Quand une initiative privée vole au secours d’hôpitaux publics

Au pic de la propagation de la pandémie du Covid-19 en mars dernier, et en parallèle aux efforts déployés par le ministère de la Santé pour préparer au mieux les hôpitaux gouvernementaux, une initiative privée a permis l’achat de 100 respirateurs et de voler au secours de 24 structures hospitalières à travers le territoire. Lina Oueidate, docteure en génie biomédical et en télécommunication, conseillère à la présidence du Conseil des ministres, professeure à l’Université libanaise et, accessoirement, épouse du procureur général Ghassan Oueidate, s’est mobilisée pour assister les hôpitaux publics confrontés à une crise sans précédent. C’est en apprenant le drame vécu en Italie par les médecins qui devaient choisir quels patients intuber au détriment d’autres qu’elle réalise les conséquences tragiques pour le Liban d’un manque de respirateurs. Une problématique à laquelle Mme Oueidate a été d’autant plus sensibilisée que son père est décédé il y a quelques années dans une ambulance non équipée d’un respirateur.Le désir de Mme Oueidate semblait pourtant difficile à réaliser dans un contexte local marqué par un manque de moyens financiers de l’État et dans une conjoncture internationale interdisant l’exportation de respirateurs. Déterminée, la spécialiste décide de foncer. En 48 heures, elle établit une étude détaillant les besoins des hôpitaux publics en respirateurs mais aussi en équipements spécifiques permettant leur installation. « Sans plan précis, aucune démarche ne peut aboutir », estime-t-elle, soutenant qu’« une feuille de route concrète accroît la crédibilité ». Outre l’évaluation des besoins en respirateurs, l’étude de Lina Oueidate concerne des travaux effectués dans quelques établissements hospitaliers pour permettre aux patients du Covid-19 d’être soignés sans risquer de contaminer d’autres malades. « Il fallait étudier l’aménagement de salles de soins intensifs, ainsi que celles de chambres à pression négative propres à empêcher le virus de sortir vers l’extérieur », précise-t-elle, indiquant avoir également préparé les dossiers techniques, les appels d’offres ainsi que les contrats avec des fournisseurs internationaux. Aussitôt mis sur pied, le plan est communiqué au Premier ministre Hassane Diab et au ministre de la Santé, Hamad Hassan, qui le valident. Des contacts auprès de divers bailleurs de fonds sont lancés, mais c’est l’Association des banques du Liban (ABL) qui répond à l’appel. Pour plus de transparence, Mme Oueidate n’a pas voulu recueillir elle-même la somme allouée de 6,5 millions de dollars, demandant à l’ABL de conclure directement les contrats avec les industriels et fournisseurs étrangers. Avec la coopération du ministre des Affaires étrangères, Nassif Hitti, qui lui a procuré une solide aide logistique, elle s’active auprès des ambassades allemande, américaine, japonaise et française pour persuader leurs gouvernements respectifs de lever l’interdiction d’exporter des respirateurs. Mme Oueidate a dû agir vite pour réserver le quota nécessaire dans ces équipements convoités à l’international.

En parallèle à l’acheminement des respirateurs vers les 24 hôpitaux publics, Mme Oueidate suit de manière bénévole l’exécution des travaux de réhabilitation d’une partie de ces établissements. Des entrepreneurs connaissant les plans des établissements hospitaliers ont été choisis pour les prendre en charge. Résultat : les chantiers ont été achevés en l’espace d’un mois, permettant aux hôpitaux de recevoir des malades du Covid-19 ainsi que d’autres patients grâce à l’installation de lits et d’appareils de radiographie et d’endoscopie.