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Politique - Décryptage

Entre 2005 et 2020, quelques similitudes, mais des rapports de forces différents ?

Chaque fois que les Libanais croient être tombés au fond du gouffre, ils découvrent qu’il y a encore pire. Aujourd’hui ressemble malheureusement à hier, mais en plus grave, sur fond de divisions internes encore plus radicales. Pour le Hezbollah, toutes ces tragédies sont le résultat de la grande victoire de 2000 avec le retrait humiliant de l’armée israélienne d’un territoire arabe, en l’occurrence le Liban-Sud et une partie de la Békaa-Ouest, pour la première fois dans l’histoire. Mais pour ses détracteurs, le Liban n’en finit justement plus de payer pour la puissance de ce parti qui défie, selon eux, le monde entier, et en particulier les États-Unis et l’Occident.

Le 14 février 2005, le Liban avait ainsi cru vivre un des pires moments de son histoire moderne, avec l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri. Si, au départ, les Libanais s’étaient tous sentis affectés par ce crime odieux, rapidement, des doigts accusateurs avaient pointé vers le régime syrien et le Hezbollah, créant un profond clivage dans le pays entre ce que l’on a appelé par la suite le mouvement du 14 Mars et le camp du 8 Mars, en référence à deux manifestations populaires, la première pour réclamer populairement et massivement le retrait total des troupes syriennes et la seconde organisée par le Hezbollah et ses alliés pour remercier les Syriens qui s’apprêtaient à quitter le territoire libanais en application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité.

Dès lors, ce clivage n’a cessé de planer sur la vie politique libanaise. Le 14 Mars a ainsi obtenu la majorité parlementaire à partir de mai 2005, à la suite de la conclusion d’une entente quadripartite entre le courant du Futur, le PSP, le Hezbollah et le mouvement Amal, qui s’est rapidement effondrée après les élections. Il a conservé cette majorité jusqu’en 2018, date des dernières législatives. Mais en dépit de ces victoires électorales et des profonds antagonismes entre les deux camps, la vie politique a montré que le Liban ne peut être gouverné que par des ententes entre les camps opposés. Tout avait pourtant été essayé, dont la requête d’une enquête et d’un tribunal international pour la série d’assassinats qui avaient secoué le pays, car la justice libanaise avait été considérée à l’époque par le mouvement du 14 Mars comme étant inféodée à ce qu’il appelait « le système sécuritaire libano-syrien ».

15 ans et quelques mois plus tard, après l’odieuse explosion du port le 4 août, le même scénario semble se reproduire. L’ironie du sort a voulu que cette tragédie coïncide avec l’annonce du verdict du Tribunal spécial pour le Liban dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri, qui devrait déclarer la culpabilité de plusieurs membres du Hezbollah. De nouveau, de nombreuses voix réclament une commission d’enquête internationale, par manque de confiance dans la justice libanaise, et là aussi, des doigts accusateurs sont pointés vers le Hezbollah qui, selon ses détracteurs, serait le principal bénéficiaire de la fameuse cargaison de nitrate d’ammonium. Comme en 2005, l’accusation précède l’enquête, même si, à en croire les pronostics, le verdict du TSL devrait aller dans le sens de l’accusation.

Comme en 2005, le Liban est donc à la veille de jours difficiles, qui pourraient mettre en cause son unité et son existence mêmes, au moment où il s’apprêtait à célébrer le centenaire de la déclaration du Grand Liban.

