Le général à la retraite Chamel Roukoz s'en est pris vendredi sans le nommer au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, devant plusieurs centaines de personnes rassemblées sur la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, dans une tentative de relance du soulèvement du 17 octobre contre la classe dirigeante.
Dans la soirée, une marche organisée par le Bloc national et soutenue, celle-ci, par plusieurs organisations de la révolution, est parallèlement partie avec quelques dizaines de personnes du siège de la radio "La Voix du Liban", sur la place Sassine, à Achrafieh, et doit sillonner les rues de Beyrouth pour réclamer notamment la démission du ministre des Affaires sociales, Ramzi Moucharrafiyé.
Ces mobilisations sont organisées alors que le Liban n'en finit plus de s'enfoncer dans une crise économique et financière sans précédent, que l'inertie du gouvernement à lancer d'indispensables réformes empêche l'obtention d'aides internationales, et que la répression des libertés se fait de plus en plus sévère.
"Jusqu'à mon dernier souffle"
"La traîtrise, c'est d'assister à des marchandages, de rester silencieux face à cela et d'oublier la grande cause, celle du peuple et de nation. La traîtrise, c'est d'avoir été aux responsabilités pendant des années et d'accuser les autres de l'échec sous prétexte qu'on ne les a pas laissé travailler. Ils s'honoreraient à démissionner et laisser la place à d'autres qui veulent agir", a déclaré Chamel Roukoz dans un discours offensif, en référence aux propos tenus dernièrement en ce sens par le leader du CPL, l'une des cibles privilégiées de la contestation, qui prétend avoir été empêché d'agir. "Notre bataille est difficile face aux cartels corrompus et aux partis miliciens qui ont détruit le pays (...) J'assure à tout le monde que je lutterai jusqu'à mon dernier souffle pour que le Liban demeure le pays de l’humanité, de la liberté et de la civilisation", a-t-il assuré.
Par ailleurs, le général à la retraite et député du Kesrouan a appelé à "mettre fin aux coupures de routes, aux affrontements avec l'armée et les forces de l'ordre, aux insultes". "Nous devons agir ensemble pour exprimer notre attachement au Liban-message", a-t-il souligné, annonçant d'autres rassemblements en région à l'avenir.
Bien que le mouvement "Citoyens et citoyennes dans un État" de l'ancien ministre Charbel Nahas s'est joint à ce sit-in, différents mouvements constitués sur plusieurs des places fortes du soulèvement du 17 octobre, entre autres Baalbeck, Taalabaya, Tripoli, Chevrolet (Furn el-Chebbak), Jbeil, Jal el-Dib et du Akkar, ont affiché leur refus de s'associer à cette manifestation. L'affiche publiée à ce sujet par le "Hirak" de Jbeil souligne notamment son refus que "Chamel Roukoz remplace Gebran Bassil", député également et l'une des figures les plus contestées par les révolutionnaires.
Au début de ce sit-in, Chamel Roukoz avait déclaré qu'il revenait aux Libanais "de se révolter contre l'ensemble de la classe politique", ajoutant que "l'alternative est un gouvernement indépendant composé de personnalités compétentes".
"Les prochaines étapes seront douloureuses", avait affirmé de son côté le général à la retraite Georges Nader, "parmi elles, la désobéissance civile totale pour faire tomber le système au pouvoir". Cette manifestation entendait "demander des comptes au pouvoir en place dans son ensemble" et réitérer les principales revendications des manifestants, à savoir : un gouvernement indépendant ; l’adoption d’une nouvelle loi électorale à même d’assurer une représentation juste et équitable ; la tenue d’élections législatives ; ainsi que la réforme de la justice.
Contre la répression et la corruption
Parallèlement, une marche de protestation, lancée par le Bloc national et rassemblant plusieurs groupes de la thaoura, "contre la répression, les voyous et les attaques des autorités contre les activistes" est partie du siège de la radio "La Voix du Liban", sur la place Sassine, à Achrafieh, en direction du Palais de Justice. Elle doit par la suite se diriger vers le ministère des Affaires sociales, dans le quartier de Badaro.
Les revendications de cette action concernent notamment la démission du ministre du Tourisme et des Affaires sociales, Ramzi Moucharrafiyé, réclamée depuis plusieurs jours par la rue, et la levée de son immunité ministérielle. Des gardes du corps et des proches du ministre sont impliqués dans le passage à tabac il y a deux semaines de l'activiste et avocat Wassef Haraké, et de plusieurs autres "révolutionnaires". Cette marche aura également pour objectif de réclamer "une enquête financière" afin d'identifier les personnes qui ont "pillé les fonds des Libanais et provoqué la crise actuelle". Dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, le secrétaire général du Bloc national, Pierre Issa, appelle les Libanais à se mobiliser massivement. Il souligne que "la liberté d'expression est la dernière ligne de défense" des citoyens et de leur identité, affirmant que "tous sont concernés" par cette cause "primordiale".
En plus du Bloc national, une dizaine d'organisations soutiennent cet appel à manifester, notamment les groupes de la société civile "Li Haqqi", "Le Liban se révolte" ou encore le regroupement des "jeunes et étudiants du Parti communiste libanais".
commentaires (12)
C’est une OPA sur la révolution...
Alexandre Husson
23 h 15, le 17 juillet 2020