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Politique - Justice

Une plainte déposée contre Jamil Sayyed pour « incitation au meurtre »

« Tirez à partir de votre fenêtre sur ceux qui viennent vous insulter », avait recommandé le député aux responsables politiques qui font l’objet de sit-in devant leurs domiciles, provoquant une plainte judiciaire portée contre lui par des avocats activistes.

Jamil Sayyed estime que les contestataires qui se rassemblent devant les domiciles des responsables portent atteinte à leur dignité. Photo d’archives L’Orient-Le Jour

Quatre avocats activistes ont déposé hier une plainte contre Jamil Sayyed, ancien directeur général de la Sûreté générale à l’époque de la tutelle syrienne, sur base des propos violents qu’il avait lancés mercredi, lors d’une conférence de presse tenue au siège du Parlement. Le député avait recommandé à toute personnalité qui ferait l’objet d’insultes proférées par un manifestant de… tirer en sa direction.

« Face à un individu qui vous lance des propos déviants devant votre maison pendant que vos enfants s’y trouvent, tirez en sa direction à partir de votre fenêtre. Je suis responsable de mes propos, d’autant qu’il n’a pas le droit de se rendre chez vous », avait fulminé Jamil Sayyed, en frappant sur son pupitre.

Le soir même, le député s’était adressé via son compte Twitter à ceux qui « ont été dérangés » par ses propos : « Il vous est permis de dire ce que vous voulez sur les places et les réseaux sociaux, mais vous n’êtes pas autorisés à venir proférer des insultes sous nos fenêtres (…). La loi de la jungle n’est pas plus forte que quiconque. » Loin de se rétracter, le député est revenu à la charge hier en matinée. « Les propos que j’ai tenus hier (mercredi) visaient chaque voyou qui vient sous ma fenêtre pour porter atteinte à ma dignité et à celle de ma famille. Mes paroles sont intentionnelles ; il ne s’agit pas d’une erreur d’expression. » Ce sont Wassef Haraké, Hani Ahmadiyé, Jad Tohmé et Ali Abbas qui, se sentant ciblés par les menaces de M. Sayyed en tant que citoyens contestataires, ont déposé hier en début de matinée une plainte devant le parquet de cassation. « Nous avons opté pour la plainte et non la dénonciation parce que nous avons qualité à nous porter partie civile, les menaces de Jamil Sayyed mettant nos propres vies en danger », avance Ali Abbas, qui avec ses confrères participe régulièrement aux sit-in organisés devant les résidences des responsables. « Il s’agit d’une incitation au meurtre de manifestants exerçant leurs droits civiques consacrés par la Constitution », martèle Me Abbas, soulignant que le tweet de Jamil Sayyed dans lequel ce dernier confirme sa déclaration de la veille « a été posté après le dépôt de la plainte, ce qui montre que les menaces sont effectives et réelles ». L’avocat ajoute que la plainte a été présentée rapidement pour que M. Sayyed « ne puisse se prévaloir de son immunité parlementaire, laquelle ne joue que 24 heures après les actes reprochés ». « Le flagrant délit ne nécessite pas une levée d’immunité », explique-t-il, précisant que « la justice peut dans ces conditions immédiatement entamer son enquête sans demander au Parlement d’accorder l’autorisation de poursuites judiciaires ». « Nous appelons à une justice équitable, transparente et indépendante », dit-il, souhaitant qu’en dépit de son influence politique, M. Sayyed soit convoqué à l’instar de tout citoyen qui commettrait un délit similaire. Les avocats ont voulu donner à leur plainte le maximum de chance d’avoir une suite, en la présentant directement au parquet de cassation plutôt que devant les parquets d’appel, qui selon eux « ont peur » d’enregistrer une plainte en rapport avec une personnalité influente. Hier, le procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate n’était pas joignable. C’est son substitut, l’avocat général Ghassan Khoury, qui a recueilli la requête. Pour suivre son parcours judiciaire, celle-ci devra d’abord faire l’objet d’une confirmation, à travers une déposition que les avocats comptent présenter aujourd’hui.

Considération politique

Ali Abbas estime que si le parquet de cassation décide d’engager des poursuites, le dossier sera déféré à un procureur d’appel plutôt qu’à un commissariat de police, vu le statut de M. Sayyed. Il souhaite que le magistrat utilise sa prérogative de convoquer ce dernier, « à l’écart de toute considération politique », estimant que « tout citoyen, quelle que soit sa position, doit rendre des comptes ».

Outre l’obstacle politique, la plainte peut être entravée pour des raisons juridiques qui couvriraient d’ailleurs une volonté politique de ne pas s’aventurer dans ce dossier. Interrogé par L’OLJ, un ancien député ayant une solide formation juridique affirme que les propos « ignominieux » de Jamil Sayyed n’impliquent pas pour autant que l’action soit recevable. Selon lui, le juge pourrait décider que les requérants n’ont pas un intérêt direct et n’ont donc pas qualité à ester en justice. « Pour intenter une action, il faut qu’un justiciable soit personnellement concerné et lésé. Or le juge en charge du dossier pourrait décider que les menaces contre une tranche de la population ne concernent pas des personnes déterminées », note-t-il. Une autre question est de savoir si les propos lancés par Jamil Sayyed vont être considérés par le juge comme faisant partie ou non de la liberté d’expression d’un parlementaire, protégée par la Constitution. Le juriste rappelle que le texte suprême dispose qu’aucun parlementaire « ne peut être poursuivi pour des opinions émises pendant la durée de son mandat », affirmant qu’il s’agit d’une « liberté d’ordre public face à laquelle le Parlement ne peut jamais lever l’immunité d’un député ».

