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Société - Contestation

Scènes de guerre à Barja et protestations aux quatre coins du pays

De nombreuses manifestations ont eu lieu en plusieurs régions afin de dénoncer l’incurie des autorités, les arrestations arbitraires, les tarifs élevés du carburant et la dégradation continue de la situation économique.

Scènes de guerre à Barja et protestations aux quatre coins du pays

L’autoroute menant vers le Sud a été coupée à l’aide de poids lourds stationnés au milieu de la voie. Photo ANI

Le pays a vécu hier au rythme des nombreuses manifestations qui l’ont secoué dès l’aube, augurant d’une véritable escalade sur le terrain, parallèlement aux conditions de vie qui deviennent de plus en plus difficiles. Les manifestations d’hier ont commencé avec la coupure de l’autoroute menant de Jiyeh vers le Sud, au niveau de la localité de Barja, où ont eu lieu des affrontements entre l’armée et des militants durant une partie de la journée, sachant que l’autoroute a été bloquée à plusieurs reprises par les manifestants.

À Beyrouth, un groupe d’activistes se sont introduits au siège ministère des Affaires sociales dans le quartier de Badaro, avant d’en être violemment chassés par les forces de sécurité. Des routes étaient coupées ailleurs dans le pays par des propriétaires de générateurs privés, des chauffeurs de taxi ou des groupes de contestataires, pour dénoncer la dégringolade économique et la dévaluation de la livre libanaise par rapport aux devises étrangères. Aux alentours de 5h hier, des dizaines d’activistes issus de Barja ont bloqué l’autoroute menant vers le sud du pays, à l’aide de poids lourds qu’ils ont garés au milieu de la voie rapide et dont ils ont confisqué les clés. La présence des camions au milieu de la chaussée a donné lieu à des embouteillages monstres pendant une partie de la journée. La situation a dégénéré lorsque les militaires ont essayé de rouvrir la route par la force, blessant six militants. Deux personnes ont été arrêtées par l’armée puis relâchées.

Les protestataires ont à nouveau essayé de bloquer la route en début d’après-midi, avant d’être pourchassés par l’armée à l’intérieur de la ville. Les forces de l’ordre ont alors dispersé la foule à coups de gaz lacrymogène et en tirant en l’air, selon notre correspondant dans la région Mountasser Abdallah. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent de véritables scènes de guerre à Barja, où l’on aperçoit des colonnes de fumée et des personnes cherchant à se mettre à l’abri.

« Il y a de plus en plus de répression. Nos camarades ont été violemment agressés par les militaires, affirme Mohammad el-Hajj, un activiste de la région contacté par L’Orient-Le Jour. Pourquoi les routes qui mènent vers le Parlement et le Sérail sont-elles fermées ? Nous rouvrirons les routes quand on nous donnera accès à la place de l’Étoile », lance-t-il. Ce militant déplore par ailleurs « les accusations à caractère confessionnel » dont les protestataires de Barja, localité à majorité sunnite, font l’objet à chaque fois que l’autoroute qui mène vers les villages chiites du sud est coupée. La remarque de M. Hajj intervient après les propos polémiques d’un cheikh proche du Hezbollah, qui a publié hier sur les réseaux sociaux une photo des embouteillages à Jiyeh, accompagnée de la légende suivante : « Les routes empruntées par les gens sont celles qui assurent les contacts de la résistance (du Hezbollah). La paix civile pourrait nécessiter à nouveau l’intervention des chemises noires ! »

Des activistes assis par terre, hier, au siège du ministère des Affaires sociales, à Badaro, face aux forces de l’ordre. Capture d’écran Facebook Akhbar al-Saha

« Décentralisation » des protestations

Dans la matinée, un groupe de militants, parmi lesquels se trouvait notamment l’activiste et avocat Wassef Haraké, sont entrés à l’intérieur du bâtiment du ministère des Affaires sociales, avant d’en être chassés de façon musclée par les services de sécurité. Ils entendaient réclamer un entretien avec le ministre Ramzi Moucharrafiyé qui, selon eux, « n’accomplit pas son devoir », alors que le pays traverse une crise économique aiguë.

« Ce ministère devrait protéger les citoyens mais il ne le fait pas. De toute manière, nous n’avons aucune confiance dans la classe politique mais comme ils sont là, nous leur demandons de faire leur travail », explique Me Haraké à L’OLJ. L’avocat assure par ailleurs que les contestataires recourent désormais à des actions ciblant les institutions et les administrations publiques. « Nous ne cherchons pas à rassembler de grandes foules mais à être efficaces, en décentralisant nos actions. Nous organisons également des manifestations itinérantes, afin de pouvoir couvrir le plus grand nombre de dossiers possible », souligne-t-il.

