
Des Syriens manifestent en soutien à Bachar el-Assad le 11 juin à Damas. AFP / LOUAI BESHARA
Il n’y aura pas de paix en Syrie tant que Bachar el-Assad sera au pouvoir. Pas de retour massif des réfugiés, pas de réintégration du pays dans le concert des nations, pas de réconciliation nationale. « Tant qu’il est là, rien ne va évoluer », résume un diplomate occidental. Le président syrien a gagné la guerre grâce à l’intervention de ses deux parrains, la Russie et l’Iran, mais sa survie et celle de son clan ne sont pas pour autant assurées. Plus de neuf ans après le début du conflit, les manifestations se multiplient dans la ville de Soueida, majoritairement druze et restée plutôt neutre depuis 2012, pour demander la chute du régime. Le simple fait que de telles scènes se déroulent dans des zones contrôlées par le régime, alors que ce dernier a réprimé, torturé, bombardé et gazé ceux qui ont osé le défier au cours de ces dernières années, en dit long sur la fragilité de son pouvoir. La colère qui s’exprime à Soueida pourrait s’étendre à d’autres zones sous le joug de Damas, en raison de la crise économique qui frappe le pays de plein fouet. La valeur de la livre syrienne a chuté d’environ 105 % depuis le début du mois de mai par rapport au dollar et de près de 360 % depuis juin 2019, selon un rapport de l'ONU. Environ 80 % des Syriens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Un défi majeur pour le clan Assad. Avec le risque que la population qui lui est restée fidèle tout au long du conflit se retourne désormais contre lui car elle ne parvient plus à joindre les deux bouts.
L’entrée en vigueur cette semaine de la loi César qui menace de sanctions américaines toute personne, toute entreprise ou tout État faisant des affaires avec le régime ou participant à la reconstruction du pays devrait compliquer encore un peu plus la situation pour Bachar el-Assad. Une forte pression économique sur le long terme ressemble à une épée de Damoclès au-dessus de sa tête car elle rend illusoire toute possibilité de retour à « la normale » et donne du crédit à l’hypothèse d’un effondrement de l’État.
Élection en 2021
Enterrer trop vite un régime qui a montré, au cours de ces dernières années, qu’il était prêt à tout pour survivre serait toutefois une erreur. Il est loin d’être exclu que le clan Assad se maintienne au pouvoir pendant encore de longues années, malgré un climat qui lui serait particulièrement hostile. La pression économique suffit rarement à faire plier un régime dictatorial, la Corée du Nord en est le meilleur exemple. « La situation peut se dégrader durablement, mais une fois que le peuple a faim, qu’est-ce qu’il peut faire ? » note le diplomate occidental. L’appareil sécuritaire a résisté à neuf ans de guerre. Tant qu’il se montre loyal au pouvoir, sa capacité de répression pourrait suffire à faire taire les voix contestataires. Autre argument en faveur de la survie d’Assad : aucune personnalité, du côté du régime comme de l’opposition, n’a émergé au cours de ces dernières années, le président s’étant assuré qu’aucune tête ne dépasse à part la sienne. Le milliardaire et cousin du président, Rami Makhlouf, en sait quelque chose. L’homme d’affaires se pensait sans doute intouchable et s’est pourtant retrouvé hors du circuit en quelques semaines.
À moins que l’appareil sécuritaire décide de se retourner contre le pouvoir – ce qui apparaît peu probable dans le contexte syrien –, ce dernier semble avoir les moyens de sa survie. Sauf que celle-ci n’est pas réellement entre ses mains. En fin de compte, c’est à Moscou et, dans une moindre mesure, à Téhéran que se décide le sort de Bachar el-Assad. Les Iraniens ne le lâcheront certainement pas, mais ils sont de plus en plus affaiblis en Syrie. Pour les Russes, la réponse est moins évidente. Moscou met en scène son manque de considération pour le président syrien, mais n’a jamais pris concrètement ses distances avec lui. Les articles critiques envers Assad publiés au mois d’avril par plusieurs médias proches de Vladimir Poutine pourraient témoigner d’un certain agacement du côté du Kremlin. Mais de là à y voir un changement de ligne, mieux vaut rester prudent.
L’enjeu dépasse largement la Syrie. Moscou ne voudra sans doute pas donner l’impression qu’il est prêt à abandonner ses alliés. L’élection présidentielle à venir, en 2021, pourrait toutefois lui offrir une opportunité : si le peuple gronde, il pourra faire en sorte qu’Assad ne se représente pas ou qu’il soit défait par un autre candidat de son choix. C’est de la pure spéculation. Mais ce scénario aurait pour la Russie le mérite de se débarrasser d’un personnage encombrant sans pour autant être accusée de l’avoir laissé tomber. L’hypothèse suppose toutefois en amont d’avoir largement limité l’influence des Iraniens, de trouver un candidat crédible d’ici là et de faire en sorte que le régime, que les Russes veulent préserver, puisse survivre sans Assad. Aucune de ces trois conditions ne paraît remplie aujourd’hui.
Il n’y aura pas de paix en Syrie tant que Bachar el-Assad sera au pouvoir. Pas de retour massif des réfugiés, pas de réintégration du pays dans le concert des nations, pas de réconciliation nationale. « Tant qu’il est là, rien ne va évoluer », résume un diplomate occidental. Le président syrien a gagné la guerre grâce à l’intervention de ses deux parrains, la Russie...
commentaires (7)
C,EST FINI. LE GLAS SONNE A PLEINE PUISSANCE.
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 54, le 16 juin 2020