C’est pour donner un nouvel élan au mouvement de contestation du 17 octobre et « demander des comptes au pouvoir en place dans son ensemble » que le Mouvement des anciens combattants pour le salut du pays, regroupant principalement nombre de militaires à la retraite hostiles au pouvoir, observera un sit-in demain à 16h, place des Martyrs. Ce rassemblement parrainé par Chamel Roukoz, général à la retraite et actuel député du Kesrouan, brandira alors les principales demandes des manifestants, à savoir : un gouvernement indépendant des protagonistes politiques ; l’adoption d’une nouvelle loi électorale à même d’assurer une représentation juste et équitable à tous les Libanais, la tenue d’élections législatives ; ainsi que la réforme de la justice.
C’est ainsi que Chamel Roukoz résume, pour L’Orient-Le Jour, les objectifs de cette action prévue au cœur de Beyrouth. « Nous représentons le peuple et en faisons partie. Il est donc normal que nous soyons à ses côtés dans sa révolte », déclare le député, faisant savoir que le Mouvement des anciens combattants pour le salut du pays « coordonne avec toutes les composantes du mouvement de contestation en vue de le relancer ». Sauf que le positionnement délicat de Chamel Roukoz n’est naturellement pas sans susciter des interrogations autour de sa marge de manœuvre en tant qu’opposant au pouvoir en place. Un des trois gendres du chef de l’État, Michel Aoun, Chamel Roukoz entretient des rapports en dents de scie avec le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, lui aussi gendre de M. Aoun. En juillet 2019 déjà, il s’était retiré du bloc parlementaire du Liban fort, dont le CPL est la principale composante, en raison de plusieurs divergences significatives, notamment l’opposition de M. Roukoz au projet de budget 2019 prévoyant des ponctions aux privilèges des officiers à la retraite. Un texte que le bloc aouniste a approuvé.
« Certains proches du président l’empêchent de réaliser ses objectifs »
Conscient de cette situation délicate, le général à la retraite évite naturellement d’attaquer ouvertement le sexennat Aoun. Il reconnaît, toutefois, qu’aussi bien la présidence de la République que le gouvernement sont responsables de la situation du pays. « C’est le pouvoir dans son ensemble qui est responsable de la crise actuelle du Liban et c’est pour cette raison que nous lui demandons des comptes », dit-il, avant d’expliquer : « Dans une optique strictement constitutionnelle, c’est au gouvernement qu’il faudrait demander des comptes. Sauf que le cabinet exerce ses fonctions sous ce mandat. Il est donc difficile d’établir une nette séparation » entre Baabda et le Sérail.
Dans une réponse à une question portant sur ses rapports avec le bloc du Liban fort, le député du Kesrouan se montre un peu plus clair. « Je suis beaucoup plus favorable au changement et à la réforme », souligne-t-il, non sans humour. Un jeu de mots évoquant le nom du groupe parlementaire aouniste issu des législatives de 2005 et 2009, et que dirigeait Michel Aoun, alors député du Kesrouan. « Certaines questions fondamentales évoquées dans une phase précédente ne sont plus soulevées aujourd’hui », déplore Chamel Roukoz. Et d’expliquer : « Je m’attendais à ce que les problèmes de l’électricité, de l’eau et des travaux publics, pour ne citer que ces exemples, soient réglés une bonne fois pour toutes. Mais nous ne voyons qu’un partage du gâteau et des compromis douteux. » Interrogé sur les raisons de cet état des choses, il répond : « Je crois que certains proches du président de la République l’empêchent de réaliser ses objectifs. »
Tout comme il appelle les Libanais à participer massivement au rassemblement du centre-ville demain, Chamel Roukoz exhorte les protestataires à ne pas baisser les bras, en dépit de la répression à laquelle ils sont soumis de la part des autorités. « La révolte a été matée. Mais il ne faut pas que les jeunes perdent espoir parce que c’est leur avenir qui est en jeu », affirme-t-il. « Bien au contraire. Il est temps d’unifier le directoire de la contestation et de l’organiser afin d’empêcher le pouvoir d’instrumentaliser les appareils de sécurité pour affronter le mouvement de révolte. Il faut également définir des demandes et des objectifs clairs, nets et précis », conclut M. Roukoz.
commentaires (5)
je trouve au moins quelqu un courageux de dire ce que beaucoups pensent mais le chemin reste long car ceux qui sont au pouvoir soutenu par l armée ne sont pas pret à ceder leurs places vous etes bien placé pour le savoir
youssef barada
15 h 47, le 16 juillet 2020