Depuis quelques semaines, une information intitulée « comment les Italiens ont désobéi à l’OMS et découvert les secrets du coronavirus » est massivement relayée sur les réseaux sociaux, principalement via l’application WhatsApp. Selon cette « information », qui vise à décrédibiliser l’Organisation mondiale de la santé, « le coronavirus n’est pas un virus » et « la pandémie » de Covid-19 a été créée dans le but de « vacciner chaque être humain, d’assassiner un grand nombre de personnes, de contrôler la vie sur terre et de réduire la population mondiale ». Un cas de « complotite » aiguë, en somme.
Toujours selon le message, les médecins italiens « ont enfreint la loi (sic) de l’OMS qui aurait interdit les autopsies des personnes décédées des suites du Covid-19 ». Ils ont ainsi découvert « que ce n’est pas un virus, mais une bactérie qui provoque le décès », ainsi que « des caillots sanguins ».
Les auteurs de cette intox affirment que l’Italie a vaincu le Covid-19, qui n’est autre qu’une « coagulation intravasculaire disséminée (thrombose) » et que le traitement consiste à administrer des « antibiotiques, des anti-inflammatoires et des anticoagulants ». Plus encore, selon des pathologistes italiens, « les ventilateurs et les unités de soins intensifs n’ont jamais été une nécessité ». Et toujours d’après cette intox, « les Chinois le savaient, mais n’ont pas rapporté l’information pour faire du business ».
Les auteurs appellent toute personne qui reçoit ce message à le partager massivement avec son entourage : si quelqu’un attrape le Covid-19 « qui n’est pas un virus, comme ils nous l’ont fait croire, mais une bactérie amplifiée par les radiations électromagnétiques du réseau 5G qui entraînent aussi des inflammations et une hypoxie », tout ce qu’il a à faire, « c’est de prendre 100 mg d’aspirine, d’Apronax ou du paracétamol, parce qu’il a été démontré que le coronavirus entraîne des caillots sanguins qui provoquent des thromboses ». Selon le message, le ministère italien de la Santé a « immédiatement » changé de protocole et commencé à administrer aux patients testés positifs de l’aspirine et de l’Apronax. L’état de santé de ces patients s’est amélioré et ils ont guéri. Une approche qui a permis au ministère de « renvoyer chez eux 14 000 patients en un seul jour », peut-on encore lire dans cette intox pour le moins dense et élaborée.
En conclusion, d’après cette intox, l’OMS sera poursuivie en justice à l’échelle mondiale pour avoir couvert tant de décès et entraîné l’effondrement des économies de plusieurs pays.
Flots d’inepties
Ce message est un amalgame d’informations mêlant peu d’éléments avérés à un flot d’inepties. Rima Moghnieh, spécialiste en maladies infectieuses, rappelle que le Covid-19 est « une maladie causée par un virus, le SARS-CoV-2 ». « Mais comme dans toute infection virale, surtout pulmonaire, une surinfection bactérienne peut survenir, surtout si le patient est placé sous respirateur, explique-t-elle. Cela n’est pas spécifique au Covid-19, mais commun à toute infection virale. Des articles parus en Chine ont fait état de ces surinfections bactériennes observées chez des patients atteints de Covid-19 et mis sous respirateur. Les autopsies pratiquées en Italie n’ont fait que confirmer ce que nous savions déjà. »
Cette « infaux » a aussi mis en colère sœur Émilie Jérôme de l’enfant Jésus. Son message ci-dessus
Par ailleurs, poursuit le Dr Moghnieh, les coagulations sanguines, et par conséquent les cas de thromboses observées chez des patients atteints de Covid-19, ont été rapportées ailleurs qu’en Italie, comme aux États-Unis. « Mais cela ne veut pas dire que la maladie n’est pas due à un virus, insiste-t-elle. Les surinfections bactériennes et les embolies ou thromboses sont des complications de cette infection virale. Ces données avaient permis aux spécialistes dans de nombreux pays, comme le Liban, l’Italie, les États-Unis et la Chine, de modifier le protocole de prise en charge des patients atteints de Covid-19 en incluant des anticoagulants et des antibiotiques, bien évidemment lorsque cela s’avère nécessaire. L’aspirine fait donc partie du traitement, mais n’est pas le traitement. D’autres médicaments sont nécessaires. Il n’en reste pas moins que le port de masques, la distanciation et l’hygiène des mains restent de mise pour lutter contre la propagation du virus. »
En ce qui concerne l’admission des patients dans les unités de soins intensifs et le recours à la ventilation, le Dr Moghnieh souligne qu’au début de l’épidémie, « les médecins chinois avaient tendance à mettre le patient directement sous respirateur ». « En comprenant mieux la maladie, on a décidé de ne recourir à la ventilation que lorsque le patient est en détresse respiratoire, parce que le Covid-19 n’est pas un syndrome de détresse respiratoire aiguë, comme on le pensait », constate-t-elle.
Scénario hollywoodien
Quid du vaccin ? Le Dr Moghnieh rappelle qu’il existe dans le monde des mouvements qui continuent à combattre la vaccination. Des mouvements dont les membres associent le vaccin à la survenue de certaines maladies. « Ces mouvements avaient ainsi associé, à titre d’exemple, le vaccin de la rougeole à l’autisme chez l’enfant, signale-t-elle. Or les études menées à l’échelle mondiale ont montré que ce vaccin n’est pas nocif. On constate le même phénomène avec le vaccin contre le Covid-19. Des groupes en Europe centrale et dans les Balkans mènent campagne contre le vaccin en disant qu’il sera développé dans un but commercial et qu’à la faveur de ce vaccin, on va implanter des puces pour surveiller les gens, les contrôler et les tuer. C’est un pur scénario hollywoodien. Les gens meurent du SARS-CoV-2 et le vaccin est la solution à cette pandémie. La planète entière attend qu’il soit développé. Il y a des pistes prometteuses dans ce sens, mais un long travail est encore nécessaire. »
Se penchant sur la cinquième génération de téléphonie mobile (5G), le Dr Moghnieh note que « son installation dans le monde a coïncidé avec le début de la pandémie, ce qui a poussé certaines personnes à établir un lien entre cette technologie et la multiplication du virus ». « La 5G n’a aucun effet sur le SARS-CoV-2, affirme-t-elle. Les virus sont biologiques. Ils se trouvent dans la nature et les infections virales ont toujours existé. La grippe espagnole avait fait plus d’un million de morts dans les années 1918-1919, alors que la téléphonie mobile n’existait même pas. »
Ce contenu s'inscrit dans le projet Qarib qui vise à renforcer la cohésion sociale et à rapprocher médias et citoyens au Proche-Orient. Il a été produit avec le soutien de CFI, Agence de développement média, et de l’AFD, Agence Française de Développement.
Bravo Dr. Moghnieh, félicitations
18 h 05, le 05 juin 2020