Après le verdict du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) énoncé mardi, place à la formation du gouvernement. Près d’une dizaine de jours après la démission du cabinet de Hassane Diab, le chef de l’État, Michel Aoun, et le président de la Chambre, Nabih Berry, ont donné officiellement hier le coup d’envoi des tractations politiques dans la perspective de la formation de la nouvelle équipe.
À l’heure où la présidence de la République s’abstient toujours de fixer la date des consultations parlementaires contraignantes pour la nomination du prochain Premier ministre, Nabih Berry s’est invité personnellement dans la partie pour paver la voie à une entente élargie autour du successeur de Hassane Diab. Il s’est donc entretenu hier avec Michel Aoun au palais présidentiel. Selon notre correspondante à Baabda Hoda Chédid, les deux hommes se sont entendus pour poursuivre leurs contacts dans les prochaines 48 heures autour de la genèse de l’équipe ministérielle.
Un proche de la présidence de la République souligne, de son côté, que M. Aoun s’attend à ce que le chef du législatif élargisse le spectre de ses contacts politiques avec tous les protagonistes « afin de se faire une idée du futur chef du gouvernement ».
Mais à en croire notre informateur politique, Mounir Rabih, Nabih Berry aurait profité de sa réunion avec Michel Aoun pour paver la voie à un éventuel retour du leader du Futur, Saad Hariri, « afin d’inspirer confiance à la communauté internationale ». Des informations que les cercles proches de Baabda préfèrent ne pas confirmer. Ils ne se privent pas, en revanche, de souligner que si les choses progressent dans le bon sens, les consultations parlementaires pourraient probablement avoir lieu à la fin de la semaine prochaine. Si Nabih Berry s’active pour la mise sur pied du gouvernement, ce n’est pas sans une sorte de feu vert de la part du Hezbollah. Interrogé par L’OLJ, Kassem Kassir, journaliste proche du parti chiite, assure que celui-ci a bel et bien tourné la page du verdict du TSL – qui a incriminé un des ses membres présumés, Salim Ayache, et acquitté trois autres – et entend maintenant faciliter la genèse du cabinet, et ce « sous les auspices de l’initiative française du président Emmanuel Macron ».
L’opposition peu enthousiaste
Sauf que la reconduction de Saad Hariri à la présidence du Conseil bute encore sur des obstacles majeurs. En effet, les figures de proue de l’opposition ne semblent pas très favorables à la désignation du leader du Futur pour former le gouvernement. C’est en tout cas ce point de vue qui prévaut à Meerab, où l’on assure que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, campe sur sa position : il plaide pour une équipe de spécialistes totalement indépendants des protagonistes politiques, comme le confie un responsable du parti à L’OLJ. Toutefois, le responsable tient à assurer que cette prise de position ne devrait pas être interprétée comme une flèche décochée en direction de Saad Hariri (avec qui les rapports des FL sont en dents de scie). « Après la double explosion du port de Beyrouth, nous avons bien défini les priorités. Ce qui nous importe le plus, c’est la genèse d’un cabinet qui opérerait les réformes, demanderait de confier l’enquête sur ce drame à une commission internationale, organiserait des législatives anticipées et redresserait l’économie nationale. Et c’est à partir de ces constantes que nous prendrons part aux pourparlers actuellement en cours », explique-t-il.
Tout comme Meerab, Moukhtara aussi se soucierait peu, pour le moment, de la personne du Premier ministre et accorde la priorité à la mission du prochain cabinet, pour reprendre les termes d’un proche du chef du leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. Cette source rappelle que le leader druze avait tenu des propos allant dans ce sens à l’issue de sa réunion avec Nabih Berry, le 11 août, à Aïn el-Tiné. M. Joumblatt s’était alors contenté d’appeler à la formation d’un « cabinet d’urgence qui redresserait le pays ».
Parallèlement à ces tractations, la Maison du Centre assure redéfinir ses priorités, notamment après le cataclysme du port de Beyrouth. « Nous n’avons rien à dire au sujet du gouvernement. Beyrouth est sinistrée et l’intérêt des gens est ailleurs », commente ainsi une source haririenne le processus gouvernemental.
En face, le Courant patriotique libre (fondé par Michel Aoun et dirigé par Gebran Bassil) commence déjà à tracer les limites de sa participation au gouvernement. Sans vouloir s’en prendre nommément à M. Hariri, des milieux parlementaires aounistes déclarent que le parti n’a pas encore pris de décision au sujet du prochain chef du gouvernement. Mais ce qui est sûr, affirment les sources citées, c’est que le CPL pourrait bien rester en dehors du cabinet s’il ne parvient pas à garantir la mise en œuvre des réformes.
commentaires (30)
On est gouverné par des épiciers. Je n'ai rien contre les épiciers, je prend beaucoup de plaisir à visiter celui du coin. Mais un état a besoin d'Hommes d'État, éléments de gouvernance qui nous manquent tant au moment de la commémoration du centenaire de la création du grand Liban, quelle ironie du sort...
DJACK
17 h 58, le 22 août 2020