
Électricité du Liban barricadée, alors que les Libanais devraient s’attendre à subir un rationnement encore plus sévère de la production de courant dans les prochains jours. Photo João Sousa
Sauf miracle, les Libanais devraient s’attendre à subir un rationnement encore plus sévère de la distribution de courant dans les prochains jours. Cette possibilité qu’une source proche du dossier avait déjà évoquée à L’Orient-Le Jour vendredi dernier semble se confirmer aujourd’hui, alors que plusieurs régions ont constaté une baisse des heures de fourniture de courant depuis le week-end écoulé.
« Les réserves de carburant d’Électricité du Liban sont au plus bas et l’établissement public est obligé de mettre à l’arrêt des unités de production pour pouvoir continuer de fonctionner le plus longtemps possible », indique la source précitée, que nous avons contactée une nouvelle fois. Selon elle, EDL n’aurait plus assez de carburant pour déployer 1 200 mégawatts (MW) comme elle le faisait jusqu’à présent – contre un total de 2 000 MW en temps normal pendant la période estivale.
« L’arrivée du prochain navire de fuel a été annoncée pour une date tournant autour du 6 juillet. Si l’on compte le temps qu’il faut pour tester et transférer le carburant, il faut s’attendre à ce que la production de courant baisse encore de manière conséquente dans les dix prochains jours, à moins d’un changement de programme de dernière minute », regrette la source. Contactée, EDL n’a pas pu fournir plus d’informations concernant cette livraison ni sur l’impact effectif sur le rationnement, qui varie d’une région à l’autre. « EDL opère ses unités de production en optimisant au mieux les stocks de carburant dont elle dispose. C’est le ministère de l’Énergie et de l’Eau qui a une visibilité sur les livraisons », a simplement affirmé un responsable proche de la direction.
Les livraisons de mazout
Une source au ministère a reconnu pour sa part que la prochaine livraison « avait effectivement du retard », sans confirmer la date du 6 juillet. Selon d’autres sources concordantes, le retard dans la livraison du fuel à EDL est lié aux procédures judiciaires lancées suite au déclenchement de l’affaire du carburant défectueux livré par Sonatrach, qui avait mobilisé la justice au printemps. La source proche du dossier indique que le fournisseur algérien a effectivement commencé à récupérer les quantités de carburant au cœur du litige qui étaient encore stockées sur les sites des centrales de Zouk (Kesrouan) et Jiyé (Chouf), comme annoncé la semaine dernière.
Le fait qu’EDL ne soit pas en mesure de fournir du courant à tous ses abonnés 24 heures sur 24 est loin d’être une nouveauté. Le fournisseur a de plus déjà été contraint par le passé de baisser la production de courant en raison de problèmes d’approvisionnement, souvent liés au déblocage des crédits destinés à payer les fournisseurs. Mais la situation pourrait être plus rude cette fois-ci pour des Libanais déjà étranglés par la crise, car les propriétaires de générateurs, des exploitants illégaux mais tolérés, n’auraient pas actuellement suffisamment de mazout pour compenser la baisse de production d’EDL.
« Moins EDL produit de courant, plus les quantités de mazout consommées par le parc de générateurs au Liban deviennent importantes. Or les quantités livrées, en baisse en raison des difficultés financières du pays qui ont ralenti le rythme des importations, ne seront sans doute rapidement pas suffisantes en cas d’augmentation du rationnement d’EDL, même si on considère que presque plus rien ne passe en Syrie depuis l’entrée en vigueur de la loi César », juge une source proche de la filière des hydrocarbures. La contrebande, vers une Syrie encore en guerre, de carburant importé au Liban et bénéficiant du dispositif de subvention du taux livre/dollar mis en place par la Banque du Liban a été un des sujets les plus débattus ces dernières semaines, en marge de l’entrée en vigueur de la loi César votée aux États-Unis. Celle-ci a encore alourdi les sanctions visant le régime syrien et ses alliés.
