a dispersé les derniers manifestants anti-pouvoir qui bloquaient encore l’autoroute.
La rue fait assumer aux dirigeants actuels la responsabilité de la double explosion du 4 août, qui avait fait 192 morts, plus de 6.500 blessés et dévasté des quartiers entiers de la ville. De l'aveu même des responsables, la déflagration est due au stockage, sans mesures de précaution, de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium dans un hangar du port.
La popularité des Aouniste s’est réduit comme peau de chagrin !!
16 h 10, le 13 septembre 2020