Depuis qu’elle a fermé momentanément sa salle de sport à Baabdate, conformément aux recommandations de lutte contre le coronavirus, Jihane Rizkallah Corbani a décidé de continuer à assurer ses cours en ligne, aux mêmes horaires, via internet. Ses clientes se connectent tous les jours à partir de chez elles et font leur séance de sport, comme d’habitude.
« Je travaille de chez moi maintenant. J’ai aménagé ma salle de séjour en studio, je pose mon téléphone sur un trépied et je filme la séance en direct, raconte Jihane à L’Orient-Le Jour. Une trentaine de personnes participent à mes cours en ligne chaque jour. Mes abonnées sont très motivées et ça leur fait du bien de continuer à pratiquer leur routine quotidienne. Je ne m’attendais pas à ce que ces cours aient autant de succès, reconnaît-elle. Mais en tant que Libanais, on s’arrange toujours et la vie continue malgré tout, on a une volonté de fer. »
Si le gouvernement a fini par appeler à une « mobilisation générale » dimanche soir, de nombreuses personnes avaient choisi, à l’instar de Jihane, de limiter leurs déplacements bien avant cette annonce, après les appels pressants lancés par les médias, des ONG et de nombreux groupes de la société civile. La campagne « Khallik bel beyt » (Reste à la maison) a eu un effet boule de neige et a réussi à convaincre les Libanais de s’enfermer pour limiter la propagation du Covid-19. Mais c’était sans compter la coquetterie des Libanaises dont beaucoup font désormais appel aux services à domicile de leurs coiffeurs ou esthéticiennes. « Les Libanaises ne se laissent jamais aller. Mon coiffeur va venir à domicile et je mettrai un masque », affirme May, une Beyrouthine. Une autre dame confie jouer désormais au bridge en ligne avec ses partenaires, son club étant fermé.
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Radio Quartiere Beirut
La solidarité artistique en Italie et les vidéos d’Italiens confinés dans leurs appartements et chantant en chœur sur leurs balcons ont constitué une source d’inspiration majeure pour de nombreux Libanais. Prenant exemple sur un groupe de ses amis qui ont créé une radio en ligne à Milan pour mieux appréhender le confinement, Majed Chehabi, étudiant syro-palestinien à Beyrouth, a décidé il y a quelques jours de lancer une radio de quartier (radioquartiere.online/beirut). Depuis, il a reçu des appels de dizaines de volontaires prêts à jouer leur musique préférée en ligne. Il compte plus de 3 000 auditeurs par jour, pour un total de 500 heures de diffusion.
« Je discutais avec mes amis enfermés chez eux à Milan et ils m’ont parlé de leur radio, Radio Quartiere, diffusée en ligne, pour que les gens puissent rester connectés et s’envoyer des messages en direct. J’ai décidé d’en créer une ici et nous avons commencé à diffuser depuis le centre culturel Mansion, à Zokak el-Blatt », raconte Majed à L’OLJ. « Nos DJ vivent au Liban ou à l’étranger et se relaient toute la journée. Ils sont libanais, yéménites, palestiniens, tunisiens, jordaniens ou syriens. L’idée, c’est de rester connecté, de continuer à mener une vie sociale à distance. Les auditeurs dialoguent avec nous et envoient des messages sur notre site internet en temps réel », souligne le jeune homme.
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Après la fermeture forcée des pubs et boîtes de nuit, Joe Sbeih a décidé de continuer à exercer son métier de DJ malgré tout. Il a ainsi organisé, samedi dernier, une soirée en direct sur les réseaux sociaux, pendant près de trois heures, dans l’espoir de recréer l’ambiance des soirées qu’il animait tous les week-ends. « À vrai dire, je m’ennuyais chez moi et le boulot me manquait. J’ai vu comment les Italiens résistaient par la musique et j’ai donc décidé de passer un samedi soir normal, raconte Joe à L’OLJ. Les gens ont massivement écouté et partagé ma session avec leurs amis. Cela prouve à quel point ils ont besoin de s’amuser et de passer de bons moments. »
En témoigne l’augmentation des services de livraison à domicile, notamment de cocktails alcoolisés. Barlivery, un service de boissons en ligne, a enregistré une hausse de ses commandes ces derniers jours. « Nos commandes ont augmenté il y a 5 ou 6 jours. On a eu beaucoup de travail le week-end dernier, surtout vendredi soir », assure Mireille Ordekian, barmaid et gérante de Barlivery. « Quelques personnes sont en train d’organiser de petites soirées chez elles et nous commandent des cocktails alcoolisés. Mais nous avons aussi des commandes plus petites, pour des personnes qui prennent un verre seules chez elles », souligne la jeune femme qui rassure sur les mesures d’hygiène observées par sa société. « Nous respectons les mesures d’hygiène lors de la fabrication des boissons. Nos livreurs sont également soumis à ces conditions, affirme Mireille, dont la société livre à Beyrouth ainsi que sur le littoral du Metn. C’est rassurant de voir que les gens continuent de vivre. »
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commentaires (7)
Autant pour la musique ( l’art et la radio) on ne peut qu’être d’accord. En tant que nous-mêmes mêmes , radio en ligne musicale à partir de Paris, on ne pas qu’encourager ceci. Mais la coiffure ? Et tout ce qui est superflu? Franchement !!! Puis, chère rédactrice... en écrivant sur « l’alcool » à domicile.savez-vous que l’alcool, MEME à faible dose, il participe à la baisse de l’immunité du corps face au COVID19??? Ces inconscients et votre article encouragez sans le savoir la baisse de cette immunité.Oui pour l’art tant que les gens sont chez eux, NON pour les futilités durant cette grave période
LE FRANCOPHONE
16 h 54, le 17 mars 2020