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Politique - Liberté d’expression

« Comment peut-on empêcher celui qui cherche à manger dans les poubelles de se plaindre ? »

Plusieurs personnalités ont dénoncé hier la décision du parquet de poursuivre ceux qui s’en prennent à la personne du chef de l’État.

« Comment peut-on empêcher celui qui cherche à manger dans les poubelles de se plaindre ? »

De gauche à droite : Lina Hamdan, Chucri Sader, Nawal Méouchy et Chibli Mallat, lors de leur conférence de presse hier. Photo Z.A.

Les réactions indignées de la société civile se multiplient depuis que le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate a annoncé lundi que les auteurs d’atteintes à la personne du président de la République seraient poursuivis en justice. Des militants de tous bords considèrent que cette mesure constitue une atteinte flagrante à la liberté d’expression, surtout après l’arrestation d’un activiste, Michel Chamoun, qui a publié une vidéo critique à l’encontre du chef de l’État. Lors d’une conférence de presse hier, plusieurs personnalités ont dénoncé cette décision, estimant qu’elle était contraire à la Constitution et aux principes démocratiques. « Ce procédé n’est utilisé que lorsque l’on a peur. Cette méthode n’est pas celle de quelqu’un qui est fort. Comment peut-on empêcher celui qui cherche à manger dans les poubelles de se plaindre ? » a lancé le juge à la retraite Chucri Sader au cours de la conférence de presse, dans une critique claire adressée au « mandat fort » du président Aoun. M. Sader s’exprimait aux côtés des juristes Chibli Mallat et Nawal Méouchy, ainsi que de la journaliste et militante Lina Hamdan.En début de semaine, le juge Oueidate avait chargé les enquêteurs de la police judiciaire de lancer des investigations pour déterminer l’identité de personnes ayant diffusé des publications et des images « portant atteinte » à la personne du président de la République. Le chef du parquet a en outre demandé à la Cour de cassation que les détenteurs de ces comptes sur les réseaux sociaux soient poursuivis pour diffamation et outrage public, les textes et images incriminés étant visibles de tous.

Crime de lèse-majesté

Chibli Mallat a, pour sa part, appelé à aller au-delà des articles 384 et 386 du code pénal qui interdisent de porter atteinte à la personne du chef de l’État. Il a par ailleurs rappelé que la Constitution libanaise garantit la liberté d’expression. « Je ne suis pas en faveur des insultes proférées à l’encontre des responsables, mais ces insultes émanent de la souffrance des gens », a souligné M. Mallat.

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« Nous pourrons aller au-delà des articles 384 et 386 le jour où un policier refusera de procéder à une arrestation dans ce cadre, car elle serait contraire à la Constitution. Le code pénal libanais est calqué sur le code pénal français datant de la révolution et qui évoque le crime de lèse-majesté. Or, ce concept est dépassé aujourd’hui », a ajouté le juriste. « Est-ce la ministre de la Justice qui a demandé au juge Oueidate de poursuivre ceux qui portent atteinte à la personne du président ? Ou le chef de l’État lui-même ? » s’est-il demandé. « La Constitution libanaise garantit les libertés et c’est pour cette raison que les intellectuels arabes venaient au Liban pour s’exprimer librement. Nous refusons que le pays devienne un lieu de répression », a pour sa part affirmé Lina Hamdan à L’OLJ. S’adressant au chef de l’État, la juriste Nawal Méouchy a estimé qu’on ne peut pas « imposer le respect à la manière de Hitler ou de Staline ». « Ce sont vos actions qui feront que l’on vous respectera », a-t-elle martelé. L’ONG Alef qui milite pour les droits de l’homme a également exprimé son inquiétude face à la décision du juge Oueidate et dénoncé une tentative de « museler » toute personne qui se montrerait critique. « La loi relative à la diffamation a été mise en place pour préserver la réputation des individus, mais l’utilisation de la diffamation comme prétexte pour museler ceux qui critiquent des personnalités publiques est devenue la norme au Liban », a dénoncé Alef dans un communiqué.

Mercredi, plusieurs dizaines d’activistes s’étaient rassemblés devant le Palais de justice de Beyrouth pour « se rendre » symboliquement aux autorités. Ils entendaient dénoncer par ce geste les menaces de poursuites lancées par le parquet.


Les réactions indignées de la société civile se multiplient depuis que le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate a annoncé lundi que les auteurs d’atteintes à la personne du président de la République seraient poursuivis en justice. Des militants de tous bords considèrent que cette mesure constitue une atteinte flagrante à la liberté d’expression, surtout...

commentaires (2)

"Le code pénal libanais est calqué sur le code pénal français datant de la révolution" française. Il semble que cela ne soit pas dans l'intérêt des personnes au pouvoir de le moderniser et le mettre au niveau d'un pays qui se veut moderne et libéral. L'indépendance de la justice doit être respectée. Qui donne les ordres pour qu'untel soit inculpé et l'autre pas? Celui qui donne ce genre d'ordres doit être à son tour inculpé et condamné.

TrucMuche

14 h 43, le 19 juin 2020

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Commentaires (2)

  • "Le code pénal libanais est calqué sur le code pénal français datant de la révolution" française. Il semble que cela ne soit pas dans l'intérêt des personnes au pouvoir de le moderniser et le mettre au niveau d'un pays qui se veut moderne et libéral. L'indépendance de la justice doit être respectée. Qui donne les ordres pour qu'untel soit inculpé et l'autre pas? Celui qui donne ce genre d'ordres doit être à son tour inculpé et condamné.

    TrucMuche

    14 h 43, le 19 juin 2020

  • Je ne suis pas juriste, mais il me semble que qund des articles du code pénal qui interdisent de porter atteinte à la personne du chef de l’État, se trouvent en contradiction avec la Constitution qui.garantit la liberté d’expression, ce doit être la Constitution qui prime.

    Yves Prevost

    07 h 13, le 19 juin 2020

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