Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a appelé le gouvernement libanais à refuser de se soumettre à la loi César, inspirée par un lanceur d'alerte syrien et promulguée fin 2019 par le président américain Donald Trump, et qui entre en vigueur dès demain, affirmant qu'elle a pour objectif d'"affamer le Liban et la Syrie".
Le "Caesar Act" prévoit notamment le gel de l'aide à la reconstruction et des sanctions contre le pouvoir de Damas ou des entreprises collaborant avec celui-ci, tant que les auteurs d'atrocités n'auront pas été traduits en justice. Il vise aussi des entités russes et iraniennes qui travaillent avec lui. César est le pseudonyme d'un ex-photographe de la police militaire syrienne qui a fait défection en 2013 en emportant 55.000 images illustrant la brutalité et les abus dans les prisons syriennes.
Hassan Nasrallah a aussi souligné que les États-Unis étaient les principaux responsables du "complot" de l'envolée du dollar face à la livre libanaise, qui a déclenché des manifestations tendues ces derniers jours émaillées par des actes de vandalisme et des tensions confessionnelles, dont il se défend de toute responsabilité.
"La Syrie a remporté la guerre (...) sur le plan militaire, sécuritaire et politique. Cette loi destinée à resserrer l'étau autour de Damas est la dernière arme des Américains pour assiéger la Syrie et faire pression sur le pays. Interdiction à quiconque d'avoir affaire (à la Syrie), interdiction d'acheter et de vendre, d'avoir affaire à la Banque centrale, aux banques syriennes et aux institutions étatiques", a-t-il énuméré. "On affame le peuple syrien, on porte atteinte à la livre" syrienne, a-t-il poursuivi. Les alliés de la Syrie, qui se sont tenus à ses côtés, ne l'abandonneront pas dans cette guerre économique, et n'autoriseront pas sa chute, même si eux-mêmes connaissent des circonstances difficiles", a poursuivi Hassan Nasrallah. "Cette loi ne vise pas le régime syrien, mais son peuple", a-t-il dit.
Sur les conséquences de cette loi sur le Liban, le chef du Hezbollah a estimé que "la Syrie constitue le seul corridor terrestre pour le pays du Cèdre, tant sur le plan économique que commercial". "Je demande au gouvernement de ne pas nous soumettre à la loi César qui cherche à affamer le Liban et la Syrie", a-t-il conclu, alors que certaines exportations libanaises transitent par la Syrie, en route pour les marchés arabes.
"Complot contre le Liban"
Le chef du Hezbollah a également évoqué le dossier de l'envolée du dollar face à la livre libanaise. "Tout le monde connaît la loi de l'offre et de la demande. Le problème est dans la faiblesse de l'offre. Des informations confirmés indiquent que les États-Unis interdisent la livraison de dollars au Liban en quantité suffisante, sous prétexte que le Hezbollah achète des dollars pour les transférer en Syrie ou en Iran. J'ai déjà affirmé que cela était faux. L'affaire du dollar est un complot contre le Liban", a déclaré Hassan lors d'une allocution télévisée.
"Oui, certains ont fait sortir des dollars du Liban, mais pas en Syrie ou en Iran. Une banque, bénéficiant de protections politiques, a transféré des millions de dollars du Liban, mais pas en Syrie ni en Iran. De septembre à février, 20 milliards de dollars ont été sortis du Liban, mais pas en Syrie ni en Iran. Le problème est beaucoup plus vaste que l'affaire de quelques changeurs. Ceci est un écran de fumée", a-t-il souligné.
Face à la demande de dollar, Hassan Nasrallah propose d'autres alternatives. "Le peuple libanais ne peut pas continuer à attendre les Américains. Il faut abaisser les besoins du pays en dollars. Ne peut-on pas trouver un pays, comme l'Iran, pour vendre à l’État libanais des hydrocarbures sans avoir à payer en dollars, mais en livres libanaises ? Pour cela, les Libanais doivent d'abord accepter cette possibilité. Peut-on proposer d'échanger avec d'autres pays nos produits sans avoir à utiliser des dollars ?", s'est-il interrogé, affirmant que la Chine était prête à investir au Liban, notamment dans les infrastructures routières.
"Les Américains ne cherchent pas l'intérêt du Liban. Ils suivent leurs propres intérêts, et celui d'Israël. Les Américains ne sanctionnent pas le Hezbollah, mais le peuple libanais", a-t-il lancé, promettant de ne pas laisser le pays "tomber dans la famine".
"On ne doit pas jeter de l'huile sur le feu"
La semaine dernière, la diffusion sur les réseaux sociaux de rumeurs sur la chute de la monnaie nationale face au dollar avait provoqué trois jours de manifestations tendues dans un pays en plein naufrage économique. Ces protestations ont dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre et des actes de vandalisme, notamment à Beyrouth et Tripoli, où les forces de sécurité ont parfois eu recours à des tirs de gaz lacrymogènes voire de balles en caoutchouc, contre des manifestants qui ont lancé des pierres et saccagé banques et commerces. Plusieurs dizaines de blessés ont été rapportés.
Le 6 juin dernier, de très fortes tensions communautaires avaient éclaté entre les jeunes de différents quartiers sunnites et chiites, après des insultes proférées contre Aïcha, la troisième épouse du Prophète, vénérée par les sunnites en marge de manifestations contre le pouvoir.
"Dès le début de la contestation, j'ai dénoncé ce type de débordements. Ces agissements divisent et éloignent les gens des protestataires. Notre responsabilité à tous est de ne pas permettre que le pays tombe dans le chaos ou dans la discorde", a affirmé le chef du Hezbollah, dénonçant les "armées électroniques" sur les réseaux sociaux et les médias. "On ne doit pas jeter de l'huile sur le feu. Nous ferons tout pour éviter la réinstauration de lignes de démarcation dans le pays", a-t-il ajouté, appelant au calme, à l'apaisement des tensions et à la responsabilité de tous.
"On a accusé le Hezbollah et le mouvement Amal d'être derrière les actes de vandalisme à Beyrouth et Tripoli. Cette insistance à vouloir faire porter aux chiites la responsabilité de ces actes est inacceptable", a estimé Hassan Nasrallah, dénonçant une "campagne orchestrée" et appelant les autorités à faire la lumière sur ces actes, à identifier les responsables et à les sanctionner.
Soutien au gouvernement Diab
Par ailleurs, il a dénoncé les appels à manifester contre les armes du Hezbollah et la 1559. "Nous considérons que cette manifestation était malvenue, notamment pour le mouvement de contestation, d'autant que de nombreux protestataires du 17 octobre sont contre cela. Le vrai problème des Libanais ne sont pas les armes du Hezbollah, mais la situation économique", a dit Hassan Nasrallah.
Il a tort de faire d'une affaire monégasque , une affaire libanaise , non mais voyons !
17 h 47, le 17 juin 2020