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Nos Lecteurs ont la Parole

La démission de Hassane Diab : une victoire véritable ?

Soyons réalistes : si la démission du gouvernement Diab représentait une avancée véritable dans le mouvement de contestation qui cherche éperdument à insuffler du changement dans la vie politique libanaise, le président de la République ne l’accepterait jamais. Le problème n’est pas là, un Premier ministre au Liban ne représente plus une politique ni une responsabilité quelconque, surtout lorsque celui-ci est comparable à une marionnette idéaliste mais aux pieds et poings liés.

Liés par quoi ? Un président ? Il ne tient pas la machine politique à lui tout seul. Un Parlement ? Cela fait plusieurs années que nous n’avons pas assisté à une politique des « chaises vides » comme celle qui a duré plusieurs mois avant l’élaboration de la dernière loi électorale et pendant la vacance présidentielle qui s’est conclue par l’élection de Michel Aoun. Par un système institutionnel dans son ensemble ? Malheureusement, non. Car le Liban n’est plus que l’ombre opaque d’un cafouillage institutionnel monumental.

Depuis janvier, personne n’a cru à la crédibilité de ce gouvernement. Nous pouvons ne pas douter des bonnes intentions et de la bonne foi de Hassane Diab si nous le voulons, mais nous ne pouvons pas nous voiler la face innocemment en croyant vraiment qu’un gouvernement qui regroupe plusieurs cadors de la vie politique libanaise puisse réellement être celui du changement. Le pouvoir n’est plus dans les institutions au Liban, et ce depuis bien longtemps. Le pouvoir est aux mains d’une dizaine d’indétrônables qui, dans le supposé système institutionnel, occupent les postes où ils peuvent le plus se remplir leur portefeuille.

Quand le pays commence à entrer dans une crise de rationnement en pétrole et en électricité, on va au ministère de l’Énergie. Quand on s’attend à voir affluer des aides étrangères massives après le début de l’effondrement, on va aux Affaires étrangères, pour être bien sûr que tout passe par chez nous. Peu importe ce qu’il reste finalement pour la population et les projets de développement. Si demain les gens ne peuvent plus acheter de pain, eh bien ! ils mangeront de la brioche. En démissionnant, Hassane Diab reconnaît non pas son incompétence, mais son incapacité et son embourbement dans cette oligarchie exécrable. Il n’est aucun changement institutionnel comme la démission d’individus ou bien des élections anticipées qui puisse faire changer les choses. La démission d’aujourd’hui ne signifie pas que la recomposition de demain ne sera pas pire. Ce gouvernement pouvait encore, grâce à quelques ministres jeunes et apolitiques, provoquer ne serait-ce qu’une once de changement. Mais le Liban est aujourd’hui dans une escalade de violence, violence symbolique d’une classe politique contre son peuple, violence armée sur la place publique entre des forces de l’ordre beaucoup plus radicales qu’en octobre et les manifestants, violence verbale sur les réseaux sociaux contre la classe politique. Plus le mouvement de contestation se radicalisera, et plus les ripostes du pouvoir s’intensifieront.

Le Liban est dirigé par des individus criminels disséminés dans des institutions, de Baabda aux ministères, en passant par les directions générales de la force armée et par la place de l’Étoile. Le mouvement populaire au Liban n’est pas un mouvement de contestation politique, c’est un acte d’accusation, et les accusés continuent de plaider innocents alors même qu’ils remuent leurs couteaux dans les plaies de leurs victimes. Une seule solution : une cour de justice internationale. Une seule manière de faire localement : une transition politique sous mandat international.

Tout le monde sait ce dont a besoin le Liban pour se relever, mais nul ne possède aujourd’hui la légitimité de le faire. Dans cette situation, l’éternel principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne saurait tenir la route, car seule une supervision supranationale peut s’assurer de la bonne conduite de cette période de transition par des individus qui seraient eux-mêmes légitimés par leur acceptation par la communauté internationale.

Bien entendu, demeure un facteur X qui fait de tous ces projets un condensé de discours utopiques : c’est cette force armée parallèle qui s’imagine une puissance politique démocratique, signe supplémentaire du non-fonctionnement, voire même de la désuétude du système institutionnel libanais. Nul dans la communauté internationale ne voudra prendre le rôle de la force mandatée : les risques armés sont bien trop grands.

La démission de Hassane Diab n’est en rien une victoire : ce n’est qu’un nouveau signe de l’agonie du pays. Cette démission ne signifie rien d’autre que l’échec de la solution technocrate dans un pays devenu oligarque.


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Soyons réalistes : si la démission du gouvernement Diab représentait une avancée véritable dans le mouvement de contestation qui cherche éperdument à insuffler du changement dans la vie politique libanaise, le président de la République ne l’accepterait jamais. Le problème n’est pas là, un Premier ministre au Liban ne représente plus une politique ni une...

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