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Société - Sit-in

Les médecins contre la décision du ministre de la Santé de cantonner la vente des vaccins aux pharmacies

Le corps médical veut maintenir l’acheminement direct des produits immunisants dans les cliniques médicales pour ne pas risquer une rupture de la chaîne du froid.

Les médecins contre la décision du ministre de la Santé de cantonner la vente des vaccins aux pharmacies

Les médecins craignent l’impact négatif pour les patients de la vente exclusive des vaccins aux pharmacies et aux hôpitaux. Photo Bigstock

Indigné contre la décision du ministre de la Santé, Hamad Hassan, de limiter désormais la vente des vaccins aux pharmacies et aux hôpitaux, à l’exclusion des médecins, le corps médical observera ce matin un sit-in en signe de protestation contre ce qu’il considère comme une mesure risquant d’avoir un impact négatif sur la santé du citoyen. Parmi les spécialistes qui répondront à l’appel au rassemblement devant le ministère de la Santé, aujourd’hui à 11h, lancé hier par les deux ordres de médecins de Beyrouth et du Liban-Nord, figurent notamment les pédiatres, généralistes, médecins de famille et infectiologues, tous concernés par l’administration des vaccins qu’ils se faisaient livrer dans leurs cliniques. Tous s’alarment quant au danger de la vente en pharmacie, au motif qu’elle permet à tout patient de se procurer ces produits, avec le risque sous-jacent de rupture de la chaîne du froid jusqu’à l’arrivée chez le médecin. Un vaccin est très sensible aux variations de températures, le maintien des températures requises s’avère primordial de sa fabrication jusqu’à son utilisation. Sous le mot d’ordre « La santé du citoyen est une priorité », les participants au sit-in entendent signifier au ministère de la Santé que sa décision pourrait entraîner des problèmes de santé, le vaccin risquant d’être défectueux au moment de son injection par les médecins.

Sur le plan juridique, la décision de Hamad Hassan est tout à fait légale, puisqu’elle se base sur une loi datant des années 60 qui impose aux sociétés importatrices ou fabricantes de médicaments de vendre les vaccins exclusivement aux pharmacies et aux hôpitaux. Mais une source médicale interrogée par L’Orient-Le Jour affirme que cette loi n’a jamais été appliquée parce que cela aurait eu des effets néfastes sur la santé des gens, notamment des enfants, lesquels constituent la plus grande tranche de la population nécessitant d’être vaccinée. À ce sujet, le Dr Ziad Kassaa, président de la Société de pédiatrie, section Liban-Nord, indique que « les ministres de la Santé successifs ont toujours été sollicités par l’ordre des pharmaciens pour cantonner la vente des vaccins aux pharmacies, mais ces demandes n’ont jamais été satisfaites parce que les ministres connaissaient les risques encourus ».

Avec l’arrivée de Hamad Hassan à la tête du ministère de la Santé, l’ordre des pharmaciens, présidé par Ghassan el-Amine, est revenu à la charge. Il y a trois mois, l’ordre des médecins avait initié des négociations avec les représentants des pharmaciens et des responsables du ministère de la Santé, en vue de maintenir le processus d’acheminement direct des vaccins par les sociétés importatrices aux médecins. Selon des informations recueillies par L’OLJ, ces négociations auraient porté sur une possibilité d’accorder aux pharmaciens un pourcentage sur chaque vaccin délivré en cabinet médical, sans que l’achat ne soit effectué en officine. Lors de la dernière réunion tenue le 8 juillet, les représentants des deux ordres des médecins auraient toutefois été surpris de savoir que le ministre de la Santé avait signé le 1er juillet la décision donnant aux pharmacies l’exclusivité de la vente des vaccins.

« Un système réussi à ce jour »

« Notre souci est que le vaccin soit bien conservé avant d’être administré au patient », soutient Charaf Abou Charaf, président de l’ordre des médecin de Beyrouth, soulignant que « ce n’est pas à celui-ci de l’acquérir, parce qu’on ne peut être sûr de l’état dans lequel il parviendra au médecin par ce moyen ». « Le système adopté jusqu’à présent a été très efficace », ajoute-t-il, sachant qu’à ce jour le Liban est classé 27e au plan mondial de la couverture vaccinale. « C’est ce système réussi qui a poussé les ordres des médecins et la commission parlementaire de la Santé présidée par Assem Araji à demander au ministre de la Santé de bien réfléchir avant de décider de le modifier », indique-t-il, soulignant en outre qu’il faut changer le texte législatif sur lequel s’est fondé M. Hassan. « Nous allons nous réunir demain (aujourd’hui) à 14h avec la commission parlementaire pour discuter, entre autres, de la nécessité d’élaborer une proposition de loi en vue de modifier celle en vigueur. »

Selon une source interrogée par L’OLJ, des sociétés importatrices refuseraient en outre de livrer leurs produits aux pharmacies par peur d’une rupture de la chaîne du froid et de se retrouver ainsi condamnées. « Que ferait-on si les sociétés occidentales qui fournissent les vaccins décident de s’abstenir d’en vendre ? » s’inquiète un médecin sous couvert d’anonymat, appréhendant que ces substances soient alors importées de pays moins crédibles à ce niveau.

