Rechercher
Rechercher

À La Une - Crise

En Irak, un 2e Premier ministre désigné jette l'éponge, le chef du renseignement lui succède

Moustafa al-Kazimi est récemment venu à Beyrouth pour résoudre les questions en suspens et les discussions ont eu des résultats positifs", assure à l'AFP une source proche du Hezbollah.

Le président irakien, Barham Saleh (3e de droite), en compagnie du Premier ministre désigné, le chef du renseignement Mustafa Kadhemi (2e de droite), en compagnie d'autres responsables, lors d'une réunion à Bagdad, le 9 avril 2020. Photo AFP / HO /Bureau de presse de la présidence irakienne

Le président irakien Barham Saleh a annoncé jeudi avoir chargé le chef du renseignement, Moustafa al-Kazimi, de former un gouvernement après que l'ex-gouverneur de Najaf, Adnane Zorfi, a jeté l'éponge, poussé vers la sortie par un rare consensus politique contre lui. M. Kazimi, 53 ans, accepté à l'inverse dès avant sa nomination par la quasi-totalité des partis, a longtemps été vu comme l'homme des Américains en Irak avant de réchauffer ses relations avec le grand ennemi de Washington, Téhéran, principale puissance agissante en Irak.

Depuis plusieurs jours, les réunions au sommet se sont multipliées. La semaine dernière, le général iranien Esmaïl Qaani, émissaire en charge des affaires irakiennes depuis l'assassinat du général Kassem Soleimani début janvier, avait même fait le déplacement à Bagdad pour réunir les chefs de partis et discuter d'un remplacement de M. Zorfi. Et, mercredi, les deux grands partis kurdes ont annoncé que si jamais ce dernier se retirait, leur soutien à M. Kazimi était acquis. Son nom avait déjà été évoqué de nombreuses fois. Après la victoire sur le groupe Etat islamique (EI) en 2017, il a été l'un de ceux proposé par le grand ayatollah Ali Sistani. Il apparaissait alors logique que le chef du renseignement --nerf de la guerre contre les jihadistes-- préside à la reconstruction du pays. Après les législatives de 2018, Adel Abdel Mahdi lui avait finalement été préféré, de nombreux partis et factions chiites rejetant l'"homme de Washington" à Bagdad.



(Lire aussi : L’État irakien au bord de l’effondrement)



"Résultats positifs"

Mais M. Abdel Mahdi a démissionné depuis plus de quatre mois déjà. Et M. Kazimi, un ancien éditorialiste et avocat des droits humains, a su retrouver le chemin de Téhéran même s'il revient de loin : il y a un mois, une des factions pro-Iran les plus radicales d'Irak l'accusait de complicité dans l'assassinat du général Soleimani par Washington près de l'aéroport de Bagdad. Aujourd'hui, une source au sein du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires pro-Iran désormais intégrés à l'Etat, dénonce des accusations "de personnes isolées" qui ne reflètent en rien les positions de "l'axe de la résistance" --une référence aux alliés de Téhéran au Moyen-Orient. Car les liens se sont resserrés: "M. Kazimi est récemment venu à Beyrouth pour résoudre les questions en suspens et les discussions ont eu des résultats positifs", assure à l'AFP une source proche du Hezbollah, qui seconde Téhéran pour les affaires irakiennes.

Pour Téhéran, qui a failli plonger dans la guerre ouverte avec Washington sur le sol irakien en début d'année, l'heure est désormais à l'apaisement, notamment en Irak, et une personnalité de consensus comme M. Kazimi est un atout de taille, selon cette même source. Un Premier ministre dont les relations avec Washington sont notoirement bonnes est précieux en temps de crise, économique --le prix du pétrole, qui représente plus de 90% des recettes de l'Etat, est en chute libre--, sociale --la révolte d'octobre continue de maintenir vivace la colère de la rue-- et sanitaire avec le Covid-19 (au moins 69 morts et plus de 1.200 contaminations à ce jour).
M. Kazimi, ajoute la source, pourrait garantir à son pays "un renouvellement des exemptions des sanctions contre Téhéran", désormais délivrées au compte-goutte par l'administration de Donald Trump, alors que Bagdad est très dépendant de son voisin particulièrement à l'approche des chaleurs estivales.


(Lire aussi : En Irak, pas de sépulture pour les morts du coronavirus)


Troisième essai transformé?

Outre l'oreille de Washington, M. Kazimi a en main deux autres atouts du jeu irakien: celles de Téhéran et de Ryad, dont le prince héritier, Mohammed Ben Salmane, est un ami personnel.
Avant lui, deux hommes se sont cassés les dents sur la mission: Mohammed Allawi avait échoué à obtenir le quorum pour un vote de confiance au Parlement et M. Zorfi a jeté l'éponge sans avoir même pu convoquer les députés ou présenter ses ministres.

M. Kazimi a désormais 30 jours pour soumettre un cabinet au Parlement, dont les modalités de réunion sous couvre-feu sont encore à déterminer.
"Tout ça est réglé. Sous trois semaines, il y aura une liste de ministres et un programme", assure, catégorique, une source proche des négociations.
Pas si vite, répondent les sceptiques, habitués des nombreux épisodes de procrastination politique en Irak. M. Kazimi pourrait aussi être emporté par la vague du débat sur le départ des Américains d'Irak, la pandémie de Covid-19 qui menace d'achever un système de santé à genoux ou la fonte des réserves en dollars du pays.
Alors, prédisent déjà certains, M. Abdel Mahdi prolongerait son mandat une fois de plus.



Lire aussi

Virus, pétrole, bourbier politique : l'Irak au bord du gouffre économique

Pour mémoire 

Un ex-gouverneur chargé de former un gouvernement dans un Irak sous tensions

Le président irakien Barham Saleh a annoncé jeudi avoir chargé le chef du renseignement, Moustafa al-Kazimi, de former un gouvernement après que l'ex-gouverneur de Najaf, Adnane Zorfi, a jeté l'éponge, poussé vers la sortie par un rare consensus politique contre lui. M. Kazimi, 53 ans, accepté à l'inverse dès avant sa nomination par la quasi-totalité des partis, a longtemps été vu...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut