Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a chargé samedi le Haut comité de secours d'enquêter sur les actes de vandalisme qui se sont déroulés ces derniers jours en plusieurs points du territoire, lors de manifestations anti-pouvoir qui ont dégénéré en violence, sur fond de crise économique et de forte dévaluation de la livre libanaise. Le chef du gouvernement a condamné ces actes, appelant à protéger les biens publics et privés, au lendemain d'une nouvelle nuit de violences à Beyrouth et Tripoli.
Selon un communiqué du bureau de presse de la présidence du Conseil, "Hassan Diab a chargé le secrétaire général du Haut comité de secours, le général Mohammad Kheir, de mener une enquête sur le terrain concernant les dommages causés aux propriétés commerciales, publiques et privées. Le Premier ministre a contacté les chefs des services militaires et de sécurité afin qu'ils prennent les mesures appropriées visant à mettre fin aux attaques suspectes contre des propriétés publiques et privées dans le centre-ville de Beyrouth". "Le Premier ministre a insisté sur le fait que ce qui s'est passé est totalement inacceptable (...), soulignant la nécessité de prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger les biens des personnes et des institutions, et de réprimer toute opération de sabotage", conclut le communiqué. Le général Kheir s'est aussitôt rendu dans le centre-ville de la capitale afin d'inspecter les dégâts.
Dans ce contexte, Hassane Diab doit s'adresser aux Libanais ce soir à 18h, afin d'aborder "les derniers développements", selon son bureau de presse.
De son côté, le ministre de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, a promis que les responsables d'actes de vandalisme seront poursuivis. "Ayant souligné à plusieurs reprises que nous protégerons les manifestants pacifiques et réprimerons les émeutiers et les infiltrés, les forces de sécurité vont oeuvrer à poursuivre les fauteurs de trouble et ceux qui se sont livrés à des actes de vandalisme visant les biens privés et publics dans le coeur de Beyrouth. Ces fauteurs de troubles seront livrés à la justice", a écrit M. Fahmi sur Twitter. "Ce que nous avons vu hier à Beyrouth et dans d'autres régions ce sont des actes haineux, malveillants, répréhensibles et inacceptables", a-t-il ajouté.
Une cinquantaine de blessés
Vendredi soir, de nouvelles manifestations ont dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre et en actes de vandalisme, notamment dans le centre-ville de Beyrouth et à Tripoli. Dans la capitale du Liban-Nord, les violences nocturnes ont fait une cinquantaine de blessés dont six militaires. Selon la chambre d'opérations du Secours islamique, les affrontements qui ont opposé des manifestants aux soldats libanais sur la place al-Nour et les quartiers voisins ont fait plus de 49 blessés, dont six militaires. Ces personnes souffraient de suffocation ou de blessures et contusions. La plupart des cas ont été traités sur place, alors que d'autres ont été hospitalisés. Le calme est toutefois revenu au petit matin et la circulation restait faible samedi.
"Nous ne resterons pas les bras croisés"
Réagissant aux actes de vandalisme à Beyrouth, l'ancien Premier ministre Saad Hariri, qui critique sans cesse ces derniers jours le pouvoir, a dénoncé ceux qui ont commis les actes de violence, affirmant qu'ils ne représentent pas "la révolution". "Ceux qui ont organisé et perpétré les actes de vandalisme à Beyrouth ne partagent aucun des objectifs ou des valeurs de la révolution, a déclaré M. Hariri. Il s'agit de groupes qui se laissent piéger par le plan maudit de la sédition. Aux jeunes de la révolution je dis : ces attaques visent à retourner l'opinion publique contre les mouvements populaires et à court-circuiter les appels aux rassemblements. Faites attention aux infiltrés dans vos rangs et ceux qui accaparent vos revendications. Aux gens au pouvoir et aux sponsors des hommes à motos (allusion aux partisans du Hezbollah et du mouvement Amal, NDLR) je dis: Beyrouth n'est le défouloir de personne. Ne forcez pas les habitants à protéger leurs biens par leurs propres moyens. Cela est votre responsabilité. Nous ne resterons pas les bras croisés face au saccage de la capitale". Saad Hariri a effectué une tournée en journée, auprès de ces commerces vandalisés dans le centre-ville de Beyrouth, avant de se recueillir, quelques mètres plus loin, devant la tombe de son père, l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, assassiné le 14 février 2005 dans un attentat à la bombe.
Après sa tournée dans Beyrouth, M. Hariri a réagi sur ce qu'il s'est passé à Tripoli. "Ce que subit Tripoli la bien-aimée en termes de vandalisme et d'atteintes aux moyens de subsistance de ses habitants n'est pas différent de ce qui se passe à Beyrouth", a écrit le leader du Futur sur son compte Twitter. "L’État est appelé à prendre ses responsabilités, comme à Beyrouth et dans tout le Liban", a-t-il ajouté.
"Pourquoi s'en prendre à Beyrouth, la ville de la pensée, de la diversité, de l'écriture, du théâtre et de la musique, le Beyrouth de la convergence et du dialogue, de la résistance et des révolutions, Beyrouth le refuge des opprimés, et le carrefour des civilisations ?", s'est interrogé le leader druze Walid Joumblatt, dans une ode à la capitale libanaise.
Le mufti de la République, le cheikh Abdel Latif Deriane, a également condamné les actes de violence de vendredi soir à Beyrouth. "Les casseurs à Beyrouth doivent être arrêtés et déférés devant la justice afin qu'ils soient punis et pour qu'ils servent de leçon aux autres", a estimé le cheikh Deriane, la plus haute instance sunnite du pays. Il a également affirmé que "l'Etat assume la responsabilité de ce qui s'est passé dans le centre-ville", appelant à "protéger les biens des gens".
La crise économique au Liban est la plus grave depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le chômage touche plus de 35% de la population active et plus de 45% vit sous le seuil de pauvreté, selon le ministère des Finances. La dépréciation de la monnaie locale a entraîné une explosion de l'inflation. Le 17 octobre 2019, une révolte populaire sans précédent avait éclaté, réclamant la chute du pouvoir. Cette crise a été exacerbée par la pandémie du coronavirus. Dans ce contexte, le gouvernement a élaboré fin avril un plan de redressement sur la base duquel il négocie une aide financière avec le Fonds monétaire international. Pour le centre de réflexion International Crisis Group (ICG), le Liban a besoin d'une aide internationale pour sortir de la crise, mais celle-ci est conditionnée par l'adoption de réformes longtemps ignorées par la classe politique. Pour tenter de juguler cette crise, les autorités ont décidé vendredi, à l'issue de deux réunions du Conseil des ministres, d'injecter des dollars sur le marché afin de tenter d'enrayer la chute de la livre. Elles ont également prévu une série de mesures censées stabiliser les marchés.
commentaires (7)
Actes de vandalisme... violences à Beyrouth et à Tripoli... sponsors des hommes à motos... des employées de maison de nationalité éthiopienne meurent noyées à Nabathié... Mais à part ça, tout va très bien Madame la Marquise !
Un Libanais
21 h 08, le 14 juin 2020