« Chaos »

« Les enfants libanais sont vaccinés à 50 % dans les dispensaires relevant du secteur public et à 50 % dans les cliniques privées. Ce système a montré que nous avons une très bonne protection contre la maladie », avance pour sa part un autre médecin, dans le même esprit que le Dr Abou Charaf, relevant qu’« il n’y a pas eu un seul cas de polio sur le territoire depuis 16 ans ». « Pourquoi donc introduire les pharmacies dans le processus ? » s’indigne-t-il, mettant en garde contre « le chaos que cela produirait sur le plan du calendrier vaccinal ». Lorsqu’on lui fait remarquer que, dans sa décision, le ministre de la Santé interdit aux pharmaciens de procéder eux-mêmes à la vaccination, le médecin interrogé répond que le droit accordé aux officines de vendre ouvrira la porte à des infractions : des patients chercheront à s’y faire vacciner parce qu’ils auront à payer le seul prix du vaccin plutôt que de régler aussi celui d’une consultation médicale. Selon lui, des violations de ce type se produisent déjà dans les régions de Batroun et de Khiam. Pour le Dr Philippe Chedid, « il est préférable que ce soit le médecin qui vaccine le patient, d’autant qu’il lui assure un suivi dans sa clinique et connaît ainsi son dossier ». « C’est par exemple le pédiatre qui sait quel vaccin donner à tel âge, lequel ne pas donner à un enfant souffrant d’une maladie chronique, quel laps de temps laisser entre chaque vaccin, etc. », ajoute le pédiatre.

Le sit-in organisé aujourd’hui devrait attirer de nombreux contestataires, d’autant que les commissions des médecins au sein des partis, à l’instar du Courant patriotique libre (CPL) et du Parti socialiste progressiste (PSP), ont mobilisé leurs partisans pour amener le ministre de la Santé à revenir sur sa décision. Ce dernier le fera-t-il ? Hier, ni lui ni son chargé de communication n’étaient joignables pour le savoir, ni pour connaître les motifs qui l’ont poussé à appliquer une loi datant de plus d’un demi-siècle. La directrice du Programme national de vaccination au sein du ministère de la Santé, Randa Hamadé, a préféré nous référer au ministre ou à son bureau.

Indigné contre la décision du ministre de la Santé, Hamad Hassan, de limiter désormais la vente des vaccins aux pharmacies et aux hôpitaux, à l’exclusion des médecins, le corps médical observera ce matin un sit-in en signe de protestation contre ce qu’il considère comme une mesure risquant d’avoir un impact négatif sur la santé du citoyen. Parmi les spécialistes qui répondront...

commentaires (3)

Le cartel des importateurs de produits pharmaceutiques utilise tous les moyens, y compris les mafieux, pour conserver sa mainmise sur l’importation des médicaments et générer ainsi des profits considérables au détriment de la santé des libanais. Il n’y a qu’à voir la richesse de leurs actionnaires et l’opulence de leurs cadres dirigeants pour s’en rendre compte

Lecteur excédé par la censure

11 h 00, le 14 juillet 2020

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Commentaires (3)

  • Le cartel des importateurs de produits pharmaceutiques utilise tous les moyens, y compris les mafieux, pour conserver sa mainmise sur l’importation des médicaments et générer ainsi des profits considérables au détriment de la santé des libanais. Il n’y a qu’à voir la richesse de leurs actionnaires et l’opulence de leurs cadres dirigeants pour s’en rendre compte

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 00, le 14 juillet 2020

  • Ils sont inquiets car ils touchaient (pas tous pour ne pas généraliser), 100 dollars à chaque vaccin et des mois parfois successifs. Il faut comprendre messieurs que le temps n'est plus aux abus.

    Esber

    10 h 40, le 14 juillet 2020

  • Compromettre la Santé Publique pour assouvir la soif au gain de certains...une décision sûrement non refléchie mais prise, "tant que nous sommes au pouvoir". L'enfant à vacciner devra alors voir son pédiatre, puis se rendre dans une pharmacie pour acheter son vaccin, le ramener au pédiatre le lendemain ou le jour même, bien chaud et désactivé pour se le faire injecter et être noté dans le dossier par le pédiatre. Et si le pharmacien commet le délit de le lui injecter, il faudra quand même le signaler au pédiatre sinon il y aura rupture des soins et du suivi... et bonjour le chaos et la réemergence des maladies contagieuses... une honte. Faire assumer aux familles la responsabilité d'entretenir un bon suivi medical et une vaccination å jour et un transport correct (température) du vaccin jusqu a destination sans s arreter en route pour prendre une bouteille d'eau au supermarche!!!!!! UNE HONTE! P.S. je ne suis point pédiatre.

    C EL K

    08 h 26, le 14 juillet 2020

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