Le gouvernement de Hassane Diab vit, semble-t-il, ses derniers jours. Lâché par ses parrains politiques, qui dès le départ l’avaient privé de tous les moyens dont il aurait pu disposer pour commencer à redresser la courbe descendante d’une économie à l’agonie, conspué par une rue qui le rend responsable d’une dégradation incontrôlable et incapable de réaliser les réformes structurelles indispensables à un déblocage des aides internationales, le cabinet se retrouve aujourd’hui avec une seule arme en main : la détermination de son chef à ne pas rendre son tablier.
Le schéma politique qui s’est présenté hier était celui d’un gouvernement qui continue de promettre de « relever les défis » – pour reprendre les termes de M. Diab en début du Conseil des ministres hier – face à une classe politique qui a déjà amorcé le processus de négociations autour d’une nouvelle équipe ministérielle de sauvetage qui serait dirigée par le chef du courant du Futur, Saad Hariri.
La dynamique politique engagée dans la journée autour de Aïn el-Tiné, la Maison du Centre et le palais de Baabda se recoupe avec une autre, diplomatique celle-là, amorcée depuis quelques jours par l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea, qui s’est entretenue tour à tour avec les ambassadeurs des Émirats arabes unis, Hamad Saïd al-Shamsi, puis d’Arabie saoudite, Walid Boukhari, qui recevait quelques jours plus tôt le chef de la mission diplomatique française Bruno Foucher. Pour les Américains, mais aussi pour l’Union européenne, et notamment la France, le gouvernement de Hassane Diab n’est pas en mesure de mener le pays à bon port ni de réaliser les réformes qui permettront de restaurer une confiance perdue.
Pour la diplomatie occidentale et arabe qui a voulu lui accorder le bénéfice du doute, en dépit des réserves exprimées sur sa composition, le gouvernement formé le 21 janvier a vite montré ses limites avec sa gestion malheureuse du dossier des nominations financières et administratives et de celui des négociations avec le FMI.
De sources concordantes, on fait état d’un consensus politique autour de la mise en place d’un nouveau cabinet, qui pourrait constituer un choc positif à l’heure où le Liban connaît sa pire crise économique, financière et sociale, qui s’exprime par l’effondrement d’un secteur d’activité après l’autre. C’est dans ce contexte qu’il faut placer la visite que le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, a rendue à l’ancien Premier ministre Saad Hariri, à la Maison du Centre, pendant que le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil se rendait auprès du président du Parlement Nabih Berry, et qu’en soirée Saad Hariri recevait les députés Taymour Joumblatt et Waël Bou Faour (PSP), dépêchés par le leader druze Walid Joumblatt.
« Point à la ligne »
Des propos que Saad Hariri et Élie Ferzli ont tenus après leur réunion, non seulement il ressort que le projet de formation d’un nouveau gouvernement est sérieusement remis sur le tapis, mais que l’ancien chef de gouvernement semble plus flexible qu’il ne l’était il y a quelques semaines encore, concernant un éventuel retour au Sérail. « Un vide détruirait le Liban. L’opportunité de sauver le pays existe. J’ai des conditions pour revenir à la présidence du Conseil, point à la ligne. Je ne couvrirai aucune personne proche de moi », a déclaré M. Hariri lors d’une conversation à bâtons rompus avec des journalistes à la Maison du Centre. Et de poursuivre : « Le pays a besoin d’une toute nouvelle façon de travailler. Si nous ne sortons pas de la logique des quotes-parts, rien ne changera. Il y a un camp qui est responsable de ce gouvernement. S’il le lâche, c’est son affaire pas la nôtre. La nomination du prochain Premier ministre ne sera pas liée à la démission du cabinet actuel », a ajouté M. Hariri.
