Symphonie pathétique

Pathétique et drôle à la fois, telle a été la cérémonie pompeuse organisée début avril par les autorités à l’intention des ambassadeurs des pays donateurs. Un « déjà-vu » d’un ennui mortel, des inepties mille fois ressassées. Les ambassadeurs bâillaient à se décrocher la mâchoire, essayant de deviner pourquoi donc on les avait convoqués d’urgence en plein Covid.

On a commencé, pour justifier notre état lamentable, par ces grandes idées totalement inédites : le Liban est passé par 15 ans de guerre, 30 ans de gabegie, puis les réfugiés syriens, et enfin la corona. D’une originalité à vous couper le souffle ! Personne n’était au courant.

Puis place à un recyclage des discours passés, mille fois mastiqués : nous allons avoir un programme solide de réformes, c’est presque terminé, on en est aux dernières virgules, il manque juste une majuscule par-ci ou un accent circonflexe par-là. Déjà 57 % des promesses ont été tenues : le Diab est un homme précis, scientifique.

Puis les projections fâcheuses vont fuser sous forme de graphiques en PowerPoint : on va être encore plus pauvres, chômage en flèche, banques à la dérive, livre en chute libre. Des projections basées sur aucune statistique fiable puisqu’on n’en a pas. Mais tout est bon pour décrocher un petit milliard, une centrale électrique, une autoroute, un trottoir… À peine réveillés après ces longs exposés, il fallait bien que les invités y répondent, pour la 15e fois dans la même veine. Après avoir salué les « efforts louables » du gouvernement, on en arrive à l’essentiel : « Quelle partie du mot “réformes” vous n’avez pas comprise? » Puis, patiemment : « Et le FMI, vous vous en souvenez, m’enfin ce ne sont que trois lettres ! » C’était le rituel du mois. On a pataugé pendant deux heures dans le marécage des grenouilles creuses. C’est que, comme on le sait, le langage politique est conçu pour donner à du vent l’apparence de la solidité.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.