Alors qu’il affirmait il y a une semaine ne pas comprendre « la panique » concernant l’approvisionnement du pays en essence et en mazout, et qu’il avait annoncé l’arrivée de deux navires de mazout entre samedi et cette semaine, le ministre libanais de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar, a fini par reconnaître hier qu’il y avait bien une « pénurie de mazout ». S’exprimant lors d’une conférence de presse avec le ministre de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé, Raymond Ghajar a précisé que le manque concernait surtout « les installations pétrolières (gérées par l’État) et qui doivent désormais couvrir 40 % des besoins du marché local ».
Le ministre a néanmoins indiqué qu’un navire contenant 35 millions de litres de diesel était arrivé lundi au Liban et qu’il avait déjà déversé la moitié de son chargement à Zahrani (Liban-Sud), l’autre moitié devant être livrée dans les installations de Tripoli (Liban-Nord). « Un autre navire arrivera la semaine prochaine, avec les mêmes quantités de diesel », a-t-il ajouté. « Les sociétés nous ont promis de répondre aux besoins du marché et nous espérons en effet que ces stocks seront bien distribués et non stockés », a-t-il souligné.
Lutte contre le monopole
Le ministre a en outre annoncé le lancement d’un appel d’offres pour l’achat de 60 000 tonnes de mazout, afin d’approvisionner les installations pétrolières de Tripoli et de Zahrani. Il a précisé que l’achat via le mécanisme de spot cargo permet d’assurer un approvisionnement rapide en produits dérivés du pétrole. « Étant donné que les quantités concernées sont moins importantes que dans le cadre d’appels d’offres standard, cela permet l’ouverture de lignes de crédit moins élevées », a-t-il encore spécifié. Contactée par L’Orient-Le Jour, une source à l’Inspection centrale a estimé que l’initiative du ministre était « bien pensée » compte tenu de la situation difficile du pays au niveau financier et de la configuration du marché des hydrocarbures, où l’offre est encore abondante après plusieurs mois de baisse d’activité mondiale en raison du Covid-19. « Il reste à savoir comment l’appel d’offres sera exécuté. » Le cahier des charges a déjà été mis en ligne par le ministère.
Les ministres de l’Économie et de l’Énergie ont en outre émis hier une décision commune dans le cadre de la lutte contre le monopole et l’augmentation des prix du mazout. Les entreprises pétrolières et les distributeurs doivent déposer auprès du ministère de l’Économie une liste détaillée de toutes les quantités de mazout qu’ils ont vendues, via un courrier électronique à l’adresse fuel@economy.gov.lb, à la fin de chaque semaine, et ce jusqu’à la fin de l’année. Cette liste doit aussi comprendre de manière détaillée toutes les informations concernant les acheteurs (sociétés, stations-service, propriétaires de générateurs) depuis le 1er juin. En cas de manquement à ces obligations, le ministère de l’Énergie suspendra la livraison de pétrole et de mazout aux entreprises incriminées, auxquelles s’appliqueront en plus les sanctions prévues par la loi.
Dans ce contexte, des propriétaires de générateurs ont de fait commencé, dans plusieurs régions du pays, à limiter les heures de distribution de courant, souvent la nuit, parfois à d’autres moments de la journée, laissant les Libanais démunis. Le ministère de l’Énergie semble déterminé à calmer la grogne des propriétaires de générateurs, fixant le prix à 498 livres libanaises au kilowatt/heure contre 330 livres au mois précédent, en plus des frais annexes habituels.
Sauf miracle, les Libanais devraient s’attendre à subir un rationnement encore plus sévère de la distribution de courant dans les prochains jours. Cette possibilité qu’une source proche du dossier avait déjà évoquée à L’Orient-Le Jour vendredi dernier semble se confirmer aujourd’hui, alors que plusieurs régions ont constaté une baisse des heures de fourniture de courant depuis...
commentaires (10)
Et ceci 30 and après la fin de la guerre.... quelle honte.
Bachir Karim
15 h 19, le 01 juillet 2020