Selon l’ancien Premier ministre, « nous faisons face à une crise économique et financière qui exige que nous menions des réformes. Et le Fonds monétaire international est prêt à aider ». Et de lancer : « Mais où sont les réformes (promises) ? Dans ses propos aujourd’hui, le Premier ministre Diab n’a pas évoqué les réformes et le secteur de l’électricité. Il s’est contenté de s’attaquer au corps diplomatique de l’aide duquel nous avons besoin. » « Je suis choqué par les propos de M. Diab qui a parlé de complot », a poursuivi M. Hariri, faisant référence au déchaînement surprenant du Premier ministre contre la diplomatie arabe et occidentale, notamment l’ambassadrice des États-Unis, qu’il n’a pas cependant nommée. Il a accusé cette diplomatie d’« assiéger le pays et de le priver des aides dont il a besoin ».
L’intervention de Hassane Diab à l’ouverture du Conseil des ministres a surpris plus d’un. Certains y ont vu le discours de celui qui se sent trahi et qu’on s’apprête à pousser vers la sortie, en ayant le sentiment qu’on veut lui faire endosser la responsabilité de l’effondrement abyssal du pays. Elle reste surtout celle de qui n’a plus rien à perdre, maintenant qu’une « révision de la composition du gouvernement est devenue obligatoire ». C’est ce qu’Élie Ferzli a annoncé après son entretien avec Saad Hariri. « Il n’y a pas de signes rassurants. Il est temps de s’activer pour réfléchir à des moyens pour le salut du Liban », a-t-il ajouté, estimant que M. Hariri constitue « la principale porte d’entrée » pour « sauver le pays », étant donné sa capacité à « rassembler les Libanais ».
Selon des sources politiques informées, le Hezbollah veut toujours Saad Hariri à la tête du gouvernement et serait prêt à accepter un gouvernement de technocrates indépendants s’il a la garantie qu’il ne sera pas lâché en cours de route. C’est ce que Nabih Berry aurait dit devant Gebran Bassil, selon des informations non confirmées, en insistant sur le fait qu’il devient urgent de sauver ce qui reste du sexennat. Le chef du CPL aurait plaidé sans succès devant son hôte en faveur d’une éventuelle nomination du député Fouad Makhzoumi, ou encore de l’ancien ministre Walid Daouk à la tête d’un nouveau gouvernement. Toujours selon ces informations, Nabih Berry aurait conseillé à M. Bassil d’engager un contact direct avec M. Hariri, ce que le chef du CPL a refusé, d’autant qu’il n’est toujours pas question pour lui d’accepter son retour à la tête d’un gouvernement au sein duquel il ne serait pas présent. Il a en revanche promis d’en discuter avec le président Michel Aoun auprès de qui il se serait rendu après sa visite à Aïn el-Tiné.
La question reste de savoir jusqu’à quel point le chef du CPL, favorable à un changement de cabinet, est prêt à jeter du lest et à faciliter la mise en place d’une équipe au sein de laquelle il ne sera pas représenté, si l’on part du principe que cette étape est cruciale pour un Gebran Bassil qui joue son avenir politique et qui a besoin aussi bien du Hezbollah, qui lui sert de levier pour accéder à la présidence de la République, que des États-Unis qui risquent de lui barrer cette voie en raison de son alliance avec la formation chiite.
Les prochains jours devraient permettre d’y voir plus clair, notamment au niveau du rôle que Nabih Berry semble lui-même assumer en coordination avec Walid Joumblatt pour aplanir les obstacles politiques à un retour de Saad Hariri au Sérail. L’important pour les forces politiques en présence est d’éviter que le gouvernement actuel ne tombe sous la pression de la rue, ce qui compliquerait la mise en place d’un autre avec un Saad Hariri également rejeté par les manifestants. Ce dernier, a-t-on appris de mêmes sources, devrait engager parallèlement à l’action du président de la Chambre une série de contacts avec diverses parties politiques, dont les Forces libanaises, avec qui les ponts sont rompus depuis que ce parti s’était abstenu de le désigner lors des consultations parlementaires contraignantes pour la nomination d’un nouveau Premier ministre, en janvier dernier.
commentaires (26)
Tout ca c'est deu bla bla bla! La seule solution serait d'importer un economiste Libanais de souche qui vit a l'etranger et lui confier la gestion du pays. Tous les politiciens actuels devraient etre remercies. Mettre le Liban sous la tutelle de l'ONU!
IMB a SPO
22 h 52, le 03 juillet 2020