
Ils étaient plusieurs centaines à crier leur colère et leur frustration, hier, place des martyrs. Photo João Sousa
Ils étaient plusieurs centaines à se rassembler hier place des Martyrs, pour célébrer à leur façon le centenaire du Grand Liban. Et c’est sous le signe du changement et de la « colère » que les contestataires du mouvement du 17 octobre ont crié une fois de plus leur rejet de la classe politique dirigeante, alors même qu’un nouveau Premier ministre, Moustapha Adib, était nommé la veille et que le président français Emmanuel Macron est en visite au Liban.
Les slogans restent imprégnés de la tragédie de la double explosion du port de Beyrouth le 4 août dernier : en plus d’être taxés de corrompus, les dirigeants sont désormais aussi traités de criminels. « Nous allons évacuer tous les déchets, sans exception », pouvait-on lire sur une banderole brandie par des contestataires, en référence au slogan « Tous sans exception », qui appelle au départ de tous les dirigeants.
Partout, l’ambiance est grave, et peut-être que le symbole le plus criant de cette tristesse qui continue de peser sur la population est ce drapeau libanais dont les deux bandes rouges ont été remplacées par des bandes noires, signe d’un pays à l’agonie. Sur un podium, le mot « Beirut » en anglais est disposé sous forme de couronne mortuaire. Sur un écran géant, des vidéos repassent en boucle l’instant de la terrible explosion, et les slogans qui fustigent la classe dirigeante et revendiquent son départ. C’est sur cette tribune également que de nombreux intervenants se sont succédé pour rappeler les revendications de la rue, notamment l’instauration d’un État laïc et souverain.
La manifestation d’hier était la première depuis l’important rassemblement du 8 août, organisé sous le coup de la colère, et marqué par les violences policières qui avaient alors fait des dizaines de blessés. Et la manifestation d’hier a effectivement dégénéré, malgré le calme qui en caractérisait les débuts. Dans les rues latérales, des groupes de jeunes, visiblement très en colère, ont commencé à jeter des pierres en direction des forces de l’ordre, qui n’ont pas réagi immédiatement. Bien préparés et munis de grandes échelles, ces contestataires ont tenté d’escalader les murs érigés pour isoler le siège du Parlement du reste de la ville, symbole, selon eux, de ce système dysfonctionnel. Et s’ils voulaient éclipser, pour un moment du moins, la visite du président français et les célébrations officielles du centenaire, ils ont réussi.
Les gaz lacrymogènes n’ont pas tardé à être employés par une importante force antiémeute contre les manifestants, et les affrontements se sont poursuivis jusqu’en soirée, dans un spectacle devenu tristement coutumier. Selon des témoins sur place, des balles en caoutchouc ont également été tirées sur des manifestants, dans les rangs desquels on déplore plusieurs blessés, évacués par la Croix-Rouge. Et une fois de plus, l’armée et les forces de l’ordre ont éloigné les manifestants de la place en les poursuivant jusqu’à Saïfi et même au-delà.
Non loin de là mais dans un tout autre registre, des manifestants venus plaider la cause de Georges Ibrahim Abdallah, jugé et emprisonné en France depuis de nombreuses années, étaient rassemblés devant l’ambassade de France, rue de Damas. Des échauffourées ont éclaté quand ces contestataires ont tenté de forcer les barrières en métal devant le siège de l’ambassade, mais ils ont été rapidement dispersés par les agents de l’ordre.
Le mot « Beirut » sous forme de slogan mortuaire.
« La thaoura doit se doter d’un leadership »
Auparavant, le rassemblement du centre-ville, auquel avaient convié de nombreux groupes de la société civile, s’était déroulé dans le calme. Kamal, un jeune venu de Saïda, réclamait « que les dirigeants rendent des comptes », et c’est d’ailleurs le nom du mouvement auquel il appartient. « Les responsables célèbrent le centenaire du Grand Liban, mais nous sommes venus rendre hommage aux victimes de l’explosion. Ce centenaire doit marquer le début d’un nouveau système au Liban », affirmait-il. « Si les autorités corrompues ne comprennent pas qu’elles doivent abandonner la décision politique, il y aura de grands problèmes dans le pays », disait-il.
Sanaa Hassan, une femme se revendiquant du groupe « Le Chouf se soulève », affirme sans ambiguïté que les autorités ont « perdu leur légitimité ». « Nous avons perdu confiance en eux », a-t-elle poursuivi, reprochant au président français Emmanuel Macron, en visite au Liban, de « venir aider ces responsables ».
Parmi les manifestants, se trouvait un groupe d’ecclésiastiques venus de différentes régions et de différentes confessions. Il n’est pas très courant de voir des prêtres dans les manifestations… « Je suis descendu dans la rue dès le 17 octobre, assure le père Ayoub Saïd. Nous sommes cependant particulièrement motivés depuis l’explosion mais aussi par la corruption qui devient intenable. L’Église peut-elle être étrangère à la lutte menée par les pauvres pour leurs droits? » Concernant cette « thaoura » qui lui tient tellement à cœur, il estime qu’elle doit enfin « se doter d’un leadership, même collectif, car, sans cela, ils continueront de nous ignorer et d’imposer les présidents de gouvernement qu’ils veulent ». Il a également exprimé la crainte que « le Liban ne soit en train de perdre sa souveraineté en ouvrant la voie aux ingérences dans ces affaires intérieures », plaidant pour la consolidation « d’un État des droits de l’homme ».
Pour Rania Bassil, du parti Sabaa, « la nomination du nouveau Premier ministre n’est qu’une perte de temps, un nouveau visage qui cache mal la bonne vieille caste politique, et le même système clientéliste et corrompu ». « Or nous n’avons plus le luxe du temps ! » s’exclame-t-elle. « Nous revendiquons toujours un gouvernement indépendant, qui organiserait des élections législatives anticipées », martèle-t-elle. Au président français, elle conseille « d’entrer en contact avec la société civile qui, seule, peut lui refléter la réalité du pays », lui demandant de « faire pression pour la formation d’un gouvernement indépendant ».
DONNEZ 15 JOURS DE CHANCE AU PRESIDENT MACRON ET AU P.M. ADIB. CETTE FOIS-CI IL Y A DE L,ESPOIR CAR MACRON A MANIPULE AVEC LES PROMESSES LE BATON TOUT AUSSI.
16 h 42, le 02 septembre 2020