Les détracteurs du Hezbollah voient déjà la fin de ce parti, ou du moins son isolement total sur la scène libanaise et régionale et le début de sa chute. Pour ceux-là, si ce parti a réussi à survivre toutes ces années en dépit des doigts accusateurs pointés contre lui dans l’assassinat de Rafic Hariri, cette fois, il ne pourra pas sortir indemne d’une tragédie qui a suscité la colère, la révolte et le dégoût de tous les Libanais. Même ses alliés, en tête le CPL, ne peuvent plus lui assurer une couverture populaire et politique. D’abord parce qu’ils sont eux-mêmes affaiblis sur le plan populaire et craignent par conséquent l’organisation d’élections législatives anticipées, et ensuite parce que leur position est devenue intenable. Même l’allié chrétien traditionnel du Hezbollah, le chef du courant des Marada Sleiman Frangié, chercherait à prendre ses distances avec le parti, et il aurait eu une rencontre gardée secrète avec le secrétaire d’État adjoint américain David Hale au cours de sa récente visite à Beyrouth. Hale a d’ailleurs rencontré tous les leaders chrétiens, Samir Geagea, Samy Gemayel, Sleiman Frangié, en plus du patriarche maronite le cardinal Béchara Raï, à l’exception de Gebran Bassil. Ce qui est en soi un message politique clair. Pour les détracteurs du Hezbollah, ce dernier serait donc désormais particulièrement isolé sur la scène interne, beaucoup plus qu’il ne l’était en 2005. De plus, son principal « parrain » régional, l’Iran, traverse une grave crise économique en raison des sanctions américaines, et il n’est plus en mesure de l’aider financièrement comme il le faisait par le passé. Enfin, l’hostilité au Hezbollah ne serait plus l’apanage des seuls partisans du mouvement du 14 Mars mais d’une grande partie de la population libanaise, notamment les sunnites, les druzes et surtout les chrétiens qui considèrent qu’il serait en train de changer « le visage occidentalisé du Liban ».

Face à cette vision des détracteurs du Hezbollah, ses partisans disent au contraire qu’en dépit de quelques similitudes, 2020 ne ressemble pas à 2005. Selon eux, le Hezbollah d’aujourd’hui est beaucoup plus puissant qu’il ne l’était en 2005 et l’axe dont il est l’un des piliers aussi. Sur le plan interne, tous les efforts déployés pour retourner la communauté chiite contre lui ont échoué, assurent-ils, et elle est aujourd’hui, notamment à cause des accusations, considérées injustes, qui lui sont adressées, plus solidaire avec lui que jamais. De même, ses alliés chrétiens ont peut-être été affaiblis, mais ils n’en restent pas moins dans le paysage politique. De plus, le chef du courant du Futur et celui du PSP ne semblent pas disposés à se lancer dans une confrontation avec lui. La tentative de renverser la majorité parlementaire à travers une démission collective des députés a ainsi échoué et les accusations portées contre lui ne reposent pas sur des éléments concrets...

Entre ces deux versions contradictoires, une seule certitude, des jours difficiles attendent le Liban, et dans ce climat de division, la formation d’un nouveau gouvernement paraît difficile.

Chaque fois que les Libanais croient être tombés au fond du gouffre, ils découvrent qu’il y a encore pire. Aujourd’hui ressemble malheureusement à hier, mais en plus grave, sur fond de divisions internes encore plus radicales. Pour le Hezbollah, toutes ces tragédies sont le résultat de la grande victoire de 2000 avec le retrait humiliant de l’armée israélienne d’un territoire...

commentaires (5)

Le retrait Israélien, bien que dans la rhétorique Hezbollahi et consort en est un humiliant, en fait ne l'est pas. Israël avait déjà annoncé son retrait bien avant que le Hezbollah ne commence même ses soit disant opérations de résistance. Une fois débuté Israël a retardé son retrait de plus d'une année. Retournez donc vers les déclarations de l’époque et discutez en avec les personnes concernées. Concernant les élections, en effet le 14 Mars a eu une certaine majorité mais celle-ci n'a pu gérer l’état et procéder a des changements ou de réformes en raison d'abords des assassinats politiques que vous taisez, des boycottes et des blocages du pays, les invasions de quartiers, la guerre de 2006 etc... mettant l’état sous constante pressions et pertes et de temps et d’argent jusqu’à l’avènement de Aoun a la Présidence. Au sein du 14 Mars, Joumblatt et Hariri ont fait preuve de couardise et de petitesses dans toutes leurs actions et décisions politiques, ce qui nous a conduits au contrôle du Hezbollah. Au lieu de penser Liban ils ont tous les deux eu peur que Geagea ne se renforce politiquement et agissent a ce jour avec une immaturité et une bêtise sans précédent. D’où leur peur d'élections anticipées. Si la cette tentative a échoué c'est exactement pour les raisons citées un peu plus haut: le complexe de deux dirigeants qui n'ont pas l’étoffe d'hommes d’états (Joumblatt et Hariri) mais de boutiquier des bacs a sables. Qu'ils se rassurent les FL sont plus fortes que jamais!

