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Société - Protestation

Des convois mobiles de contestation dans plusieurs régions du Liban

Les manifestants s’opposent à la tenue de la séance parlementaire et dénoncent la dégradation économique.

Le convoi de manifestants à Tripoli. Photo Omar el-Imadi

Malgré les mesures de confinement imposées pour lutter contre le coronavirus, et pour protester contre la séance parlementaire qui se tenait exceptionnellement au palais de l’Unesco à Beyrouth, des dizaines de voitures ont formé hier des convois de contestataires à travers le pays pour fustiger la classe politique, sous le feu de la rue depuis le 17 octobre dernier, date du début de la révolte populaire au Liban. Les protestataires ont également dénoncé la dégradation de la situation économique, dans un contexte de crise financière sans précédent depuis 30 ans, aggravée par la pandémie. Du nord au sud, en passant par Beyrouth et la Békaa, ce sont pratiquement les mêmes slogans qui ont été scandés par les manifestants, ponctués des cris de « Thawra, thawra » (Révolution). « Contre la loi d’amnistie », pouvait-on lire sur certaines pancartes brandies par les manifestants sur le Ring, une proposition de loi controversée amnistiant un grand nombre de prisonniers qui était à l’ordre du jour de la réunion parlementaire. « Cela fait six mois que je suis sans emploi. Comment vivre, manger et boire dans ces conditions ? » s’interroge Roula Kanaan, une militante de la première heure. « Nous avons des objections sur l’ordre du jour de 66 points qui ne sont pas en lien avec la situation actuelle du pays », explique Rania, une autre manifestante, qui cite, à titre d’exemple, le changement de noms de certains villages.

« Tant que nous prenons nos précautions en manifestant, nous n’avons pas peur du coronavirus », affirment Roula et Rania. Munie d’un haut-parleur, une des organisatrices du mouvement appelle régulièrement les manifestants à respecter la distanciation.


(Lire aussi : Dans Beyrouth à l’ère du coronavirus, la révolution se réinvente... en roulant)


À Tripoli, au Liban-Nord, autre haut lieu de la contestation populaire, les manifestants ont paradé, munis de drapeaux libanais et de pancartes. Ils ont sillonné, entre autres, la place al-Nour, place forte de la contestation dans la capitale du Liban-Nord. Alors que certains manifestants respectaient les directives de précaution relatives à la lutte contre la prorogation du coronavirus, notamment le port de masques et la distanciation sociale, d’autres n’ont pas fait preuve du même engagement. Au moment du rassemblement, plusieurs manifestants sont brièvement sortis des voitures sur la place al-Nour. La foule était hétéroclite, hommes, femmes, de tous les âges.


Message au gouvernement et à l’opposition

À Saïda, dans le sud du pays, le convoi de véhicules était moins important que prévu. Il se limitait à une dizaine de voitures. Toutefois, beaucoup d’habitants de la ville se sont solidarisés avec les convois en agitant des drapeaux à partir de leurs balcons. Les manifestants dans les voitures ont parfaitement respecté les gestes barrières, portant masques et gants et se limitant à deux passagers par véhicule. Ils ont sillonné les rues de la ville durant une heure environ, avec pour points de départ et d’arrivée la place Élia, connue pour avoir accueilli les tentes des manifestants tout au long de l’insurrection populaire.

Ahed Jawad, l’un des organisateurs du mouvement, confie qu’il s’agit d’une reprise de l’intifada populaire après une interruption imposée par les restrictions sanitaires et qu’il rejette les politiques économiques du gouvernement, « notamment son inaction face à la flambée injustifiée des prix et à la dévaluation de la livre ». Le militant affirme que « ce rassemblement est autant un message au gouvernement qu’à la nouvelle opposition politique (le courant du Futur, les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste), qui tente de profiter de la révolution populaire pour servir ses propres intérêts ». Il ajoute que les contestataires préparent des mesures d’escalade qui resteront néanmoins respectueuses des règles de protection sanitaire.

À Tyr, c’est un convoi d’une vingtaine de voitures qui a pris la route à midi, arborant des drapeaux libanais et sillonnant les rues de la ville. Amal Wazni, une militante de la ville, a affirmé que les manifestations vont reprendre graduellement, tout en tenant compte des circonstances par lesquelles passe le pays. Des convois de manifestants ont également sillonné les rues à Nabatiyé.


« Révolution bien vivante » à Baalbeck

Dans la Békaa, des dizaines de voitures venues de Taalabaya, Bar Élias et Marj ont déambulé dans les rues de Qab Élias, portant le drapeau libanais et au son des chants patriotiques. Les manifestants des différentes régions se sont retrouvés à Chtaura, puis Zahlé et enfin Masnaa. Ils réclament des solutions à la crise économique qui frappe de plein fouet leur région, notamment en raison de la flambée des prix sur le marché et de la hausse du cours de change du dollar. Ils rappellent que le mois de ramadan va bientôt commencer. Il faut noter que des rassemblements de voitures ont eu lieu ces derniers jours à Taalabaya, mais aussi à Bar Élias et Marj. Toutefois, certaines voix parmi les contestataires de la Békaa ont rejeté ce type de rassemblements, estimant que les conditions socio-économiques difficiles ne justifient pas des dépenses d’essence supplémentaires.


(Lire aussi : Et pour parasol... la culture !, l'éditorial de Issa GORAIEB)


Dans ce renouveau de l’intifada populaire constaté sur l’ensemble du territoire, la ville de Baalbeck n’a pas fait exception. Les contestataires de cette ville, actifs depuis le début du mouvement du 17 octobre, ont pris part à des convois de voitures dans les rues. Ils se sont retrouvés sur la place Khalil Moutran, où ils manifestent habituellement, se dirigeant par la suite vers le site archéologique de la ville, puis vers le souk. Ils ont appelé les citoyens à se joindre à eux, scandant des slogans de la révolution à l’aide de haut-parleurs. Une patrouille de l’armée a accompagné le convoi durant sa traversée de la ville. Tous les manifestants brandissaient le drapeau libanais, assurant que « la révolution est bien vivante, parce qu’il est plus digne de mourir dans la rue que de faim à la maison ».


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