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À La Une - Liban

Corruption, coronavirus, hôpitaux gouvernementaux : une série de lois adoptées par le Parlement

A leur arrivée sur place, les parlementaires, la plupart masqués ou le visage recouvert d'une visière en plastique, ont été aspergés de désinfectant.

Le Parlement libanais réuni au palais de l'Unesco, à Beyrouth, le 21 avril 2020. Photo Hassan Ibrahim / Parlement libanais

Le Parlement libanais a adopté mardi une série de lois, liées notamment aux défis socio-économiques engendrés par la propagation du coronavirus comme l'utilisation d'un prêt de 40 millions de dollars de la Banque mondiale pour la réhabilitation du secteur hospitalier public, ainsi qu'une version amendée de la loi encadrant la lutte contre la corruption. Il s'agit de la première réunion du Parlement organisée depuis celles du 11 février, qui avait été consacrée au vote de confiance au gouvernement de Hassane Diab, et du 27 janvier, au cours de laquelle avait été adopté le budget de l'Etat pour l'exercice 2020. Cette séance, qui s'étend sur trois jours et a exceptionnellement lieu au palais de l'Unesco en raison de la crise sanitaire, a été accompagnée d'une reprise du mouvement de contestation, qui avait marqué le pas en raison de l'épidémie de coronavirus, avec des convois de voitures organisés dans tout le Liban.


40 millions $ pour les hôpitaux publics
Au cours de la réunion matinale, dont les débats n’étaient pas retransmis en direct, les députés ont adopté à l'unanimité le projet de loi relatif au transfert d'un prêt de 40 millions de dollars accordé par la Banque mondiale à l'Etat, afin de développer et réhabiliter le secteur sanitaire et les hôpitaux gouvernementaux du pays, pour faire face à l'épidémie de coronavirus. De son côté, le député Pierre Bou Assi, ancien ministre des Affaires sociales, a souligné que "40 millions de dollars n'auront aucun impact si cette somme n'est pas liée à un plan de travail". Plusieurs de ses collègues ont espéré que cette somme sera distribuée équitablement entre les hôpitaux des différentes régions du pays. Réagissant à ces commentaires, le ministre de la Santé, Hamad Hassan, a assuré que la répartition se ferait de manière juste et qu'une étude préliminaire du secteur avait permis de définir les besoins des différents établissements.

Concernant le secteur hospitalier du secteur privé, le député Ibrahim Kanaan a souligné qu'un projet de loi relatif à l'octroi d'une ligne de crédit supplémentaire aux hôpitaux privés était à l'étude. "Nous débattrons de cela plus tard", a répondu le chef du Parlement.



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Lutte contre la corruption
Les députés ont par ailleurs adopté une version amendée de la loi encadrant la lutte contre la corruption, qui avait été renvoyée fin juillet au Parlement par le chef de l'Etat, Michel Aoun. En refusant de signer cette loi, le président Aoun avait réclamé que ce texte intègre mieux la stratégie nationale de lutte contre la corruption et englobe également la lutte contre la corruption dans le secteur privé. Il avait également réclamé une modification des mécanismes de nomination des avocats membres de la commission prévue dans le texte original. La proposition de certains députés concernant une élection de ces membres, en lieu et place de leur nomination, n'a pas obtenu de majorité des votes. Le Parlement a également voté en faveur de la levée de l'immunité des fonctionnaires, en octroyant un délai de 15 jours aux ministres concernés pour permettre ou pas de déférer tout fonctionnaire devant la justice.

Egalement adoptée, la loi relative à la suppression de la TVA sur les donations faites par les administrations et organisations publiques pour lutter contre l'épidémie de Covid-19. Le texte a été adopté avec des amendements, relatifs notamment à l'exemption de taxes douanières sur les dons envoyés de l'étranger, notamment ceux à destination des hôpitaux. Ces exemptions fiscales seront en vigueur pour une durée de six mois, selon la version adoptée.

Les députés ont encore voté une loi amendant la grille des salaires pour les magistrats libanais. Face aux critiques de certains députés lancées à l'encontre de ce point, le président de la Chambre a appelé les détracteurs à "récupérer les fonds pillés et volés au lieu de priver un petit nombre de juges de leurs droits". Le Parlement a par ailleurs adopté la loi encadrant la pratique de la chiropractie au Liban.

Le projet de loi pour la suspension des délais juridiques, législatifs et contractuels, qui avait été approuvé préalablement par le gouvernement a par ailleurs provoqué des discussions animées. La députée Paula Yacoubian a notamment suggéré que ce projet intègre également la suspension temporaire du paiement des loyers, tandis que certains de ses collèges réclamaient des exceptions au report de certains délais. Le président de la Chambre a dans ce cadre annoncé la formation d'une commission, présidée par le président de la commission parlementaire de l'administration et de la Justice, le député Georges Adwan, à laquelle se joindra la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, afin de préparer d'ici deux jours une nouvelle version du texte.

La loi autorisant la construction d'un tunnel reliant Beyrouth à la Békaa a également été votée. 