Pierre Hadjigeorgiou

11 h 06, le 18 août 2020

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Commentaires (5)

  • Le retrait Israélien, bien que dans la rhétorique Hezbollahi et consort en est un humiliant, en fait ne l'est pas. Israël avait déjà annoncé son retrait bien avant que le Hezbollah ne commence même ses soit disant opérations de résistance. Une fois débuté Israël a retardé son retrait de plus d'une année. Retournez donc vers les déclarations de l’époque et discutez en avec les personnes concernées. Concernant les élections, en effet le 14 Mars a eu une certaine majorité mais celle-ci n'a pu gérer l’état et procéder a des changements ou de réformes en raison d'abords des assassinats politiques que vous taisez, des boycottes et des blocages du pays, les invasions de quartiers, la guerre de 2006 etc... mettant l’état sous constante pressions et pertes et de temps et d’argent jusqu’à l’avènement de Aoun a la Présidence. Au sein du 14 Mars, Joumblatt et Hariri ont fait preuve de couardise et de petitesses dans toutes leurs actions et décisions politiques, ce qui nous a conduits au contrôle du Hezbollah. Au lieu de penser Liban ils ont tous les deux eu peur que Geagea ne se renforce politiquement et agissent a ce jour avec une immaturité et une bêtise sans précédent. D’où leur peur d'élections anticipées. Si la cette tentative a échoué c'est exactement pour les raisons citées un peu plus haut: le complexe de deux dirigeants qui n'ont pas l’étoffe d'hommes d’états (Joumblatt et Hariri) mais de boutiquier des bacs a sables. Qu'ils se rassurent les FL sont plus fortes que jamais!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 06, le 18 août 2020

  • LE PIRE GOUFFRE EST CREUSE NON PAS PAR HEZB DE QUI ON ATTEND L'EXTREME MALHEUR DE NOTRE PAYS. LE PIRE GOUFFRE A ETE LA SURPRISE QUE MON CAUCHEMAR LE PLUS EFFRAYANT N'AURAIT JAMAIS IMAGINE : L'APPARITION DE BASSILE ! ARROGANCE,LACHETE ET ANTIPATHIE POUSSEES A L'EXTREME. INIMAGINABLE !

    Gaby SIOUFI

    09 h 59, le 18 août 2020

  • Comme d’habitude un article pour ne rien dire de nouveau, SH se contente de faire un résumé de 2005 et 2020 en introduisant habilement quelques contre vérités comme la Syrie qui s’apprêtait à quitter le Liban conformément à la 1559. Cette phrase, à part son côté mensonger, est une insulte à l’immense majorité du peuple libanais qui a manifesté le 14 mars et à contraint le régime syrien à quitter militairement le Liban sous les insultes de la population

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 17, le 18 août 2020

  • J'ai dû lire à quelques reprises car je ne croyais pas mes yeux que mme Haddad dise ceci en parlant du CPL "D’abord parce qu’ils sont eux-mêmes affaiblis sur le plan populaire et craignent par conséquent l’organisation d’élections législatives anticipées, et ensuite parce que leur position est devenue intenable". Se peut-il qu'enfin il ne soit plus tenable de se mentir continuellement?

    Michael

    04 h 36, le 18 août 2020

  • D'abord refuser l'implantation des réfugiés , prévue dans l'Accord du Siècle , on a tendance à l'oublier . Si le refus est unanime et vient de la part de tous les libanais sans exception, ce sera une base de départ pour une feuille de route à opposer au Deal du Sipecle si funeste pour l'existence même du Liban

    Chucri Abboud

    03 h 15, le 18 août 2020

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