Cinq femmes et une matière...

L’atelier de poterie de Nayla Sirgi, mis en place il y a un an, est une ruche d’inventivité où cohabitent cinq jeunes femmes animées par la même passion et le même désir, celui de s’exprimer en créant. Celle qui avoue avoir toujours aimé le travail manuel en est le pilier central, la reine des abeilles. Des abeilles nommées Danielle Homsi, Dorine Dahdah, Minnie Tabet et Poupa Keserouani qui exposent aujourd’hui, et jusqu’au 13 juillet, le fruit de leurs travaux à la boutique Santiago, à Achrafieh. L’histoire commence lorsque Nayla Sirgi est entraînée par son amie Danielle Homsi pour s’inscrire à un cours de poterie. « J’avais déjà pratiqué la peinture sur céramique et j’avais quelques notions, c’était il y a cinq ans et ce fut pour moi le coup de foudre. » La céramiste en herbe, fatiguée de faire des allers-retours et non rassasiée par ses deux séances hebdomadaires, décide alors de monter son propre espace. Et comme elle n’est pas (et tout son entourage le confirme) une femme qui fait les choses à moitié, elle commence par acheter un tour de potier, puis une table, ensuite des outils. Et de mirettes en modeleurs, d’une chambre à deux chambres, l’atelier prend forme, envahissant son espace vital. Il se déplacera avec elle lorsqu’elle emménage dans un nouvel appartement. Nayla Sirgi transportera ses pinces à emmailler avant ses pinces à linge, et son four de céramiste avant son four à gaz. Alors que la plupart des femmes de ce monde se soucient du canapé et des rideaux, la céramiste surveille avant tout la mise en place de son atelier comme on assisterait un accouchement. Rien n’est laissé au hasard. Chaque outil a sa place, chaque place a une fonction et chaque fonction sa céramiste et son coin. Son atelier prêt, elle invite ses quatre amies à se joindre à elle. L’aventure peut démarrer.

Des œuvres ludiques, élégantes ou poétiques qui font la fierté des céramistes en herbe. Photo Michel Sayegh

Confinées et heureuses de l’être

Nayla, Danielle, Dorine, Minnie et Poupa forment un groupe très homogène malgré leurs différences de style et de caractère. Leurs œuvres sont un peu le reflet de leurs personnalités respectives : ludiques pour certaines, élégantes et poétiques pour d’autres. Le visiteur de l’exposition découvre des totems hauts de 150 cm, des vases en forme de visages humains aux coiffures végétales, des vases en fleurs, des lampes aux oiseaux discrets, des vides poches aux allures textiles, et des cache-pots souriants. Les cinq jeunes femmes se sont imposées, durant le confinement, un horaire de travail assez strict. Deux mois et demi, durant lesquels, de 10 heures du matin à 19 heures du soir, la terre a cimenté leur amitié et leur complicité pendant que leurs mains produisaient. Elle ont travaillé certes par passion, mais aussi pour la survie. Dans un moment où la planète entière s’engouffrait dans le désespoir, elles arrivaient à rire, à s’amuser, à produire. Une belle thérapie, au final, qui en amadouant le caractère impatient de certaines, a suscité fierté et joie de l’accomplissement chez elles toutes. Mais ce fut surtout, dans une même dynamique créative, la satisfaction de vaincre toute la morosité et l’angoisse à laquelle était confrontée la planète entière. Une belle aventure au service de l’art…

wJusqu’au 13 juillet à la boutique Santiago, Achrafieh.