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Les menaces verbales, même non concrétisées par des actes, constituent-elles ou non des « opinions » ? Telle est la question que devra trancher la justice. « Si le juge estime que les faits reprochés à M. Sayyed sont des infractions à la loi pénale, le député serait toutefois susceptible de poursuites. Encore faut-il que pour ces délits pénaux, le juge demande la levée de l’immunité », poursuit le spécialiste, faisant observer cependant que « dans ce cas précis de flagrant délit, les poursuites peuvent être engagées d’office, sans autorisation du Parlement ». Tout montre ainsi qu’il n’est pas facile de poursuivre un responsable politique. Mais sur les réseaux sociaux, les menaces de M. Sayyed ont provoqué un véritable tollé, de nombreux activistes les stigmatisant avec indignation et véhémence. « Il n’est pas étrange que vous menaciez les manifestants, d’autant que vous êtes issus de l’école du Baas (syrien) » ; « À quoi s’attend-on d’un fils des renseignements syriens ? » ; ou encore : « Dans la loi de la jungle, vous voulez liquider par le sang toute personne qui s’oppose à vous », peut-on lire sur Twitter.

Jad Dagher, secrétaire général du parti Sabaa, a écrit pour sa part, toujours à l’adresse de M. Sayyed : « Vos propos effrontés sur les tirs ne sont pas étonnants. Nous savons (…) qui vous a désigné à vos postes et qui a fait de vous un député explosant sa colère depuis le Parlement face aux jeunes contestataires pacifiques. À vous qui incitez au crime, nous faisons assumer la responsabilité de toute balle qui sera tirée. »

Quatre avocats activistes ont déposé hier une plainte contre Jamil Sayyed, ancien directeur général de la Sûreté générale à l’époque de la tutelle syrienne, sur base des propos violents qu’il avait lancés mercredi, lors d’une conférence de presse tenue au siège du Parlement. Le député avait recommandé à toute personnalité qui ferait l’objet d’insultes proférées par...

commentaires (12)

Normal de la bouche d'un politicien libanais qui se croit au dessus de tout. La faute à qui? à nous peuple libanais qui donnons le pouvoir à ce genre d'individu. Que Dieu nous pardonne d'avoir vendu et détruit notre pays.

Achkar Carlos

18 h 19, le 05 juin 2020

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Normal de la bouche d'un politicien libanais qui se croit au dessus de tout. La faute à qui? à nous peuple libanais qui donnons le pouvoir à ce genre d'individu. Que Dieu nous pardonne d'avoir vendu et détruit notre pays.

    Achkar Carlos

    18 h 19, le 05 juin 2020

  • Il ne veut pas que "son entourage" entende la colère des libanais à son égard? Son entourage et famille seront ils, plus fiers ? lorsqu'ils réaliseront qu'il a demandé à tirer sur des civils à partir de la fenêtre ? et alors?? Si qq1 insulte, on le tue? on lui tire dessus ? Il voit trop de films de western et de cowboys sans doute.

    LE FRANCOPHONE

    15 h 41, le 05 juin 2020

  • Comment une "personnalité" pareille peut être député? Seulement au Liban! Il veut rallumer la guerre civile pour être sûr de quoi? Son immunité physique et financière à vie? Tous dehors!

    TrucMuche

    12 h 40, le 05 juin 2020

  • Il plaisantait.

    Esber

    12 h 18, le 05 juin 2020

  • Le problème du Liban c'est que beaucoup trop de politiciens sont au dessus de la loi. Il n'a par ailleurs aucune leçon à donner en matière de révolution.

    lila

    11 h 46, le 05 juin 2020

  • Tirer sur le peuple ?? Sympa de la part d'un représentant du "peuple" . En europe, ils sont démis de leurs fonctions et sont condamnés par la justice.

    LE FRANCOPHONE

    10 h 35, le 05 juin 2020

  • Je ne comprends pas : un élu de la Nation appelle des libanais à tirer contre d’autres libanais, en termes plus clairs cela s’appelle une incitation à la guerre civile. Sinon, tout citoyen qui se sent menacé, doit faire appel aux forces de l’ordre légales qui doivent le protéger. Sauf si Jamil Sayed n’a pas confiance dans les organismes de sécurité de l’Etat, dans ce cas il doit être poursuivi pour atteinte au prestige de l’Etat et à ses institutions. Dans les deux cas, le Président Berry devrait lui faire ôter son immunité parlementaire et le faire traduire en Justice pour qu’il croupisse pour de bon cette fois à Roumieh et pas dans le carré VIP mais comme un vulgaire malfrat

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 47, le 05 juin 2020

  • YALLA, un dossier de plus qui ne donnera de mal de tete a personne ! Liberte d'expression a tous les mafieux mais pas au pauvre citoyen. vue selon des magistrtas et pas des moindres(selon des normes pour moi inconneues)

    Gaby SIOUFI

    09 h 42, le 05 juin 2020

  • Comme d’habitude et bien tristement ... Beaucoup de bruit, pour rien !

    Cadige William

    09 h 29, le 05 juin 2020

  • En voilà un défenseur des corrompus ... le régime Syrien lui va si bien !!!

    Zeidan

    08 h 42, le 05 juin 2020

  • Cet hurluberlu n’aurait jamais dû être libéré de prison vu son état d’esprit

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 32, le 05 juin 2020

  • LA ROUE VA RETOURNER UN JOUR YA JAMIL...UNE QUESTION DE TEMPS "TRÈS COURT"

    Gebran Eid

    04 h 29, le 05 juin 2020

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