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Moyen-Orient - Décryptage

L’alliance américano-saoudienne à l’épreuve de la guerre du pétrole

Si le consommateur américain profite de la baisse des prix, Washington ne peut pas se permettre de sacrifier tout un pan de son économie.

Le roi Salmane d’Arabie Saoudite à Riyad, le 14 octobre 2019. Alexander Zemlianichenko/POOL via Reuters

C’est un jeu à trois où tout le monde perd, mais dans lequel les États-Unis perdent, pour l’instant, encore plus que les autres. La guerre du pétrole ne fait que commencer mais elle a déjà fait beaucoup de dégâts, particulièrement du côté des producteurs de schiste américain qui ont besoin d’un prix élevé pour pouvoir être rentables. Le prix du baril a atteint hier les 22,89 dollars, son niveau le plus bas depuis plus de 17 ans, après que l’Arabie eut annoncé vouloir augmenter ses exportations de 600 000 barils par jour, poursuivant sa stratégie visant à inonder le marché. Les exportations totales du royaume vont s’élever à 10,6 millions de barils par jour à partir du mois de mai, contre 7 millions avant la crise. Une crise née dans un premier temps de la propagation du nouveau coronavirus qui a provoqué une chute de la demande chinoise puis mondiale, et dans un deuxième temps du fait que la Russie et l’Arabie, les deux pays qui font la loi sur le marché depuis 2016, ne sont pas parvenues à s’entendre afin de limiter la production pour garder des prix élevés. La Russie a vu dans cette crise un moyen de porter un coup décisif à la concurrence américaine. L’Arabie saoudite a joué la surenchère pour prouver qu’elle reste la reine du pétrole, mais cela pourrait compliquer ses relations avec son allié américain, devenu depuis peu le premier producteur mondial d’or noir. Si le consommateur américain profite de la baisse des prix, Washington ne peut pas se permettre de sacrifier tout un pan de son économie. L’administration Trump a fait pression sur Riyad à plusieurs reprises depuis le début de la crise, sans succès pour le moment. Se heurtant à une fin de non-recevoir de la part du royaume, Donald Trump s’est finalement tourné vers son homologue russe Vladimir Poutine, en convenant hier de « consultations russo-américaines entre ministres de l’Énergie » au sujet de la situation actuelle du marché pétrolier mondial lors d’un entretien téléphonique. Plus tôt dans la journée, le locataire de la Maison-Blanche avait affirmé qu’il « pourrait s’entendre » avec le président russe dans le cas où ce dernier lui demanderait un allègement des sanctions.

Cela augure-t-il d’un bras de fer avec le royaume, coincé entre les deux grandes puissances ? « L’administration Trump ne veut pas d’une “guerre” avec l’Arabie saoudite sur les prix du pétrole. La priorité reste de presser l’Iran avec plus de sanctions », explique Bruce Riedel, ex-responsable au sein de la CIA et chercheur à la Brookings Institution, contacté par L’Orient-Le Jour. « Elle exerce une légère pression sur l’homme fort saoudien, Mohammad ben Salmane (MBS), pour réduire la production, mais seulement par la rhétorique et non l’action », souligne-t-il.

Le secrétaire d’État des États-Unis, Mike Pompeo, était monté au créneau mercredi dernier lors d’une conversation téléphonique avec MBS. Six sénateurs américains avaient adressé une lettre au chef de la diplomatie américaine l’exhortant sur un ton virulent à faire pression sur Riyad, alertant sur le fait que « la domination énergétique (des États-Unis) (…) est désormais directement menacée par un pays qui prétend être notre allié ». « Cette relation sera difficile à préserver si les troubles et les difficultés continuent d’être intentionnellement infligés aux petites et moyennes entreprises américaines qui sont au cœur de l’abondance énergétique de notre pays. En profitant d’une situation confuse et des temps désespérés, le royaume risque sa relation bilatérale avec les États-Unis », ont-ils insisté. Treize sénateurs républicains ont également écrit une lettre au prince héritier saoudien, lui demandant d’aider à la stabilisation du marché et devaient rencontrer l’ambassadrice d’Arabie saoudite à Washington, Rima bent Bandar, la semaine dernière.


