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Nos Lecteurs ont la Parole

Angoisse diffuse, coronavirus, équipe soignante et patient hospitalisé

L’apparition du coronavirus en décembre 2019 avec le cortège de morts que le virus a provoqué à l’échelle planétaire a bousculé l’ordre du monde aux niveaux social, économique, politique et a mis à rude épreuve la santé mentale des individus.

Totalement inconnu, le virus demeure indompté par la médecine et les laboratoires de recherche, ses modalités de transmission insaisissables, diffuses et sournoises. Les stratégies de prise en charge de la prévention médicale – confiées désormais aux institutions étatiques – prévoient, entre autres, le confinement obligatoire. Au niveau mental, les individus prennent donc conscience que leur mécanisme de survie ne pourrait être assuré que par la prudence, voire la méfiance, à l’égard des personnes les plus proches – parents, amis ou conjoints – ainsi que des lieux où ils se rendent d’habitude, ou des objets qu’ils achètent. Toute personne et environnement premiers représentant à la base un repère de sécurité, une enveloppe psychique contenante, sont désormais appréhendés, sans exception, comme potentiellement dangereux, porteurs du virus, contagieux.

Par ailleurs, le nombre de décès, les images de cercueils alignés à l’infini, les chiffres de morts décuplés tous les jours et énumérés aux bulletins d’information imprègnent la vision des personnes, marquent leurs sens et paralysent leur psyché, les plaçant face au risque réel d’être confrontées, de près, soit à leur propre mort, soit à la mort de l’un de leurs proches. Même si mourir est un sort inéluctable, une conclusion absolue universelle à toute vie, penser sa propre mort ou celle des personnes que nous aimons, voire l’envisager dans un avenir très proche, relève de l’impensable et génère une angoisse diffuse, parfois sévère et difficilement contenue.

Que serait-ce alors si la personne elle-même ou l’une de ses proches se révèle effectivement atteinte par le Covid-19 ? Que serait-ce alors lorsque l’angoisse liée à la maladie, synonyme de rupture avec la vie, de mort possible et, le cas échéant, d’impossible adieu du fait de la quarantaine imposée au patient, non accompagné par ses proches comme il se doit généralement en cas de maladie grave, devient réalité ?

Ainsi, c’est en portant toute cette angoisse légitime face à la mort que le patient malade du Covid-19 et sa famille arrivent à l’hôpital, confiant cette angoisse à une équipe de soignants qui en est à ses premiers balbutiements, craignant elle-même d’être contaminée, débordée par un virus qui la dépasse et ne disposant pas nécessairement de tous les éléments de réponses scientifiques.

Dans ces cas-là, il serait utile, afin que le personnel médical effectue ses tâches professionnelles de la manière la plus efficace possible, d’œuvrer à décharger l’angoisse en désignant parmi les membres de l’équipe soignante des médiateurs qui se chargeraient d’informer le patient et sa famille des symptômes, des étapes de la maladie et des modalités de prise en charge médicale ; cela ayant pour objectif de réduire l’angoisse du patient et les questionnements qui pourraient le tarauder lors de l’adoption de modalités d’interventions thérapeutiques inattendues (intubation par exemple en cas d’insuffisance importante en oxygène).

– Ainsi, il serait important de rassurer le patient qu’il est pris en charge par une équipe de professionnels de la santé qui va mettre toutes ses compétences à l’œuvre pour que la prise en charge médicale se fasse dans les meilleures conditions possibles.

– Il serait aussi important de préparer le patient à la solitude à laquelle il va être exposé du fait de la quarantaine qui lui est imposée et de lui proposer des mesures qui pourraient alléger les effets psychologiques résultant, d’une part, de l’angoisse éprouvée concernant son état de santé et, d’autre part, de l’isolement prolongé à un moment où la personne connaît une extrême vulnérabilité et un dénuement psychique important. Ces mesures pourraient comprendre par exemple : le fait de garder le portable du patient à sa disposition, assurer une connexion internet de bonne qualité, demander que lui soient apportés, s’il le désire, quelques objets personnels importants qu’il aimerait avoir avec lui à l’hôpital afin de rendre l’espace impersonnel plus vivant et plus familier…

– Informer la famille des effets secondaires – longues heures de sommeil, dues à la poussée de fièvre par exemple, qui pourraient rendre le patient injoignable.

Il est indéniable que les conséquences du coronavirus et ses effets traumatiques au sein des équipes soignantes et au niveau psychologique individuel et social ne seraient véritablement mesurées que dans l’après-coup, alors qu’aujourd’hui déjà, elles confrontent l’homme à son impuissance et à sa finitude, aux limites que ni l’argent, ni le pouvoir politique, économique, militaire ou milicien ne pourraient venir combler.

Psychologue clinicienne

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

L’apparition du coronavirus en décembre 2019 avec le cortège de morts que le virus a provoqué à l’échelle planétaire a bousculé l’ordre du monde aux niveaux social, économique, politique et a mis à rude épreuve la santé mentale des individus.Totalement inconnu, le virus demeure indompté par la médecine et les laboratoires de recherche, ses modalités de transmission...

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