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Nos Lecteurs ont la Parole

D’un confinement obligatoire... à une retraite nécessaire

Cela fait plus de 50 jours que près de la moitié de la population mondiale est « confinée » pour essayer d’empêcher ou au moins de ralentir la propagation d’un virus prénommé le Covid-19 hautement transmissible et dangereux.

Les premiers jours de ce confinement obligatoire ont pu paraître pour certains comme des moments de repos, des congés, des instants qu’on recherchait en vain depuis bien longtemps pour faire des tâches repoussées de mois en mois, voire durant des années à cause d’un manque de temps permanent, un temps que l’on croyait si précieux ou plutôt dédié à d’autres priorités, que l’on estimait si vitales et cruciales.

La deuxième période a pesé plus lourd. Notre routine, quelle qu’elle soit, a commencé à nous manquer. La limitation du contact humain et l’absence de vie sociale mouvementée se sont fait sentir. On ne voulait pas croire à cette nouvelle réalité essayant de se réfugier dans un déni de cette nouvelle vie. On voulait à tout prix se réveiller de ce cauchemar incroyable, imprévisible et impensable même dans notre pire imagination ou fiction. Mais les nouvelles se rabattaient sur nous dans tous les sens et de tous les côtés : réseaux sociaux, télévision, radio, articles, journaux, magazines, web ou même « webinar » dont on ignorait l’existence quelques semaines auparavant, pour nous assurer de cette nouvelle vie.

La troisième phase a été celle de l’adaptation obligatoire. On a commencé à creuser notre place dans notre chez nous que nous ne connaissions pas assez, remplaçant nos réunions par des conférences en ligne, qui se sont multipliées de jour en jour sur des applications qu’on a très vite appris à manipuler. Se déplacer, prendre notre voiture est devenu une besogne peu appréciée… En d’autres termes, on a illustré le fameux dicton que « ce qui fait l’homme c’est sa faculté d’adaptation ».

La quatrième phase a été la plus intéressante et la plus productive, car on a commencé à se rendre compte que ce fameux confinement obligatoire était bien plus généreux qu’on ne le pensait. Il nous apprenait à aimer différemment ; à davantage profiter de moments familiaux négligés et d’une valeur inestimable ; il nous a poussés à creuser dans notre imagination pour devenir plus créatif, innovateur et même inventeur. Ce qu’on surnomme aussi « Lock-Down » nous a ouvert les esprits nous offrant le temps de lire des livres que nous n’avions pu que parcourir faute de temps, écrire, faire des recherches, contempler des grâces dont on ne se rendait pas compte, méditer, réfléchir différemment, se concentrer plus profondément ; et aussi et surtout prier et remercier le Très Haut pour sa générosité et ses dons multiples qu’on ne voit jamais assez…

C’est dans ces moments qu’on commence à mieux comprendre l’importance et la valeur des retraites spirituelles. Cet exercice qui, nous isolant du tumulte du monde, nous rapproche de Sa Vérité, celle du monde, la nôtre et celle des autres ; qui nous aide à accueillir et accepter les autres tels qu’ils sont et tels qu’ils se présentent, sans les juger. Le recueillement qui prépare à percevoir et à recevoir tous les cadeaux de la vie : nos joies, nos souffrances, nos projets, nos doutes, nos difficultés, nos questions, nos peurs…

Ces retraites aident à faire le tri dans nos pensées et nos réactions, à voir ce qui est le plus important, à discerner ce qui va dans un sens positif et ce qui va dans un sens négatif. Mais cet isolement est aussi bénéfique pour préparer des décisions, grandes ou petites, et permettent d’avancer dans des chemins plus sûrs…

Cet exercice qui consiste à se retirer du monde pour entrer davantage en soi afin de retrouver Dieu qui, comme le dit si bien saint Augustin, est « plus intime à moi-même que moi-même » (Livre des Confessions III). Ce retrait n’est pas une fuite mais un recul vis-à-vis du monde pour être davantage à l’écoute de ce qui nous mène afin de réorienter notre boussole pour être davantage à Dieu, au prochain et enfin à soi-même. Cette écoute requiert du silence afin d’aiguiser nos oreilles dans notre quête de Dieu. Au fond quelle est cette retraite sinon une quête de sens, sens de ce que nous vivons et de ce qui nous fait être ? Ainsi, notre regard sur le monde et sur notre entourage se modifie et nous sommes plus aptes à accueillir les dons de Dieu. Nos joies, nos souffrances, nos projets, nos doutes, nos difficultés, nos questions, nos peurs, etc. deviennent dans cette perspective des cadeaux qui nous poussent à aller de l’avant. Ainsi d’ennemie redoutée, la solitude devient une alliée, voire une amie.

Ces retraites sont des moments propices pour faire le tri dans nos actions et nos pensées afin de les resituer sur nos échelles de valeurs. Ce faisant, nous sommes aptes à reprendre notre bâton de pèlerin sur des routes nouvelles avec de nouveaux balisages.

Seront bien chanceux ceux qui auront su – et pu – transformer ce confinement obligatoire en une retraite spirituelle. Encore plus chanceux, ceux qui n’oublieront pas l’expérience et ses leçons et sauront sans contrainte la pratiquer régulièrement.

Père Gabriel KHAIRALLAH*

Dr Riad OBEGI**

et

Dr Fouad ZMOKHOL***

* Père Gabriel Khairallah, jésuite – professeur à l’Université

Saint-Joseph (USJ)

** Président-directeur général

de la Banque BEMO et

du Groupe Obegi, docteur

en économie

*** Président du Rassemblement des dirigeants et chefs

d’entreprise libanais dans

le monde (RDCL-World),

professeur de stratégie

managériale

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Cela fait plus de 50 jours que près de la moitié de la population mondiale est « confinée » pour essayer d’empêcher ou au moins de ralentir la propagation d’un virus prénommé le Covid-19 hautement transmissible et dangereux. Les premiers jours de ce confinement obligatoire ont pu paraître pour certains comme des moments de repos, des congés, des instants qu’on...

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