Le gouvernement qui devra succéder au cabinet de Hassane Diab se fera probablement attendre. Tous les indicateurs montrent que jusque-là, les conditions de la formation de la nouvelle équipe gouvernementale n’ont pas « mûri », et que les tractations, qui précèdent généralement les consultations contraignantes auxquelles le président de la République invite les blocs parlementaires, sont actuellement au point mort. Aucune date n’a encore été fixée pour que ces concertations aient lieu, un semaine après la démission du cabinet Diab.
Si ces retards sont coutumiers dans le processus de formation des gouvernements au Liban, il faut reconnaître que le contexte politique, social et sécuritaire qui a entouré la démission du précédent gouvernement est particulièrement compliqué. Plusieurs observateurs n’hésitent pas à lier ces atermoiements à l’annonce, aujourd’hui, du verdict du Tribunal spécial pour le Liban sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005, et au discours que prononcera l’ancien Premier ministre Saad Hariri depuis La Haye à cette occasion, alors qu’il apparaît comme un candidat potentiel à la tête du futur gouvernement. Ils notent aussi le changement profond opéré à la suite de la terrible explosion de Beyrouth, et le ballet diplomatique qui a accompagné l’après-4 août, ainsi que l’enquête, dont de premiers résultats se font toujours attendre.
En bref, entre les « parrains » du gouvernement démissionnaire, principalement le Hezbollah et le Courant patriotique libre, qui préconisent un gouvernement politique, et certaines forces « d’opposition » qui rejoignent les contestataires du 17 octobre dans leurs aspirations, préférant un cabinet « neutre », c’est le grand écart garanti…
Selon des sources bien informées, les tractations sont freinées par trois facteurs. Le premier est interne, provoqué par l’absence de consensus sur la forme du gouvernement : un cabinet politique pour le 8 Mars, de technocrates (avec possible représentation de partis par les non-partisans) pour une partie de l’opposition, et un gouvernement neutre avec des spécialistes pour l’aile la plus dure de l’opposition, notamment non partisane. Cette dernière option est préconisée par les Américains notamment – les Français seraient moins tranchants sur ce point, appelant à un gouvernement « de mission », comme l’avait indiqué il y a quelques jours la ministre des Armées, Florence Parly, en visite à Beyrouth. Washington aurait même clairement indiqué que seul un gouvernement neutre pourrait bénéficier des aides nécessaires pouvant contribuer à la reprise économique au Liban.
Désaccord, même entre alliés
Outre ce manque de consensus interne et l’absence de vision commune à l’étranger, le lancement effectif des tractations attendrait les résultats de l’annonce du verdict du TSL, et ses possibles répercussions sur les rues sunnite et chiite au Liban. Les forces politiques sont également attentives à l’avancée du dossier du renouvellement du mandat de la Finul à la fin du mois, à laquelle les Américains notamment souhaiteraient donner de plus vastes prérogatives. À cela, il faudrait ajouter un possible reconfinement de deux semaines dû à la propagation du coronavirus, et l’attente concernant les résultats de l’enquête sur la double explosion du port. De sources concordantes, il ne faut pas compter sur des concertations sérieuses avant au moins deux semaines, et ce alors que le président français Emmanuel Macron avait enjoint aux parties politiques d’agir rapidement lors de sa visite au Liban, avant son retour prévu début septembre.L’autre point d’achoppement porte sur la personnalité même du Premier ministre, y compris entre alliés. Alors que le tandem chiite privilégierait un retour de Saad Hariri, le CPL et le président de la République Michel Aoun lui préféreraient d’autres candidats comme l’indépendant Nawaf Salam. Dans une intervention télévisée dimanche, le président du CPL Gebran Bassil a assuré que sa formation veut « un gouvernement efficace qui conduise des réformes », assurant que son parti « ne veut pas participer à un cabinet qui n’a pas de programme de réformes ». Le président de la Chambre des députés, Nabih Berry, chef d’Amal, a récemment déclaré que Saad Hariri ne poserait plus de conditions pour revenir à la tête du gouvernement, ce qui est démenti par les milieux proches de ce dernier qui assurent qu’il tient toujours à un cabinet apolitique de technocrates.
En vue d’un certain déblocage, il a été question, la semaine dernière, d’une visite du leader druze Walid
Joumblatt au palais de Baabda, où il serait reçu par le président Aoun. Alors que pour certains, cette visite n’aura finalement pas lieu, d’autres, notamment des sources de Baabda, assurent qu’elle pourrait intervenir cette semaine, même si aucun rendez-vous précis n’a été fixé jusque-là. Ces sources assurent que les tractations ne se sont jamais interrompues, et qu’elles « préparent le terrain » aux consultations contraignantes.
De son côté, une source des Forces libanaises, actuellement dans l’opposition partisane, affirme qu’un gouvernement semblable à celui de Hassane Diab, parrainé par des forces politiques, ou un gouvernement d’union nationale comme celui qui l’a précédé n’apporteraient aucune solution aux problèmes actuels. Le chef des FL, Samir Geagea, avait déclaré ce week-end être en faveur d’« un gouvernement indépendant, vraiment indépendant », estimant que « la solution concrète est de réduire le mandat de l’actuel Parlement ».
Réduction du mandat de la Chambre ?
La source des FL précitée précise que le seul scénario qui sortirait le Liban des crises successives passerait par la formation d’un gouvernement neutre de transition, qui superviserait des élections législatives anticipées, adopterait le principe de neutralité, demanderait une enquête internationale sur le drame du port et mettrait les réformes sur la voie rapide d’exécution. Bref, (presque) tout ce que rejettent le tandem chiite et le CPL. « Nous sommes persuadés que sans un tel processus, il n’y a pas de solution possible, mais nous savons que ce bras de fer est très difficile à surmonter, d’où la conclusion que la formation du gouvernement devrait prendre beaucoup de temps, et qu’il ne faut s’attendre à aucune percée cette semaine », souligne cette source.
Reste une seule voix, de plus en plus audible, venant de la rue et de la contestation. « N’oubliez pas que les responsables occidentaux ont tous insisté sur la nécessité d’écouter la rue », affirme une des sources interrogées. Au point de devenir un acteur désormais incontournable ? Apparemment pas pour tous les responsables politiques du pays, dont beaucoup semblent peu enclins à changer d’attitude.
commentaires (10)
Des marionnettes misérables qui ne fonctionnent qu'avec des tirreurs de ficelles... Il sont au déjeuner e pendant ce temps les marionnettes s'observent d'un oeil de verre... et le Pays se Meure...
Wlek Sanferlou
15 h 01, le 18 août 2020