Les sanctions US annoncées mardi soir étaient attendues, certes, mais la surprise est venue des noms et des rangs des personnalités visées. Ali Hassan Khalil, cadre du mouvement Amal, bras droit du président du Parlement Nabih Berry, ancien ministre des Finances, et Youssef Fenianos, ancien ministre des Travaux publics, proche du leader chrétien et chef des Marada Sleiman Frangié, ancien candidat à la présidence de la République. Pourquoi avoir opté pour ces deux anciens ministres ?
Selon une source bien informée sur le dossier, « la décision américaine était toute réfléchie, et elle a frappé fort ». La source estime que « le tandem chiite ne sera plus jamais le même, surtout que les sanctions ont frappé l’un des deux Khalil (Ali Hassan Khalil et Hussein Khalil, du Hezbollah, NDLR) qui effectuaient les missions délicates pour le compte des deux partis ». En gros, poursuit cette source, les sanctions contre le Hezbollah sont devenues habituelles, mais celles qui visent ses alliés sont inédites, et le parti chiite s’avère incapable de les protéger. Or le tandem chiite entretenait cette ambiguïté d’une aile militarisée et controversée et d’une autre, civile et chargée d’être la façade « diplomatique » du duo. Cette façade, représentée par le président Berry, a reçu un coup. Dans un sens, ces sanctions, surtout si elles se répètent avec d’autres personnalités, sont conçues par les Américains pour déboucher sur une baisse d’influence du Hezbollah, par un affaiblissement de son réseau d’alliances.
L’autre objectif majeur de ces sanctions a consisté à inclure une personnalité chrétienne, ce qui est susceptible, toujours selon cette source, de faire réfléchir tous les alliés chrétiens du Hezbollah à deux fois avant de le soutenir à nouveau. Ces alliés, habitués à l’ouverture envers l’Occident, sont particulièrement sensibles à ce genre de sanctions qui peuvent les isoler sur la scène internationale. Selon une source du 14 Mars, de telles sanctions pèseront lourd auprès de certains partis « chrétiens » qui se verront privés de la possibilité d’occuper des postes de premier plan, tels que la présidence de la République.
Des sources concordantes s’accordent à remarquer que ces sanctions constituent « un tournant » dans la politique américaine envers le Liban. D’une part, c’est le signe d’un durcissement de cette politique, semblant indiquer que Washington ne tolère plus, comme il l’a longtemps fait, l’ambiguïté de la relation entre les politiques libanais et le Hezbollah, notamment son aile armée. Et si les États-Unis avaient craint des répercussions sur le pays, et notamment son système financier, celui-ci s’est autodétruit depuis quelque temps et ces scrupules ne sont plus d’actualité. D’autre part, l’impression qu’ont laissée les sanctions de cette semaine, qui frappent des personnalités politiques en vue et non plus des hommes d’affaires peu connus, est que l’action américaine n’a plus de limites et pourrait viser de nouvelles personnalités à n’importe quel moment.
Par ailleurs, nombre d’observateurs notent le timing de cette initiative, au lendemain de la tonitruante visite du chef du Hamas, Ismaïl Haniyé, à Beyrouth, apparemment sous l’égide du Hezbollah dont le secrétaire général, Hassan Nasrallah, a reçu le responsable palestinien controversé en grande pompe. Ces sanctions seraient donc une réponse directe à ce qui a été considéré, par les milieux américains, comme une « provocation » du parti chiite. Elles interviennent aussi alors que le Liban tente de former un nouveau gouvernement : selon les sources interrogées, cette initiative devrait conforter l’action du nouveau Premier ministre, Moustapha Adib, et non la freiner, les forces politiques étant soucieuses de rester en phase avec la communauté internationale et de ne pas se laisser marginaliser.
Le Hezbollah et Amal prenaient les Americains pour des enfants de cœur , pauvres illusionnistes
18 h 12, le 10 septembre 2020