Amertume. Il est urgent, pour ceux qui ne comprennent pas encore pourquoi les deux tiers du peuple libanais en veulent aussi bien au président qu’à tous les chefs de « parti », de rejoindre leurs compatriotes révoltés, à moins de vouloir vivre indéfiniment dans les limbes d’un pays indéfini. L’heure n’est plus aux louanges béates, mais à la reddition de comptes et aux bilans. Le siècle n’est plus aux bergeries féodales ni aux icônes intangibles. Un dirigeant est un homme ou une femme comme d’autres, ni protecteur, ni mage guérisseur, ni grand prêtre, ni fétiche, ni talisman. Il est élu pour servir, gérer et assurer dans la mesure du possible, sur la durée de son mandat, le bien-être de ses compatriotes et le développement de son pays.
Il est affligeant de devoir rappeler à ces suiveurs aveugles que leurs demi-dieux ont comme eux leurs petites misères, leurs phobies, des peurs qui les tiennent éveillés, des secrets inavouables. Amis, votre zaïm profite de votre ferveur mais ne vous rend nullement votre amour. À ses yeux, vous êtes au mieux de braves gens, au sens le plus trivial du terme, du petit bois pour sa vanité. Au pire, des lèche-bottes. Plus il vous sentira soumis, plus il nous soumettra. C’est à votre dévotion qu’il puise sa force et dans votre regard mouillé qu’il se voit invincible et finit par y croire. Que votre flamme vacille, il sortira, pour faire briller son corps astral, le seul atout qu’il possède : son vocabulaire éculé. Quelques promesses qu’il ne pourra jamais tenir, quelques mensonges qui vous iront droit au cœur, quelques flatteries qui vous consoleront de la vie médiocre qu’il vous fait subir, une dose de violence verbale pour exalter sa virilité. Répliqué, dupliqué sur écran géant, il vous désignera un épouvantail, quelque daech en sous-main, et votre sang ne fera qu’un tour. Il parlera à vos terreurs archaïques, à vos passions les plus viles. Jamais il ne s’adressera à votre raison que toute sa stratégie s’efforce d’endormir. Sa « machine » vous distribuera les cotillons grand soir de votre appartenance. Comme des enfants heureux, vous agiterez vos drapeaux, ballons et autres casquettes. Une énergie nouvelle circulera dans votre corps de meute et vous rentrerez chez vous en transe, habités de l’illusion de puissance que vous lui aurez pourtant vous-mêmes conférée, gonflés de la joie puérile de faire partie de quelque chose qui vous semble grand mais qui n’a que votre propre mesure. Ainsi
hypnotisés, vous ne songerez jamais à remettre en question ses échecs ni à lui imputer le dysfonctionnement général qui vous rend – oserez-vous l’avouer ? – tout aussi misérable que la foule obscure des non-partisans.
Vieux seigneurs de guerre aux songes peuplés de revenants, vieux brigands qui ont prospéré sur la paranoïa confessionnelle, qui ont alimenté leurs guérillas de pillages et érigé le pillage en droit communautaire ; jeunes héritiers déjà contaminés par le parcours des pères, gavés de gloires de pacotille et prêts à endosser la abaya défraîchie, déjà dévidant les mêmes discours et pinçant les mêmes cordes éraillées, est-ce sur cela que vous comptez, amis, pour donner à vos enfants un avenir ? Encore et encore, ils vous feront croire que sans eux, vous êtes voués à l’égarement, qu’eux seuls peuvent résoudre vos litiges et, pesant sur la justice, vous assurer l’impunité ; qu’eux seuls peuvent, rien qu’en occupant indéfiniment leur siège, incarner le poids et les privilèges de votre communauté, vous offrir des passe-droits en contrepartie de vos suffrages et, à cet effet, si vous êtes sages, activer leurs sbires stratégiquement placés dans les méandres des services publics qu’ils ont privatisés. Jusqu’à quelle génération voudrez-vous imposer à votre descendance des dirigeants qui règnent sans gouverner ?
Comment ne pas voir dans l’explosion de Beyrouth le dernier stade de déchéance d’un pays véreux jusqu’à l’os, qui tentait encore de se donner une contenance, mais qui est à présent mis à nu, dépouillé de ses artifices, coincé dans un lendemain de débauche avec une sale gueule de bois. Avez-vous encore du sang à verser ? Vous reste-t-il quelque bien à perdre ? Ne ressentez-vous pas, comme le commun de vos compatriotes, l’urgence de quitter ce pays que vos idoles ont transformé en piège et qui se referme sur vous ? À défaut de partir, ne les réélisez pas.
commentaires (8)
ET S,IL Y A DE NOUVELLES LEGISLATIVES LES MOUTONS SUIVEURS VONT SUIVRE DE NOUVEAU. ET MALHEUREUSEMENT ILS SONT LA MAJORITE DU PEUPLE LIBANAIS. CE QU,IL FAUT AU PAYS C,EST UNE REVOLUTION RADICALE DE FOND EN COMBLE. TOUT DEGAGER POUR COMMENCER DE NOUVEAU.
LA LIBRE EXPRESSION
21 h 55, le 27 août 2020