A 19h vendredi soir, alors qu'entrait en vigueur une nouvelle mesure dans le cadre de la mobilisation générale contre le coronavirus, à savoir l'instauration d'un couvre-feu avec interdiction de circuler hors de chez soi entre 19h et 5h du matin, les forces de l'ordre ont démantelé le dernier campement de la révolution érigé dans le centre-ville de Beyrouth. Un démantèlement qui s'est fait, selon Marcelle Rached, une des irréductibles qui dormait toujours sous les tentes, avec violence.
"Les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont débarqué vers 19h, rapidement suivies par les forces anti-émeutes. L'opération a été violente, ils nous ont battus, ils ont détruit les tentes, ils ne nous ont même pas laissés prendre nos affaires", affirme Marcelle Rached, qui, comme la centaine d'autres contestataires du centre-ville, a dû quitter le campement. Des contestataires ont été blessés, mais personne n'a été envoyé à l'hôpital, affirme-t-elle encore.
En réaction à l'action des forces de l'ordre, des manifestants ont brûlé des pneus dans le secteur et d'autres se sont rassemblés devant le siège de l'opérateur Touch, sur la voie-express du Ring, pour protester contre le démantèlement des tentes.
(Pour mémoire : Le pouvoir accusé de tirer profit du coronavirus pour intimider les protestataires)
Réagissant à ces développements, le bureau de presse du ministre de l'Intérieur Mohammad Fahmi a confirmé que la police a bien démantelé le campement.
"Le ministre renouvelle son soutien aux demandes sociales justes du mouvement de contestation pacifique et souligne que la campagne de désinfection des tentes sur la place des Martys et celle de Riad el-Solh qu'il a ordonnée la semaine dernière s'inscrit dans le cadre des mesures de protection des manifestants contre le coronavirus et constitue un geste de bonne volonté de M. Fahmi envers les protestataires", affirme un communiqué publié par le bureau de presse du ministre. "En raison de l'augmentation des atteintes aux propriétés privées et contre les passants dans le secteur, surtout après un incident avec un ambassadeur, les forces de l'ordre ont été contraintes de démanteler les tentes", conclut le communiqué.
Le 22 février dernier, le ministre de l'Intérieur avait pourtant laissé entendre que le camp des contestataires ne serait pas démantelé, et que des mesures, notamment de stérilisation des lieux, seraient prises. "Tant que ce rassemblement est pacifique (...)", avait commencé à dire le ministre avant d'être interrompu par un journaliste l'interrogeant sur les mesures prise face au coronavirus. Sur quoi le M. Fahmi avait déclaré que le ministère avait "mené une campagne de désinfection des tentes".
Samedi matin, les opérations de démantèlement du campement se poursuivaient, selon un témoin sur place. Aucun communiqué des forces de l'ordre n'avait été publié à la mi-journée.
Le centre-ville de Beyrouth est l'un des coeurs de la révolte populaire contre la classe politique libanaise qui avait débuté le 17 octobre 2019, à travers tout le Liban. Depuis des semaines, sous le double coup de la crise économique puis de la pandémie de coronavirus, le mouvement s'était essoufflé. Des irréductibles continuaient, toutefois, de résister aux multiples tentatives des forces de l'ordre de rouvrir les routes du centre-villes, bloquées depuis octobre par les contestataires. Tentatives qui se sont répétées ces dernières semaines.
Vendredi soir, le comité des avocats des manifestants a dénoncé "le démantèlement et la destruction des tentes permanentes et les tentatives d'arrêter les manifestants", estimant notamment que "l'interdiction de se déplacer dans les rues à partir de 19 heures ne s'applique pas aux contestataires se trouvant de manière permanente sur le terrain". Il déplore également que les manifestants n'aient pas été prévenus à l'avance pour leur donner le temps de rentrer chez eux avec leurs affaires et qu'ils aient été menacés d'être arrêtés. Le comité appelle le ministère de l'Intérieur à "cesser cette agression envers les manifestants" et à ne pas utiliser la force et la répression de manière injustifiée.
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Les restrictions au nom de la sante ne doivent pas restreindre la liberte d'expression et le droit de manifester. Les manifestants peuvent manifester de facon pacifique sans mettre en danger leur sante ou la sante des autres.
Stes David
18 h 52, le 28 mars 2020