Chef du service des maladies infectieuses et maladies internes à l’Hôpital libanais – Jeïtaoui et électron libre, le Pr Roy Nasnas livre à L’Orient-Le Jour le fond de sa pensée en toute transparence au sujet du Covid-19 et des traitements proposés dans le monde. Il se penche également sur la réalité libanaise qui est loin de ressembler aux tableaux lisses que les médias servent.
Que pensez-vous du protocole appliqué par le Dr Didier Raoult à Marseille et de l’étude européenne « Discovery » ?
C’est le protocole (association de l’hydroxychloroquine, un antipaludéen, à l’azithromycine, un antibiotique) que j’utilise moi-même. Le Pr Didier Raoult est un scientifique hors normes que je connais personnellement, et dont la renommée n’a pas besoin d’être prouvée par le traitement qu’il propose pour contrer le Covid-19. Quant à l’étude « Discovery » (essai clinique européen portant sur cinq stratégies de traitements destinés aux cas sévères d’infection au nouveau coronavirus) qui n’a pas inclus les deux molécules du protocole du Pr Raoult, la réponse est très simple : ils ont eu peur d’associer deux molécules qui pourraient, une fois combinées, augmenter potentiellement les risques cardiaques. Ils ont voulu dans un premier temps évaluer l’action de l’hydroxychloroquine. Cela dit, nous pouvons parfaitement prendre en considération l’étude menée à New York par le Dr Zev Zelenko qui a combiné les deux molécules sur 500 patients et qui a eu zéro cas de mortalité, zéro intubation, zéro hospitalisation et 100 % de guérison au bout de six à huit jours de traitement.
Selon les statistiques chinoises, il semblerait que les cas recensés officiellement devraient être multipliés par 27 si l’on prend en compte l’évolution du Covid-19 en Chine. Êtes-vous d’accord avec ce calcul ?
Tout dépend de la technique de dépistage. Au Liban, nous sommes à 400 tests par jour. Combien de temps faudrait-il pour tester l’ensemble de la population ? Il est impossible de faire des projections sur de petits lots de personnes testées. Les chiffres ne veulent absolument rien dire et le nombre de cas réel est certainement très largement supérieur aux chiffres officiels. En Corée du Sud, en Allemagne et en Suisse, le dépistage quotidien est massif. À cette condition-là, les statistiques sont plus valables et la courbe traçable.
On évoque dans les médias une seconde vague de Covid-19 qui serait plus agressive, en particulier sur les patients qui auraient déjà été contaminés une première fois. Pouvez-vous nous expliquer ce mystère ?
Ce sont des spéculations. On pense qu’il est probable, comme c’est le cas pour certaines maladies virales, la dengue à titre d’exemple, de développer des anticorps qui ne sont pas protecteurs. Lorsqu’on contracte la maladie une seconde fois, les anticorps déjà présents en soi se combinent au virus et développent un « complexe immun ». Ce dernier se dépose alors dans les tissus et crée des réactions inflammatoires partout dans le corps : peau, reins, poumons, etc., et détruira les tissus. C’est ce qu’on appelle une réponse immunitaire inadaptée qui va se retourner contre la personne contaminée. Je répète, nous sommes encore dans la spéculation. Nous n’avons pas eu le temps de voir des personnes guérir et l’attraper une seconde fois pour nous prononcer là-dessus. Quant aux fameux cas de réinfections en Chine, on ne sait pas encore si on a affaire à un virus vivant ou à un virus demeuré un temps inactif.
Au Liban, sommes-nous davantage portés à suivre le modèle italien plutôt que celui adopté par la Chine et les pays qui ont choisi de dépister largement les citoyens et de suivre leur état individuellement ? Pouvons-nous espérer un dépistage massif ? Sinon, quelle autre solution que le confinement total ?
Nous sommes en train de naviguer sur un modèle intermédiaire. Tout d’abord, nous n’avons pas un vrai confinement : nous n’avons pas réussi à enfermer tout le monde pour enrayer l’épidémie, tout comme nous n’avons pas laissé les citoyens circuler aussi librement qu’ils le souhaitaient. Ce que nous sommes en train de faire, c’est d’éloigner les gens progressivement, puis de permettre un contact progressif de nouveau. Nous sommes en train d’aplanir la courbe afin qu’elle ne soit pas au départ montante comme une flèche, mais qu’elle grimpe par paliers. Cela dit, elle va continuer à monter. C’est certain puisque l’épidémie n’est pas contrôlée, mais sans avoir (nous l’espérons) une pente raide avec des chiffres d’atteinte simultanément. Cela veut dire que l’épidémie est appelée à se prolonger dans le temps.
