Le régime syrien ne sait plus comment se procurer des devises pour renflouer ses caisses. Le nouveau Premier ministre, Hussein Arnous, a émis jeudi, selon les médias locaux, un décret contraignant les ressortissants syriens à échanger 100 dollars dès leur entrée dans le pays, par voie terrestre ou aérienne, contre l’équivalent en livres au taux officiel. La Banque centrale syrienne a relevé le taux de change officiel de la livre syrienne à 1 256 pour 1 dollar le 16 juin dernier, mais son prix au marché noir oscille entre 2 300 et 2 650, et a même atteint les 3 000. L’État cherche ainsi à récupérer des dollars, mais procède à une opération que l’on pourrait qualifier de racket auprès de ses citoyens qui perdront la moitié de la valeur de leur précieuse monnaie. Cette nouvelle décision devrait entrer en vigueur le mois prochain dans une perspective où les frontières rouvriraient après une fermeture de plus de trois mois en raison de la crise sanitaire due au coronavirus. Un article du centre de recherche Synaps relève que le régime syrien a intensifié ses efforts ces derniers mois pour collecter des devises étrangères sur les transferts financiers vers le pays. Cette nouvelle taxe déguisée a sans surprise provoqué de vives réactions de la part de la population habitant en zones de régime, certains internautes appelant même, non sans ironie, à un retour de l’ancien Premier ministre, Imad Khamis, jugé corrompu et limogé le mois dernier.
« Bilan d’Arnous après un mois : hausse du prix du sucre, du riz et de l’huile, diminution de la distribution de pain, taxe d’entrée de 50 dollars à tous les citoyens. Khamis reviens ! » écrit l’un d’entre eux dans un groupe Facebook dédié à l’actualité économique syrienne. La Syrie connaît actuellement une crise économique sans précédent, renforcée par les sanctions internationales, notamment par celles, récentes, liées à la loi César pénalisant un certain nombre de personnalités et d’entités ayant des liens avec le régime de Bachar el-Assad. L’État ne sait plus comment se sortir de l’impasse financière. La crise monétaire au Liban et la fermeture des frontières en raison de la lutte contre le Covid-19 ont également accentué la pression sur les échanges commerciaux et les transferts de fonds en provenance de l’étranger. Avec la diminution des réserves en dollars et la baisse de la valeur de la livre syrienne, le pays a eu du mal à financer les importations, ce qui a entraîné une flambée des prix sur les marchés, engendrant la colère des populations.
Saisie de drogue
Ne pouvant plus compter sur l’aide financière de ses alliés, notamment l’Iran asphyxié au plus haut point, le régime doit trouver un système D pour essayer de se sortir la tête de l’eau. Selon le site économique en ligne The Syria Report, les exportations de drogue représenteraient la source principale de revenus en devises étrangères pour le régime syrien.
En début du mois, la police italienne a saisi près de 14 tonnes d’amphétamines, sous la forme de 84 millions de comprimés de Captagon, d’une valeur d’un milliard d’euros. Les autorités locales ont d’abord laissé entendre que la marchandise aurait été produite par le groupe jihadiste État islamique, avant de revenir sur leur déclaration. Extrêmement affaibli après avoir perdu son territoire, il paraît peu probable que l’EI ait les moyens de produire une telle quantité de drogues mais aussi et surtout de pouvoir transférer une telle cargaison par voie maritime alors que les ports se trouvent sous contrôle du régime. Les deux dernières saisies de stupéfiants en Arabie saoudite et en Égypte ont été faites dans des cargaisons de compagnies appartenant à des hommes d’affaires affiliés au régime, Adib Kabour et Rami Makhlouf, cousin milliardaire du président syrien. Ce dernier, mis sous la touche depuis des mois, est une nouvelle fois sorti de sa réserve jeudi en postant un nouveau commentaire sur son compte Facebook, critiquant avec virulence les forces sécuritaires. Au cours des six derniers mois, les arrestations de cadres supérieurs masculins de ses entreprises n’auraient, selon lui, pas cessé, mais l’appareil de sécurité « n’étant pas satisfait » de ne détenir que des hommes aurait « donc commencé à faire pression sur les employées femmes » en les arrêtant « une par une ». Il a qualifié les décisions du gouvernement d’« arbitraires », notant que ses employés sont accusés de manipuler le taux de change de la livre syrienne. « Où est la Constitution pour protéger les innocents ? » a déploré Rami Makhlouf, implorant ses followers à ne pas commenter sous son message au risque d’être « soumis à des pressions ou arrêtés ».
commentaires (11)
Quel voisinage !
Robert Moumdjian
05 h 46, le 12 juillet 2020