Commentant la répression de plus en plus manifeste menée par les forces de l’ordre, Me Haraké estime que « le pouvoir sait que la crise est là et que la confrontation est inévitable ». « Ils essaient d’affronter directement les militants en les agressant ou en les arrêtant. Ils ont également une méthode préventive qui consiste à poursuivre les activistes en justice. Nous sommes en train de glisser vers un État policier, avec de moins en moins de démocratie. Plus la répression sécuritaire est forte, plus il y aura de confrontation. »

Des militants réunis hier place Riyad el Solh. Photo Joao Soussa

Jounieh, Beyrouth et ailleurs...

À Jounieh, des manifestants se sont rassemblés hier devant le Sérail de la ville afin de réclamer la libération du militant D.F., arrêté mercredi pour son implication dans des échauffourées entre des groupes de contestataires et les forces de l’ordre la semaine dernière. L’activiste est accusé d’avoir lancé une pierre contre un policier, le blessant à la tête au cours d’une dispute avec les forces de l’ordre pendant un rassemblement organisé après l’arrestation du militant Michel Chamoun.

Plusieurs dizaines de propriétaires de générateurs privés ont manifesté quant à eux devant le ministère de l’Énergie à Beyrouth, afin de faire entendre leurs revendications concernant notamment les tarifs fixés et l’approvisionnement en mazout. Ces manifestants ont coupé l’avenue Émile Lahoud, qui longe le ministère. Ils ont brandi au cours de leur sit-in des pancartes rappelant la différence de prix pour l’achat du mazout entre les fournisseurs officiels et ceux sur le marché noir.

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La place el-Nour, à Tripoli, n’a pas non plus été épargnée par la contestation. Des manifestants en ont coupé l’accès hier matin à l’aide de pneus enflammés et de murets de pierres, afin de protester contre les répercussions de la crise économique et financière. Les protestataires ont notamment dénoncé la chute du taux de change de la livre libanaise face au dollar américain, qui a opéré une baisse record jeudi sur le marché noir, à 7 000 livres pour un dollar. Ils ont également stigmatisé l’inflation « éhontée » et la dégradation de la situation socio-économique. Des soldats et membres des Forces de sécurité intérieure se sont déployés dans des endroits stratégiques des environs de la place, entre autres devant le Sérail et la branche locale de la Banque du Liban.

Dans la Békaa, les routes de Taalabaya et Masnaa ont été brièvement fermées dans la matinée. À Saïda, des chauffeurs de taxi ont manifesté en bloquant la route avec leurs véhicules, place Élia. De même dans le centre-ville de Beyrouth, où des chauffeurs de taxi gravement touchés par la crise économique ont organisé un sit-in place des Martyrs. Dans la soirée, le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri, a été pris à partie par des manifestants rassemblés devant le siège de la Banque du Liban (BDL), dans le quartier de Hamra, où il passait au volant de sa voiture.

Le pays a vécu hier au rythme des nombreuses manifestations qui l’ont secoué dès l’aube, augurant d’une véritable escalade sur le terrain, parallèlement aux conditions de vie qui deviennent de plus en plus difficiles. Les manifestations d’hier ont commencé avec la coupure de l’autoroute menant de Jiyeh vers le Sud, au niveau de la localité de Barja, où ont eu lieu des...

commentaires (6)

Ben oui!!

Zebouni Joelle

18 h 24, le 28 juin 2020

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Commentaires (6)

  • Ben oui!!

    Zebouni Joelle

    18 h 24, le 28 juin 2020

  • La pire période sécuritaire pour les libanais a été entre 1989 et 1990. Le pire période sociale, démocratique et économique pour les libanais est 2019/2020. Quel est le point commun entre ces 2 périodes ? Attention, je ne critique pas (de crainte de me retrouver en prison et torture par les forces de l’ordre) Tout simple je constate qu’il y a qu’un seul point commun entre ces 2 périodes...

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 50, le 27 juin 2020

  • Ce regime mafieux va essayer d appliquer la methode syrienne pour faire taire les manifestants mais cela ne marchera pas au LIBAN....le peuple martyr sera le plus fort...

    HABIBI FRANCAIS

    11 h 23, le 27 juin 2020

  • LA TRANSFORMATION DE LA CONTESTATION EN REVOLUTION PAR LES CONNERIES DES RESPONSABLES/ IRRESPONSABLES VA SON COURS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 01, le 27 juin 2020

  • Il devient de plus en plus difficile d'envisager des vacances au Liban.

    Khalil

    10 h 39, le 27 juin 2020

  • le Liban n'est pas un pays démocratique ,la preuve en est qu'il a besoin des "forces sécuritaires" pour rester en place ;mais rien n'est immuable .J;p

    Petmezakis Jacqueline

    07 h 20, le 27 juin 2020

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