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Société - Fête du Travail

La mobilisation s’annonce massive, mais sans la plupart des piliers du 17 octobre

Face à la violence et la radicalisation du mouvement de contestation, la majorité des formations et coalitions de la révolution du 17 octobre s’abstiendront.

Un protestataire lançant une bombe artisanale devant le siège de la Banque du Liban à Saïda, jeudi soir. Mahmoud Zayyat/AFP

Journée symbolique par excellence dans le contexte d’effondrement économique et financier ainsi que du chômage galopant, la fête du Travail célébrée aujourd’hui aura une saveur et une portée différentes.

De nombreux appels ont été lancés ces derniers jours par plusieurs groupes se prévalant de la révolution pour investir les rues et dénoncer la situation désastreuse à laquelle est désormais confrontée la majorité de la population. À en croire les listes de groupes et de formations supposés prendre part aux rassemblements prévus ayant circulé sur les réseaux sociaux, la mobilisation pourrait être massive. Reste à voir qui, étant donné le risque de contagion au coronavirus, descendra vraiment dans la rue et quel sera le profil des contestataires. La menace du Covid-19 mais aussi les éruptions de violence sur les grandes places publiques ces derniers jours sont autant de facteurs de dissuasion pour nombre d’activistes qui affirment ne plus se reconnaître dans cette nouvelle version de la révolution.

Depuis que les actes de vandalisme, notamment contre des banques, se multiplient, plusieurs groupes jadis familiers des plateformes de contestation et des débats politiques organisés sous les tentes se sont retirés momentanément du jeu, refusant d’avaliser la radicalisation du mouvement ou sa politisation. L’argument mis en avant est en partie la crise sanitaire et les risques encourus, mais aussi l’absence d’une stratégie commune qui puisse cimenter le terrain révolutionnaire et lui conférer une identité claire, un facteur qui est à l’origine de l’essoufflement relatif du mouvement contestataire tel qu’on l’avait connu à ses débuts.

Entre-temps, ce sont d’autres sous-groupes et formations, méconnus pour la plupart d’entre eux, qui ont pullulé ces dernières semaines et pris possession de la rue en imposant un nouveau style d’expression plus radical. « Je ne suis plus rassurée. Ce que j’ai vu n’a rien à voir avec la révolution et encore moins avec la faim. Ce n’est plus le même profil de gens que l’on rencontre désormais », raconte une activiste engagée de Tripoli. Un témoignage similaire à celui que confie notre correspondant à Saïda, Mountasser Abdallah. « Les contestataires que l’on connaît n’étaient pas présents sur le terrain ces derniers jours. Les habitants de la ville affirment avoir vu des scènes de violence inédites auxquelles ils ne sont pas habitués », dit-il.

Une rue instrumentalisée ?

Bien que plusieurs manifestants sincères aient spontanément rallié la dynamique contestataire ces derniers jours pour crier leur colère sous le label de la faim, il n’en reste pas moins que ce n’est vraisemblablement pas cette catégorie de gens vulnérables qui était cette fois-ci aux commandes, mais plutôt des groupes de casseurs et des « mercenaires qui carburent pour le compte de partis politiques », confie une source tripolitaine. Certains le font par conviction, d’autres pour des avantages pécuniaires dont ils ont grandement besoin en ces temps de misère extrême. « Cette instrumentalisation rappelle tristement les temps regrettables où les caïds politiques de la ville payaient 20 dollars contre le lancement d’une grenade dans les combats entre Jabal Mohsen et Bab el-Tebbané », déplore une analyste tripolitaine.

Depuis plusieurs jours, ce type d’accusation mettant en cause principalement le courant du Futur, mais aussi le PSP, a largement circulé à Saïda et à Tripoli notamment. Ces deux formations de l’opposition chercheraient ainsi à en découdre avec le gouvernement de Hassane Diab décidé à mener une guerre contre la corruption dont ces deux formations seraient entre autres la cible.