(Pour mémoire : Pétrole : pourquoi le marché s’est effondré)

« Crise existentielle »

L’annonce lundi dernier de la nomination de Victoria Coates au poste d’envoyée spéciale des États-Unis pour l’Énergie, qui sera basée en Arabie saoudite, ne semble toutefois pas augurer un changement dans l’approche adoptée par l’administration Trump jusqu’à maintenant.

« Avec le choix de Victoria Coates, qui travaillait à la Maison-Blanche et qui est proche de la ligne de Trump et (du gendre et conseiller du président américain) Jared Kushner sur l’Arabie, il y a une position d’attente pour voir comment les marchés et les pressions à l’intérieur des États-Unis de la part des républicains vont évoluer », indique Yasmine Farouk, chercheuse au Centre Carnegie, interrogée par L’OLJ. Le dauphin saoudien a tout misé jusqu’ici sur sa bonne entente avec l’administration Trump, qui l’a soutenu dans les pires moments, notamment l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul en 2018 et l’utilisation d’armes américaines par Riyad dans la guerre au Yémen. MBS a besoin du soutien des États-Unis pour apparaître intouchable dans son pays, d’autant plus dans une période marquée par de nouvelles arrestations où le dauphin veut s’assurer que personne n’entravera sa succession. Dans le même temps, le royaume saoudien ne peut pas se permettre de perdre cette guerre du pétrole, vitale pour son économie. Deux enjeux a priori contradictoires qui font prendre un vrai risque au royaume wahhabite.

« Le président Trump et le secrétaire d’État Pompeo sont trop liés au prince héritier pour se retourner contre lui maintenant », avance Bruce Riedel. « Il y a déjà une polarisation autour de l’Arabie saoudite aux États-Unis. D’une manière générale, le Parti républicain essaye de ne pas trop s’éloigner de la ligne du président qui est un grand ami de l’Arabie », note Yasmine Farouk. « Il y a une tension à cet égard et cela devient de plus en plus difficile à tenir : l’Arabie pourrait commencer à perdre des amis au sein des rangs des républicains qui maintenaient la ligne du président, non pas par conviction de l’importance des relations avec l’Arabie mais pour soutenir la ligne du président contre les démocrates », poursuit-elle. Au-delà des enjeux économiques et géopolitiques de la guerre des prix du pétrole, le sujet a également une dimension électorale pour l’actuel président des États-Unis alors que de nombreux Américains pourraient subir la crise de plein fouet pendant que la campagne présidentielle bat son plein. « Si les démocrates gagnent en novembre, la question du pétrole sera ajoutée à celle sur le Yémen, le meurtre de Khashoggi et à d’autres éléments et pourrait créer une crise existentielle dans la relation entre Riyad et Washington », estime Bruce Riedel.


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commentaires (3)

TRES DANGEREUX POUR L,ECONOMIE MONDIALE SURTOUT EN CES JOURS NOIRS DU FLEAU QUI SEVIT.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 03, le 31 mars 2020

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Commentaires (3)

  • TRES DANGEREUX POUR L,ECONOMIE MONDIALE SURTOUT EN CES JOURS NOIRS DU FLEAU QUI SEVIT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 03, le 31 mars 2020

  • IL FAUT QUE LA. CHINE ENVAHISSE LA SIBERIE COLONISEE PAR LA RUSSIE QUI N A RIEN A FAIRE EN EXTREME ORIENT. ON VERRA ALORS DE QUOI VIVRA CE PAYS DECADENT A TOUT POINT DE VUE...D EXPORTATION DE VODKA ET DE CAVIAR,RIEN DE PLUS.

    HABIBI FRANCAIS

    08 h 20, le 31 mars 2020

  • Le seul leader mondial qui a encore une marge de manoeuvre assez large pour en sortir gagnant à tous oints de vue m c'est Sanitn Vladimir (Poutine de son vrai nom !) Un merveilleux stratège !

    Chucri Abboud

    01 h 49, le 31 mars 2020

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