Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, affirme s'être "peut-être trompé" en soutenant l'accession de Michel Aoun à la présidence de la République en 2016. Il a tenu des propos en ce sens dans un entretien publié jeudi par le quotidien koweïtien al-Qabas.
A l'orée de l'élection présidentielle, le leader des FL avait conclu avec le Courant patriotique libre - fondé par M. Aoun et dirigé aujourd'hui par Gebran Bassil -l'accord dit de Meerab pour soutenir l'élection de ce dernier à la tête de l'Etat, deux ans après la fin du mandat de Michel Sleiman. Mais après cette élection, les relations entre les deux rivaux chrétiens historiques se sont à nouveau largement déteriorées.
"A première vue, on peut considérer que l'accord de Meerab a fait plus de mal que de bien aux Forces libanaises. Mais là se pose la question suivante : quel autre choix avions-nous ? Le consensus (entre les FL et le CPL) ou le maintien du vide à la présidence. Nous pensions alors - et nous nous sommes peut-être trompés - que l'élection du général était meilleure que le vide. Je le dis, nous nous sommes peut-être trompés, mais dans ce genre de circonstances, il est difficile d'évaluer les choses avec précision. Mais nous n'étions qu'en face de deux choix", déclare M. Geagea.
Le député de Zghorta, Tony Frangié, fils du chef des Marada Sleiman Frangié qui avait présenté sa candidature à la présidentielle de 2016, a réagi aux propos de M. Geagea. "Bonjour docteur. Il est certain que vous vous êtes trompés", a-t-il écrit sur Twitter.
Le Liban traverse aujourd'hui sa plus grave crise économique, financière et monétaire en 30 ans. Les opposants au gouvernement, dont les FL font partie, critiquent vertement le sexennat de Michel Aoun. Certains activistes du mouvement de contestation appellent même à sa démission. "Certains chrétiens considèrent qu'une destitution du président est un tabou, au vu des craintes qu'elle susciterait et des sensibilités historiques. Nous ne demandons pas sa démission, mais nous nous y opposons pas", affirme le chef des FL. "Quelle serait l’alternative ? Si nous changeons de président, la situation sera-t-elle meilleure ? Le problème réside dans l'équipe qui gouverne vraiment, à savoir le camp de Gebran Bassil et le Hezbollah", a-t-il ajouté.
Dans ce long entretien, Samir Geagea critique sévèrement le parti chiite "qui est au centre de la crise que traverse le pays". "L'attitude du Hezbollah à l'égard des amis arabes du Liban a provoqué la rupture de cette relation vitale. Mais plus important que cela, c'est la façon dont il détruit le jeu politique intérieur qui pose problème. Pour prendre le contrôle de la scène interne, il s'est allié avec les plus corrompus des corrompus, il a passé outre à leurs agissements et les a accompagnés. Sans ses alliés, il devient minoritaire. Ces gens-là ont assuré leurs intérêts avec lui, et lui, en retour, leur a donné une majorité", estime le leader des FL dans une allusion au bloc Liban fort dont le CPL est la principale composante. Et de conclure : "Cette alliance nécrose l'Etat et lui porte atteinte".
Interrogé sur les conséquences de la loi César sur le Liban, M. Geagea a déclaré que le pays "ne pouvait plus supporter les aventures répondant aux intérêts de parties étrangères". "L'important est que le gouvernement mette fin à la fuite des dollars en Syrie, qui va croître avec l'entrée en vigueur de la loi César". Cette loi, entrée en vigueur mercredi, prévoit d’interdire d’entrée aux Etats-Unis et de barrer l’accès au système financier américain à toute personne, institution ou entreprise qui ferait obstacle à la paix en Syrie, ou qui faciliterait logistiquement l’effort de guerre de Damas.
Commentant dans ce cadre la volonté du Hezbollah de soutenir le président syrien Bachar el-Assad contre les répercussions de cette loi, le chef des FL a appelé le parti chiite à "nous sauver avant d'aller sauver les autres". "Le Hezbollah sait que son parrain (l'Iran) souffre aussi de la crise économique", a-t-il ajouté.
Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, militairement engagé auprès de Damas, a accusé mardi la loi César d'avoir pour objectif d'"affamer la Syrie". Il a estimé que "la Syrie constitue le seul corridor terrestre pour le pays du Cèdre, tant sur le plan économique que commercial". "Je demande au gouvernement de ne pas nous soumettre à la loi César qui cherche à affamer le Liban et la Syrie", a-t-il lancé, alors que certaines exportations libanaises transitent par la Syrie, en route pour les marchés arabes.
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Si Frangié pense que son élection éventuelle allait arranger la situation, il n'est pas mieux que Aoun, et on aurait eu le même résultat. N'oublions pas qu'après 2ans et demi de stagnation politique, l'élection de Aoun a été perçue positivement par beaucoup de libanais, qui espéraient une sortie de crise. Mais, la suite était catastrophique. On s'était trompé.
Esber
17 h 16, le 19 juin 2020