Il y a deux jours, le Premier ministre a d’ailleurs clairement évoqué « des éléments » suspects parmi les protestataires aux revendications justifiées, menaçant de « dévoiler les noms » si ce double jeu devait se poursuivre. Hier, M. Diab, à la manière d’un ultimatum lancé à la veille des rassemblements massifs prévus aujourd’hui, est revenu à la charge. « Aucune personne dotée de bon sens ne peut croire que ces violences sont spontanées et qu’elles ne recèlent pas des objectifs politiques », a-t-il dit. Un message clair à l’adresse notamment du chef du courant du Futur Saad Hariri. Ce dernier n’a pas tardé à riposter en tirant à boulets rouges sur le nouveau cabinet, se lavant les mains de toute charge d’instrumentalisation de la rue : « Ceux qui sont dans la rue ne font pas partie de la base populaire qui me prête allégeance à moi ou à Rafic Hariri. Ceux qui nous sont fidèles aspirent à la construction et non à la destruction », a-t-il dit.

Pour de nombreux analystes, il n’y a aucun doute que la rue en ébullition ait été une fois de plus instrumentalisée, même s’il est difficile d’apporter les preuves concrètes sur l’identité des partis politiques qui manœuvrent dans les coulisses.

« Si l’on établit un lien entre les opérations de mise à sac des banques et biens publics à Tripoli et à Saïda, et la coupure des axes routiers à Naamé, Denniyé, Bar Élias (des régions relevant respectivement du PSP et du courant haririen), on peut alors en déduire qu’une main invisible partisane est effectivement en train de commanditer ces actions de vandalisme », commente un analyste de Saïda qui souhaite garder l’anonymat. À Tripoli, si l’on accuse aisément une manipulation haririenne du mouvement, certains dénoncent au contraire un jeu mené par le Hezbollah et le CPL.

Le paysage révolutionnaire est devenu tellement complexe qu’il est désormais extrêmement difficile de savoir quel est l’agenda défendu par tel ou tel contestataire, et qui sont ceux qui sincèrement manifestent leur colère, loin de tout parti. « Pas plus tard qu’hier, un jeune haririen de Minié dont le père a des affinités certaines avec le Hezbollah a tenté de mettre le feu à la branche de la Medbank de la localité avant d’en être empêché à la dernière minute par une famille qui habite dans l’immeuble abritant la banque », confie un activiste de la localité.

Une chose est sûre : à quelques exception près, comme le mouvement Lihaqqi implanté principalement dans le Chouf et à Beyrouth et certaines formations de la gauche révolutionnaire, peu de groupes ou coalitions ayant pris part à la révolution du 17 octobre feront aujourd’hui acte de présence. Ils se sont toutefois donné rendez-vous pour protester dimanche prochain à Tripoli.

Entre-temps, la rue a de nouveau bougé hier soir, notamment au niveau du secteur de Chevrolet, à Furn el-Chebback, à Saïda dans le secteur de la Cité sportive, dans la banlieue sud de Beyrouth, à Beddaoui au Liban-Nord, à Taalabaya dans la Békaa et à Nabatiyé où des jeunes en colère ont bloqué les routes, brûlé des pneus, scandé des slogans antigouvernement. À Saïda, les manifestants ont de nouveau lancé des pierres contre des établissements bancaires. Jusqu’à l’heure d’aller sous presse, le mouvement de contestation restait cependant contrôlé, sans débordements.

Journée symbolique par excellence dans le contexte d’effondrement économique et financier ainsi que du chômage galopant, la fête du Travail célébrée aujourd’hui aura une saveur et une portée différentes. De nombreux appels ont été lancés ces derniers jours par plusieurs groupes se prévalant de la révolution pour investir les rues et dénoncer la situation désastreuse à...

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Moi aussi je dénonce le Hezbollah et le CPL

Eleni Caridopoulou

18 h 02, le 01 mai 2020

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Commentaires (2)

  • Moi aussi je dénonce le Hezbollah et le CPL

    Eleni Caridopoulou

    18 h 02, le 01 mai 2020

  • LA REVOLUTION DE LA FAIM RISQUE D,ETRE TRES AGITEE. LES RESPONSABLES SONT LES PREDATEURS BANQUIERS ET LES ABRUTIS ALIBABAS DES TROIS CAVERNES, L,ETOILEE, LA GOUVERNEMENTALE ET CELLES DES CHEFS D,ETAT, DE CHAMBRE ET DES P.M.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 10, le 01 mai 2020

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