La diaspora libanaise en Grande-Bretagne ne ménage pas ses efforts pour venir en aide à ses compatriotes. « La cagnotte des deux dernières semaines s’élève à 80 000 livres sterling », annonce Monica Barakat Thomas, applaudissant l’engagement pris en cette période de toutes les crises par l’ambassadeur du Liban au Royaume-Uni, Rami Mortada. Ce dernier a lancé l’initiative Stand Together Lebanon pour soutenir financièrement les étudiants libanais au Royaume-Uni et fournir une aide à certaines familles fragilisées par ces circonstances exceptionnelles.
Monica Barakat Thomas, directrice à la HSBC Private Banking pour la région MENA, est membre de la cellule de crise mise sur les rails à cet effet par l’ambassadeur Mortada, en collaboration avec la British Lebanese Association (BLA) et l’antenne londonienne de l’association Life (Lebanese International Finance Executives). La cellule comprend également les deux consules Oula Khodr et Racha Haddad ; le directeur général de l’entreprise Bi-Sam Technologies, Alexandre Harkous ; Nader Noueiri, analyste produit chez le hedge fund Chenavari ; Lisa Zakhem et Dalia Richani, membres de la BLA, dont le programme de bourses d’études est l’activité phare depuis sa création en 1984. C’est d’ailleurs à cette association, agréée par la loi et reconnue d’intérêt public, que le chef de mission a confié la gestion des fonds récoltés.
Tous les soirs à 18h GMT, M. Mortada préside aux visioconférences de la cellule de crise. « L’urgence est définie au cas par cas, qu’il s’agisse de payer les frais d’université, régler des loyers et, pour certains, payer même de quoi vivre », indique le diplomate contacté au téléphone par L’Orient-Le Jour. À ce jour, 130 étudiants ont bénéficié de cette aide, précise-t-il. Quelque 1 200 jeunes Libanais poursuivent leurs études au Royaume-Uni.
Restrictions bancaires et coronavirus
Mais revenons un peu en arrière. Touchés par la crise économique de leur pays, qui dure depuis plusieurs mois, mais aussi par la propagation du Covid-19, les étudiants libanais galèrent. « Ces jeunes comptaient sur leur famille pour les transferts en espèces. Mais ayant réduit les plafonds de retrait des devises, avant d’interdire par la suite toute opération de virement, les banques ont compliqué la vie des citoyens devant envoyer de l’argent à leurs enfants à l’étranger. Or, ceux qui trouvaient moyen de leur en faire parvenir hors secteur bancaire, par le biais d’amis qui voyageaient à Londres, sont à leur tour pris au piège depuis que, face à la pandémie, le Liban a décrété la mobilisation générale et fermé l’aéroport international du pays trois jours plus tard, le 18 mars », explique l’ambassadeur. L’inquiétude et l’anxiété des jeunes Libanais augmentaient car les dates d’échéance pour régler le trimestre de l’université approchaient, et certains frais, comme les loyers, devaient être acquittés. « Compte tenu de l’urgence de la situation, nous ne pouvions pas rester les bras croisés. Une mesure d’urgence s’imposait. Je me devais d’intervenir et de veiller à ce que le troisième trimestre académique soit payé et de fournir une aide d’urgence qui permette aux ressortissants libanais bloqués à Londres de se procurer les éléments essentiels à la vie jusqu’à la fin de la crise et la réouverture des frontières », ajoute le diplomate. Dès lors, le chef de mission se mobilise en vue d’installer une plate-forme d’entraide pour soutenir les étudiants et les ressortissants libanais qui se trouvent dans l’impossibilité de rentrer au pays. Il lance l’initiative Stand Together Lebanon qui sera suivie par la création d’une cellule de crise pour lever des fonds d’urgence auprès des particuliers et institutions libanaises.
Mais le choix des candidats pouvant bénéficier de la cagnotte n’est-il pas difficile à faire et les priorités souvent délicates à définir ? Monica Barakat Thomas explique que « tous les soirs, par visioconférence, nous échangeons les informations, évaluons les besoins de chaque cas et fixons les priorités. Si les arguments présentés ne tiennent pas la route, si la personne n’est pas vraiment dans le besoin, on rejette sa demande. Mais chaque cas doit être voté à l’unanimité ». L’initiative est conçue clairement, selon M. Mortada : transparence, impartialité et rapidité de réponse aux besoins sont érigées en principes.
Les rapatriements
Entre-temps, le Liban lançait le plan de rapatriement de ses ressortissants dont une première phase s’est déroulée entre le 5 et le 13 avril, et dont une seconde sera lancée le 28 avril. Dans ce contexte, l’ambassadeur annonce que seuls les Libanais ayant été testés négatifs au coronavirus seront autorisés à embarquer à bord de l’avion qui les ramènera à Beyrouth. Le prix du test PCR étant de 350 livres sterling, celui-ci sera effectué gratuitement pour les étudiants libanais dans l’incapacité de s’acquitter de cette somme. Il est pris en charge par la caisse de la cellule de crise. Reste le prix du billet de rapatriement, dont le coût avait fait grincer les dents quand les vols de la première phase avaient été annoncés. Pour le vol au départ de Londres, la Middle East Airlines (MEA) avait affiché les billets au prix de 1 142 livres sterling en classe économique et de 2 284 £ en classe affaires. La compagnie, qui s’était défendue, par le biais de son président, Mohammad el-Hout, avait assuré qu’elle ne faisait pas de bénéfices sur ces vols et avait annoncé une réduction de 50 % sur les coûts de ses billets au bénéfice des étudiants expatriés. Ces prix toujours jugés exorbitants vont-ils pousser de nombreuses familles à choisir de rester dans leur pays d’expatriation ?
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19 h 59, le 25 avril 2020