Partout dans le pays, les mesures de confinement semblent de moins en moins respectées ces derniers jours. À Beyrouth, Saïda, Nabatiyé ou encore à Tripoli, de nombreux commerces ont rouvert leurs portes et la circulation s’est véritablement densifiée dans les artères principales. Un relâchement certainement lié à l’encaissement des salaires, les courses de début de mois, mais également à la nécessité de travailler pour ceux qui, comme les journaliers, ne peuvent pas s’offrir le luxe de rester confinés. Un relâchement aussi probablement lié au fait que les chiffres officiels des contaminations et décès au Liban ne sont pas aussi effarants que ceux constatés dans différents pays d’Europe ou aux États-unis. Un relâchement contre lequel le Premier ministre Hassane Diab a mis en garde, car il pourrait avoir l’effet d’une véritable bombe à retardement dans la propagation de l’épidémie.
Place Sassine hier, en plein cœur d’Achrafieh, plusieurs commerces étaient ouverts, dont une pâtisserie et un opticien, ce qui va à l’encontre des conditions établies par les autorités pour mener à bien le confinement, l’ouverture étant limitée aux commerces de première nécessité. « De nombreuses personnes circulent comme si de rien n’était. Certains boivent leur café sur le trottoir, les uns à côté des autres », confie une habitante du quartier à L’Orient-Le Jour. De même à Hamra, où de nombreuses personnes ont enfreint la mobilisation générale et circulé dans les rues du quartier sans être inquiétées par les forces de l’ordre, ce qui pousse de nombreux Libanais à se poser des questions quant à l’aspect arbitraire des procès-verbaux dressés contre certains contrevenants.
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PV et embouteillages
Verbalisé pour avoir ouvert son échoppe de garagiste-électricien à Aïn el-Delb (à l’est de Saïda), un homme a tenté hier de se donner la mort en s’aspergeant d’essence. Le malheureux entendait dénoncer par son geste le chômage forcé et la situation économique précaire dans laquelle il se trouvait, à l’heure où de nombreux commerces ont ouvert leurs portes ces derniers jours à Saïda.
À Saïda, les habitants ne se conforment plus tout à fait aux mesures de confinement, confirme notre correspondant dans cette ville, Mountasser Abdallah. « La circulation est normale, il y a même des embouteillages sur les grandes avenues. Des pâtisseries, des opticiens et même des vendeurs de café ont repris leur activité », ajoute-t-il.
À Nabatiyé, le respect du confinement est passé ces derniers jours à moins de 65 %, selon notre correspondante Badia Fahs, qui cite la municipalité de la localité. Hier, bijouteries, coiffeurs ou magasins de vêtements étaient ouverts et de nombreuses personnes étaient attroupées devant les distributeurs automatiques de billets, ce qui a nécessité l’envoi de patrouilles de la Sûreté de l’État pour rappeler les gens à l’ordre, selon l’Agence nationale d’information (ANI, officielle). À Tyr, des patrouilles relevant de la municipalité ont dû faire le tour de la ville pour demander aux restaurants et cafés contrevenants de fermer. Ils ont également effectué des rondes dans les supermarchés et les boulangeries et devant les banques, afin de demander aux gens de garder une certaine distance entre eux.
À Tripoli, où de nombreux marchés populaires continuaient d’opérer malgré la mobilisation générale, un hélicoptère de l’armée a survolé la ville pour demander à la population d’éviter les attroupements et de ne sortir que pour effectuer des courses urgentes.
Dans le Akkar, ce sont les funérailles du policier Hassan al-Dali, tué lors d’une rixe il y a quelques jours à Berkayel, qui ont semé la panique parmi les habitants qui craignent la propagation du virus. Le policier a été inhumé dans son village en présence de plusieurs dizaines de personnes agglutinées dans la rue, dont la plupart ne portaient pas de masques, selon notre correspondante Hoda Chedid.
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Des situations délicates
Interrogé par L’Orient-Le Jour, un responsable des Forces de sécurité intérieure estime que le relâchement de ces deux derniers jours peut être expliqué par le fait que les gens sont sortis pour retirer leurs salaires et faire des courses en ce début de mois. « 300 000 fonctionnaires sont sortis de chez eux pour encaisser leur salaire, sans compter les employés du secteur privé. Cela a forcément donné lieu à des files d’attente devant les banques », explique le responsable qui a requis l’anonymat. Il assure par ailleurs que les FSI « continuent d’appliquer les mesures » liées à la mobilisation générale.
« Nous dressons des procès-verbaux et fermons les commerces qui ne se conforment pas aux décisions du gouvernement », souligne le responsable qui révèle que les FSI ont rédigé environ 3 400 procès-verbaux depuis le 21 mars.
Il avoue toutefois que les forces de sécurité font souvent face à des situations délicates. « Nous tombons parfois sur des journaliers qui nous disent qu’ils doivent travailler pour nourrir leurs familles. Le plan d’aide du gouvernement (aux familles les plus démunies, et qui devrait être appliqué prochainement) devrait permettre d’assurer le minimum nécessaire aux personnes qui sont dans la précarité », estime-t-il. Pour faire face à ce relâchement de plus en plus généralisé et dangereux, l’armée libanaise, qui travaille aux côtés des FSI pour l’application des mesures de confinement, a décidé de publier deux fois par jour des rappels à l’ordre... sur son compte Twitter @LebarmyOfficial. « Nous sommes en train de publier un tweet à 10h et un autre à 16h, pour insister sur l’importance de respecter le confinement et de ne sortir de chez soi qu’en cas d’urgence. Si les gens continuent de ne pas respecter la mobilisation générale, nous prendrons les mesures nécessaires », indique à L’OLJ un responsable de l’armée, sous le couvert de l’anonymat. En soirée, l’armée, de manière plus efficace, se déployait dans plusieurs quartiers de Tripoli pour interdire les rassemblements.
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Dicton bien de chez nous : iinda'l boutouns tarat al ouukoul... Une mort sûre par manque de nourriture ou mort probable par coronabidule... Pouvons nous calmer les boutouns?????
19 h 21, le 03 avril 2020