Le Premier ministre Diab a en outre demandé à ce que l'octroi d'un prêt de 4,9 millions de dollars de la Banque mondiale afin de développer le secteur agricole soit retiré de l'ordre du jour, après qu'il ait provoqué des dissensions entre les différents blocs parlementaires. Certains d'entre eux estimaient que ce prêt constituerait une injection d'"argent frais" (fresh money) bienvenue dans le pays en crise, tandis que d'autres ont refusé de "continuer à contracter des prêts", arguant que celui-ci est lié à la présence des réfugiés syriens au Liban. Le député Gebran Bassil a fait partie des réfractaires à ce prêt, s'opposant à "tout emprunt lié aux aides octroyées aux déplacés syriens afin qu'ils s'installent au Liban". 

Exceptionnellement, en raison de la pandémie de coronavirus et pour assurer le meilleur respect possible des recommandations de distanciation sociale, la séance législative a été organisée au palais de l'Unesco, dans le sud-ouest de Beyrouth. A leur arrivée sur place, les parlementaires, la plupart masqués ou le visage recouvert d'une visière en plastique, ont été aspergés de désinfectant. Une caméra thermique, donnée par l'ambassade de Chine à Beyrouth, était installée à l'entrée du bâtiment afin de vérifier la température de toutes les personnes y entrant. Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, s'est toutefois offusqué des mesures de prévention contre la propagation du coronavirus jugées, selon lui, insuffisantes. "Le micro qui passe de député en député suffit pour une éventuelle contamination. Pourquoi n'avons-nous pas organisé une séance électronique ?", a-t-il lancé.



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Polémiques
Au début de la séance, le président de la Chambre, Nabih Berry, a rejeté les critiques concernant le fait que le Parlement "ne remplit pas son rôle", alors que la dernière réunion parlementaire remonte à plusieurs mois. "Malheureusement, certains de nos collègues croient les informations qui circulent à ce propos. Mais le Parlement remplit plus que son rôle législatif et de contrôle de l'exécutif, peu importe ce qu'on en dit", a déclaré M. Berry.

Une brève altercation a ensuite eu lieu entre M. Berry et la députée Paula Yacoubian (issue de la société civile). Cette dernière a critiqué la décision du président de la Chambre de ne pas permettre aux députés d'exprimer leur point de vue en cours de séance, ce à quoi le chef du législatif a répondu que son objectif était "d'empêcher que les disputes ne parviennent dans l'hémicycle afin de se concentrer sur la législation et d'être productifs". 

Nadim Gemayel, député Kataëb de Beyrouth, s'est de son côté indigné de la présence d'agents armés en civil. "Nous avons eu l'impression de rentrer dans l'antre d'une milice et pas dans une réunion de la Chambre", a-t-il déploré. "Il s'agit d'agents des Forces de sécurité intérieure à l'extérieur du bâtiment et d'agents de la police du Parlement à l'intérieur", a réagi M. Berry. Samy Gemayel, député Kataëb du Metn a alors indiqué avoir "eu confirmation que les agents présents à l'extérieur appartiennent à un parti armé", une affirmation de nouveau démentie par Nabih Berry. 



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commentaires (5)

"récupérer les fonds pillés et volés au lieu de priver un petit nombre de juges de leurs droits", dixit l'homme le plus honnête du pays. Des agents relevant d'un parti armé? Je me demande lequel...

Georges Olivier

20 h 03, le 21 avril 2020

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Commentaires (5)

  • "récupérer les fonds pillés et volés au lieu de priver un petit nombre de juges de leurs droits", dixit l'homme le plus honnête du pays. Des agents relevant d'un parti armé? Je me demande lequel...

    Georges Olivier

    20 h 03, le 21 avril 2020

  • En voyant l'immense salle du Palais de l'UNESCO, mes souvenirs sont remontés au 17 novembre 1948, lorsque le président Béchara el-Khoury avait prononcé un discours de bienvenue à toutes les délégations étrangères, un discours-joyau de la langue française, conservé dans les archives de l'Académie française. Le chef de la délégation française était Georges Bidault. Au cours d'une tournée dans les écoles françaises, notamment au Collège mariste à Jounieh, il avait prononcé en ma présence un discours en soulignant la qualité exceptionnelle du discours du président El-Khoury en disant qu'il est la plus belle perle dans la couronne de la langue de Molière.

    Un Libanais

    18 h 03, le 21 avril 2020

  • CORRUPTION ET AMNISTIE GENERALE DEUX LOIS OU LES PIEGES SONT GLISSES ET DRESSES EN FAVEUR DES ABRUTIS CORROMPUS ET VOLEURS DANS LES DEUX CAS. FAUT CLARIFIER COMPLETEMENT CES DEUX LOIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 58, le 21 avril 2020

  • La lutte contre la corruption ! C'est le conte de la cruche d'huile de ma grand-mère... C'est le monstre de Lock Ness saisonnier... C'est le Comité Gustave nouvelle version revue et corrigée. Quant aux 40 millions de la Banque mondiale, combien seront-ils à l'arrivée finale ?

    Un Libanais

    17 h 06, le 21 avril 2020

  • Un beau coup de théâtre pour des députés ignorés du peuple .

    Antoine Sabbagha

    17 h 05, le 21 avril 2020

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