Avec 700 respirateurs disponibles au Liban, serions-nous forcés de choisir qui traiter et qui laisser mourir ? Quelle est votre position par rapport au retour des expatriés sans un confinement total et strict pour tous ?
Oui, nous allons forcément arriver à cet engorgement tant redouté. Nous ne faisons que repousser un pic inévitable. Oui, des personnes mourront faute de soins et par manque de respirateurs. Quant aux expatriés, la logique même serait de placer les nouveaux arrivés en confinement pendant deux semaines et de les tester avant de les relâcher dans la nature. C’est ce que j’ai proposé aux officiels qui ont déclaré vouloir tester les arrivants et garder en quarantaine ceux qui sont positifs. Or, nous savons pertinemment que la période d’incubation peut aller jusqu’à deux semaines, voire parfois au-delà. Il faut absolument garder les 20 000 personnes qui vont rentrer en confinement pour deux semaines et les tester au bout de cette période. C’est l’unique solution, sinon nous allons vers une catastrophe sanitaire certaine. Ce sont des bombes virales qui éclateront un peu partout, et tous les efforts de confinement déployés jusqu’à présent voleront en éclats.
Les Libanais ont envie de savoir combien pourrait encore durer ce confinement ?
Si le confinement reste comme il est maintenant, cela n’a aucun sens que nous restions confinés... Ou bien on confine tout le monde ou bien c’est une perte de temps. Tout ce qu’on peut espérer, c’est de retarder l’engorgement… Quant à la situation actuelle qui est en demi-mesures, il s’agit d’une période qui pourrait aisément s’étaler sur plusieurs mois…
Est-ce que l’État possède, comme il le prétend, la possibilité de traiter 60 000 personnes à l’hydroxychloroquine et à l’azithromycine ?
Par rapport à l’État, je ne sais pas. Je ne fais partie d’aucun organisme public, je ne suis pas dans les commissions, je suis un « lion » libre. De mon côté, dans mon service, j’ai de quoi traiter une cinquantaine de malades avec le protocole appliqué par le Pr Raoult auquel j’adhère complètement. J’ai d’ailleurs déjà guéri plusieurs patients. L’important est de le donner dès le début de la contamination pour baisser la charge virale. L’administrer plus tard, quand les organes sont atteints, est totalement inutile, parce que le virus ne sera plus là. Il restera uniquement les dégâts. Ce traitement permet d’arriver, entre six à huit jours au maximum, à zéro trace du virus, et surtout à ne plus être contagieux pour l’entourage. Cela dit, ce sont des molécules que des firmes pharmaceutiques fabriquent au Liban, il n’y a donc aucune raison de craindre d’en manquer…
Est-ce que le Covid-19 est transmissible par les voies aériennes ? La polémique évolue jour après jour…
Depuis le début de mes communications publiques et mes interviews, j’ai insisté sur cette éventualité par analogie avec le SARS, qui s’est transmis dans plusieurs étages d’un même immeuble par les canalisations d’aération. Apparemment, la plupart des scientifiques commencent à faire marche arrière et tendent à adopter cette éventualité.
Pour conclure, quels sont les gestes à faire en attendant de trouver un remède certain ? Et qui sera épargné ?
Se confiner, se laver les mains, porter un masque, garder au moins deux mètres de distance s’il faut absolument sortir. Essayer de faire des provisions suffisantes pour moins devoir se déplacer. Quant à ceux qui seront épargnés, je suis tenté de m’appuyer sur l’Évangile et de prendre pour exemple la parabole des dix vierges selon saint Matthieu…
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commentaires (9)
choquee par l expression du pr Nasnas ! tester les arrivants et les relacher dans la nature !ils ont bien tous une famille chez laquelle ils iront apres les 15 jours de quarantaine
Ludovic MARTY / INTERNATIONAL COLLEGE - IC
07 h 45, le 11 avril 2020