Chaque jour, le Covid-19 coûte au monde des milliers de vies et des milliards de dollars. La méthode la plus efficace pour mettre un terme à cette crise – possiblement dès l’année prochaine – consiste à développer un vaccin sûr et efficace, produit en grande quantité et distribué à l’échelle mondiale. Pour éviter tout retard inutile, les États devraient saisir l’occasion, alors que les chercheurs œuvrent à trouver la bonne formule, pour préparer le terrain à une production rapide et large, comme à un emploi généralisé.
C’est le principe sur lequel repose le Fonds pour l’accès universel aux vaccins contre le Covid-19 (Covax). Créé par Gavi, l’Alliance du vaccin, l’Organisation mondiale de la santé et la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies, cette plateforme novatrice vise à distribuer au moins deux milliards de doses de vaccin contre le Covid-19 d’ici à la fin de 2021.
Un si grand nombre de doses – qui seront réparties équitablement entre les pays participants, sans tenir compte de leur capacité de payer – couvriraient 20 % des populations des pays participants. Elles suffiraient donc à protéger les populations vulnérables et à risque élevé ainsi que les effectifs médicaux en première ligne de défense dans le monde (des réserves supplémentaires pourraient être stockées de manière à lutter à l’avenir contre toute flambée avant qu’elle n’échappe à tout contrôle.)
À ce stade, plus de 160 vaccins candidats sont en phase de développement préclinique ou clinique. Il est impossible de prédire lequel passera avec succès les essais cliniques et fera l’objet de licences (le taux d’échec des vaccins dans les premiers stades de développement est élevé). On peut par contre faire en sorte qu’une structure efficace de production et de distribution soit déjà en place lorsqu’un des vaccins s’avérera efficace. À cette fin, les États doivent investir dans Covax le plus tôt possible.
Le problème, c’est que les États peuvent se sentir obligés de renoncer à coopérer, préférant négocier directement avec les fabricants de vaccins pour obtenir les doses dont ils ont besoin. Il est vrai que les États ont, avant tout, le devoir de protéger leurs propres citoyens. Cette stratégie nationale comporte toutefois des risques importants, à commencer par la possibilité qu’un État donne son aval à des vaccins inopérants.
Même si les autorités locales assurent des doses suffisantes d’un vaccin efficace pour leurs propres populations, certaines personnes – celles qui sont immunodéprimées et qui ne pourraient pas peut-être se faire vacciner – ne seront pas protégées si d’autres pays ne parviennent pas à obtenir des quantités suffisantes du vaccin. Et ceci est vrai sans même tenir compte de l’obligation morale d’assurer aux populations des traitements qui peuvent leur sauver la vie.
Lors de la pandémie de la grippe porcine en 2009, quelques pays ont accaparé le marché du vaccin, laissant la vaste majorité de la population mondiale sans aucun vaccin jusqu’à ce que l’épidémie se soit réellement éteinte. Ce scénario doit être évité à tout prix dans le cadre de la crise actuelle, ne serait-ce que parce que le Covid-19 présente des taux d’infection et de mortalité nettement plus élevés.
En collaborant avec les agences de santé mondiales dans le cadre de Covax, les autorités publiques peuvent assurer aux gens un accès égal aux vaccins contre le Covid-19. Quant aux pays qui ont conclu des accords bilatéraux avec les fabricants, l’adhésion au Covax revient à une police d’assurance au cas où ils miseraient sur les mauvais candidats. En ce qui concerne les pays qui n’ont pas encore conclu d’accord – c’est-à-dire la grande majorité de la population mondiale –, Covax est leur seul moyen d’éviter d’être refoulés au portillon.
Le Covax assure que les retombées et les risques de la mise au point de vaccins soient largement partagés. Avec le plus large portfolio de vaccins candidats dans le monde, ce fonds assure aux pays participants les meilleures chances de recevoir un vaccin sûr et efficace dès sa commercialisation – et fait en sorte que ce moment arrive au plus vite.
Alors que les compagnies pharmaceutiques assument tous les risques financiers, elles n’investiront dans l’expansion de la production qu’après avoir finalisé les essais cliniques et reçu l’autorisation de produire le vaccin. Cette approche se justifie économiquement, mais elle n’a pas de sens dans le contexte d’une pandémie dont la propagation est aussi fulgurante.
Le Covax emploie une stratégie totalement différente. En plus de recourir au financement pour faire avancer les projets – l’investissement direct en recherche, en développement et en production –, il se sert du financement sous la forme d’engagements à des achats anticipés d’un grand nombre de doses dès leur autorisation. Cela assure que le secteur privé sera fortement incité à développer des vaccins urgents.
De plus, Covax met en commun les ressources des instances nationales pour financer l’accélération de la production des vaccins les plus prometteurs, même avant la finalisation des essais cliniques. Ainsi, lorsque le vaccin sera homologué, de grandes quantités de doses de vaccin seront prêtes à être distribuées. Déjà, l’OMS travaille avec un large éventail de parties prenantes, notamment les États membres et les organisations de la société civile, pour élaborer et mettre en œuvre un mécanisme de répartition équitable et juste des doses du vaccin une fois disponibles.
Covax ne prendra en charge que les vaccins candidats mis au point en conformité aux normes de sécurité les plus rigoureuses. En collaborant avec des experts du monde entier pour élaborer des profils de produits cibles, échanger des modèles de pratiques exemplaires sur le plan des essais, faciliter les essais cliniques dans plusieurs pays et promouvoir l’harmonisation des réglementations, Covax établira une nouvelle référence pour la mise au point et la distribution rapide, sûre et efficace de vaccins.
Nous ne pouvons nous permettre de laisser plus longtemps nos économies sur leur trajectoire actuelle. Alors que le PIB mondial se rétrécit – le Fonds monétaire international et la Banque mondiale prévoient une contraction de 5 % en 2020 –, la pauvreté et la faim se font de plus en plus sentir. Puisque l’économie mondiale perd chaque jour 10 milliards de dollars, raccourcir la durée de la pandémie, ne serait-ce que de quelques jours, ferait plus que compenser les coûts de Covax. Cette proposition de collaboration internationale – dans le cadre de laquelle les risques et les retombées sont répartis de manière égale – n’a jamais eu autant de valeur.
© Project Syndicate, 2020. Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
Seth Berkley est directeur général de GAVI, l’alliance du vaccin.
Richard Hatchett est directeur général de la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies.
Soumya Swaminathan est experte scientifique en chef de l’Organisation mondiale de la santé.
Même pas en rêve! Bill Gates et consorts.
17 h 09, le 26 juillet 2020